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07/12/1999 | FRANCE | N°98-82252

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 décembre 1999, 98-82252


REJET des pourvois formés par :
- X... Claude, Y... Louis, Z... François, Z... Philippe, A... Gabriel, B... Odette, épouse C..., D... Guy, E... Christian, E... Philippe, F... Philippe, la société anonyme Y..., civilement responsable, la société en nom collectif Besnier-Vercel, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 1998, qui a condamné le premier à 200 000 francs d'amende des chefs de tromperie et usurpation d'appellation d'origine contrôlée, le second à la même peine pour complicité de ces 2

délits, et les 8 autres prévenus, chacun, à une amende de 5 500 franc...

REJET des pourvois formés par :
- X... Claude, Y... Louis, Z... François, Z... Philippe, A... Gabriel, B... Odette, épouse C..., D... Guy, E... Christian, E... Philippe, F... Philippe, la société anonyme Y..., civilement responsable, la société en nom collectif Besnier-Vercel, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 1998, qui a condamné le premier à 200 000 francs d'amende des chefs de tromperie et usurpation d'appellation d'origine contrôlée, le second à la même peine pour complicité de ces 2 délits, et les 8 autres prévenus, chacun, à une amende de 5 500 francs du seul chef de complicité d'usurpation d'appellation d'origine, a ordonné des mesures de publication et d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les mémoires complémentaires des demandeurs ;
Attendu que, courant juillet et août 1994, des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes de Franche-Comté (DGCCRF) ont constaté que la société Y... a fourni du lait impropre à la fabrication de fromage d'appellation d'origine Comté à la société Besnier-Vercel, qui l'a néanmoins utilisé à cette fin ; que Claude X..., directeur technique de la fromagerie, le président de la société Y... et les producteurs laitiers sont poursuivis, le premier, pour tromperie et usurpation d'appellation d'origine contrôlée, en application des articles L. 213-1 et L. 115-16 du Code de la consommation et du décret du 29 décembre 1986, le second, pour complicité de ces délits, les producteurs laitiers l'étant du seul chef de complicité de cette dernière infraction ;
Que le tribunal correctionnel, après avoir accueilli partiellement une exception de nullité et écarté des débats diverses pièces annexées au procès-verbal du 18 mai 1995 de la DGCCRF, a déclaré les prévenus coupables, les a condamnés notamment à des amendes et à des indemnités envers l'Institut des appellations d'origine (INAO) et la Fédération des coopératives laitières du Jura (FDCL), parties civiles, en déclarant respectivement les deux sociétés civilement responsables de leurs dirigeants ;
Attendu que la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, a confirmé la décision des premiers juges ayant écarté des débats les pièces non signées annexées au procès-verbal précité et rejeté, pour le surplus, la demande d'annulation de la procédure ainsi que la demande de sursis à statuer liée à l'existence d'une question préjudicielle de droit communautaire dont le Conseil d'Etat avait saisi la Cour de justice de la Communauté (CJCE), dans le cadre d'une instance parallèle en annulation du décret du 18 novembre 1994 dont il était lui-même saisi par Claude X... et Louis Y..., et a confirmé le jugement sur la culpabilité des prévenus et les intérêts civils, et élevé le montant des amendes prononcées contre les dirigeants ;
Attendu que le Conseil d'Etat a, postérieurement à l'arrêt attaqué, le 30 décembre 1998, annulé le décret du 18 novembre 1994 modifiant celui du 29 décembre 1986, fondement des poursuites, aux motifs que le gouvernement n'était plus autorisé, pendant la procédure d'enregistrement communautaire de l'appellation d'origine Comté dont il avait saisi la Commission européenne, à modifier les modalités de fabrication du Comté définies par l'article 2 de ce décret ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour tous les demandeurs, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que, d'une part, la composition de la cour d'appel est mentionnée uniquement pour l'audience de prononcé de sorte qu'il est impossible, au vu des mentions de l'arrêt attaqué, de s'assurer que ce sont bien les mêmes magistrats qui ont assisté aux débats, au délibéré et au prononcé de l'arrêt ;
" en ce que, d'autre part, les mentions de l'arrêt, qui sont muettes sur le nom du magistrat qui a prononcé la décision ne permettent pas plus de s'assurer que ce magistrat a bien participé aux débats et au délibéré " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que celui-ci a été prononcé à l'audience du 27 janvier 1998 où siégeaient M. Waultier, conseiller faisant fonction de président, et MM. Garrabos et Perron, conseillers ;
