CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Robert,
contre l'arrêt n° 687 de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 9 septembre 1998, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans, a ordonné la confiscation des armes et munitions saisies et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5, 122-6, 122-7, 222-11, 222-12 et suivants du Code pénal, 73, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Robert X... coupable de violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours sur Laurent Z... et Christophe Y... ;
" aux motifs que le prévenu ne se trouvait pas dans un des cas présumés de légitime défense prévus par l'article 122-6 du Code pénal, les victimes n'ayant pas pénétré dans un lieu habité ou dans une dépendance d'un lieu habité, mais dans un bois jouxtant la propriété du prévenu, même si ce bois était clôturé ; que le prévenu ne peut de même invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 122-5 du Code pénal, étant observé de surcroît qu'il n'existe aucune proportionnalité entre la sauvegarde de quelques champignons appartenant à ce dernier, et les moyens prétendument défensifs utilisés qui ont occasionné des blessures graves aux victimes ;
" que le prévenu ne saurait non plus soutenir qu'il se trouvait sous l'empire de la contrainte, laquelle doit présenter un caractère irrésistible alors que le prévenu n'était nullement agressé, ses protagonistes ayant au contraire tenté de prendre la fuite ; que pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'état de nécessité ne peut prospérer ; qu'enfin, le prévenu ne saurait légitimement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 73 du Code de procédure pénale, lequel, s'il prévoit que toute personne a qualité pour appréhender l'auteur d'un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, ne peut conférer à un simple citoyen plus de droits que ceux dont disposent les représentants de la force publique et lui permettre de s'affranchir des règles concernant la légitime défense ;
" alors que, d'une part, la Cour a violé les dispositions de l'article 122-6, alinéa 1er, du Code pénal en refusant d'en faire application en l'espèce où le prévenu avait blessé les parties civiles qui s'étaient introduites à la fin de la nuit par effraction dans le bois lui appartenant au milieu duquel se trouvait sa maison d'habitation, sous prétexte qu'un tel bois ne constituait pas la dépendance d'un lieu habité ;
" alors que, d'autre part, les juges du fond ont violé l'article 459 du Code de procédure pénale en laissant sans réponse les moyens péremptoires de défense du prévenu invoqués par ce dernier dans ses conclusions d'appel et tirés de la nécessité où il s'était trouvé de tirer sur les voleurs qui s'étaient introduits sur sa propriété après que ceux-ci aient réussi à lui échapper, dès lors que sa femme se trouvait dans la maison située au milieu de cette propriété et qu'il pouvait légitimement craindre pour la sécurité de cette dernière eu égard aux nombreuses agressions dont quelques-unes avaient même été mortelles, commises dans la région, et aux très nombreux vols dont il avait été victime et dont plusieurs avaient été suivis de menaces de mort proférées à son encontre comme à l'encontre de son épouse alors que, eu égard à son âge et à celui des jeunes voleurs, il ne pouvait s'opposer à eux par sa seule force physique " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Robert X..., ayant constaté, le 13 octobre 1996, vers 8 heures 15, que Laurent Z... et Christophe Y... s'étaient introduits par escalade sur le terrain clôturé dont il exploite les ressources mycologiques, les a, sous la menace de son fusil de chasse, sommés de le suivre ; qu'alors qu'ils tentaient de prendre la fuite, il a tiré plusieurs coups de feu dans leur direction, les atteignant l'un à l'épaule droite, l'autre à la face, à l'épaule et à l'avant bras droit, puis les a frappés avec la crosse d'une arme de poing et un gourdin et les a attachés à un arbre, avant de les livrer à la gendarmerie ; que chacune des deux victimes a subi une incapacité totale de travail d'une durée supérieure à 8 jours ;
Attendu que, poursuivi pour violences aggravées, Robert X... a soutenu, par conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, que les actes qui lui sont reprochés avaient été commandés par la nécessité de repousser, de nuit, l'entrée par effraction de deux " gaillards jeunes et déterminés ", dont il pouvait craindre des " représailles soudaines et inattendues ", compte tenu de son âge ;
Qu'il a en outre fait valoir pour sa défense qu'il s'était conformé aux prescriptions de l'article 73 du Code de procédure pénale, en appréhendant les auteurs d'un délit flagrant de vol aggravé pour les déférer à l'officier de police judiciaire ;
Attendu que, pour rejeter les moyens de défense ainsi proposés, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que le prévenu ne se trouvait dans aucun des cas prévus par les articles 122-5, 122-6 et 122-7 du Code pénal, et a exercé, pour appréhender les auteurs des faits, des violences injustifiées par rapport au but légitime poursuivi, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais, sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1134, 1350 et 1351 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradictions de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action civile, affirmé que le premier juge a implicitement déclaré entière la responsabilité du prévenu ;
" au motif que le premier juge n'a retenu aucune faute imputable aux victimes ;
" alors que, les premiers juges n'ayant pas statué sur la responsabilité des dommages causés aux parties civiles auxquelles ils ont seulement alloué des provisions tout en ordonnant des expertises médicales destinées à permettre de déterminer l'étendue de ces dommages, mais ayant constaté que les deux parties civiles reconnaissaient s'être introduites sur la propriété du prévenu après avoir escaladé le grillage qui l'entourait, la Cour, qui a formellement adopté ces motifs et qui, par arrêt distinct de l'arrêt attaqué mais rendu le même jour, a constaté que les parties civiles avaient pour ces faits été déclarées coupables de vol avec dégradation par un jugement passé en force de chose jugée sur ce point, a violé l'autorité de la chose jugée et s'est mise en contradiction avec les constatations des premiers juges qu'elle a adoptées en déclarant que le premier juge n'avait retenu aucune faute à l'encontre des parties civiles pour en déduire à tort qu'il avait implicitement déclaré entière la responsabilité du prévenu " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables des violences aggravées commises sur Laurent Z... et Christophe Y..., parties civiles, dont Robert X... a été déclaré coupable, la cour d'appel énonce que " le premier juge a fait une exacte appréciation de la responsabilité du prévenu, qu'il a implicitement déclarée entière, dans la mesure où il n'a retenu aucune faute imputable aux victimes " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors, d'une part, qu'ordonnant, avant dire droit, une mesure d'expertise, les premiers juges ne s'étaient pas prononcés sur l'étendue de la responsabilité civile du prévenu, et que, d'autre part, il résulte des propres constatations de l'arrêt que Laurent Z... et Christophe Y... ont été blessés alors qu'ils venaient de commettre des dégradations et un vol aggravé pour lequel ils ont été définitivement condamnés, le 27 janvier 1997, par le tribunal correctionnel de Bordeaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 9 septembre 1998, mais en ses seules dispositions relatives à l'étendue de la responsabilité civile du prévenu, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.