Attendu qu'en l'état de cette mention et des dispositions de l'article 592 du Code de procédure pénale, ces magistrats sont présumés avoir assisté à l'audience des débats du 16 décembre 1997 et participé au délibéré ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour tous les demandeurs, pris de la violation des articles 385, 429, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen pris de la nullité des procès-verbaux établis par les agents de la DGCCRF dans le courant de l'année 1994 (pièces 5 à 26) ;
" aux motifs que (arrêt, pages 11 et 12) des agents de la DGCCRF de Franche-Comté ont procédé en juillet et en août 1994 à une enquête dans les exploitations agricoles du Doubs, producteurs de lait sous contrats avec la SA Y... (président-directeur général, Louis Y...), dont l'activité est l'achat et la collecte de lait (...) ; que le but des vérifications effectuées par la DGCCRF était de rechercher si la fabrication du Comté AOC respectait les dispositions du décret du 29 décembre 1986 relatif à l'appellation d'origine Comté ; que, (arrêt, page 15 a) sur la nullité des procès-verbaux de contrôle par la DGCCRF (pièces 5 à 26) ainsi que toutes autres pièces y afférentes (et l'application de la norme européenne), les premiers juges ont, à bon droit, écarté des débats en vertu de l'article 429 du Code de procédure pénale lesdites pièces au motif qu'elles ne mentionneraient pas le nom de l'agent qui en était l'auteur et ne portaient pas de signature ; que ledit rapport intitulé " enquête complémentaire " constitue une simple annexe, reprise pour partie dans le procès-verbal du 18 mai 1995 lequel est parfaitement régulier et se suffit à lui-même ; que, dès lors, l'annulation des seuls documents susvisés n'a aucune incidence et n'affecte pas la validité du procès-verbal du 18 mai 1995 reposant sur des éléments probants à l'origine des poursuites ;
" alors que ces procès-verbaux, dont l'irrégularité a été reconnue par le tribunal et par la cour d'appel, annexés et incorporés au procès-verbal de délit du 18 mai 1995, constituaient en fait ainsi d'ailleurs que l'exprime l'arrêt attaqué en énonçant qu'ils avaient pour but de rechercher si la fabrication du Comté respectait les dispositions du décret du 29 décembre 1986 de véritables contrôles à l'encontre de plusieurs producteurs de lait concernant des manquements à ce décret, avec interrogatoires des personnes concernées, dont les constatations seront reprises dans la totalité des interrogatoires ultérieurs qui seront la base des poursuites, de sorte qu'en se contentant d'affirmer que l'annulation qu'elle ne prononce d'ailleurs pas des procès-verbaux litigieux ne pouvait avoir d'influence sur la validité du procès-verbal du 18 mai 1995, aux motifs que celui-ci reposait sur des éléments probants à l'origine des poursuites, sans s'expliquer davantage sur la façon dont avaient été recueillis ces éléments probants, qui en réalité découlaient directement des documents irréguliers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les droits de la défense et les dispositions de l'article 429 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que les énonciations du jugement et de l'arrêt mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges, après avoir écarté des débats les pièces non signées et ne portant pas le nom de leur rédacteur, dont l'irrégularité avait été invoquée par les prévenus, ont fondé leur décision sur le seul procès-verbal du 18 mai 1995 de la DGCCRF, qu'ils ont estimé " parfaitement régulier et se suffisant à lui-même " ;
Attendu qu'en cet état l'arrêt n'encourt pas la censure ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le septième moyen de cassation, proposé pour Claude X..., Louis Y..., les sociétés Y... et Besnier-Vercel, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et de l'article 132-24 du Code pénal, violation des droits de la défense, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité, a condamné les demandeurs à la peine de 200 000 francs d'amende et ordonné une mesure d'affichage à titre de peine complémentaire ;
" aux motifs qu'eu égard aux quantités très importantes de fromage de Comté en cause, la gravité des faits commis pendant un long laps de temps, sur un produit soumis à appellation d'origine par des professionnels avertis, et également tenant compte de l'attitude des prévenus cherchant à embrouiller les choses et à jeter le trouble sur les dispositions applicables, il convient d'aggraver sensiblement le montant de l'amende tout en ordonnant des mesures de publication et d'affichage de la présente décision ;
" alors que les demandeurs faisaient valoir que l'incrimination d'usurpation d'appellation d'origine Comté reprochée visait un décret de 1976, inexistant et des articles du décret du 29 décembre 1986 tout aussi inexistants, ce qui devait entraîner l'abandon des poursuites de ce chef, de sorte que la cour d'appel qui, prononçant une peine globale, s'est abstenue de répondre à ce moyen péremptoire de nature à faire disparaître une des infractions poursuivies, et en a au contraire tiré argument pour reprocher aux prévenus d'avoir exercé les droits de la défense afin d'en déduire que cette attitude méritait une aggravation de la peine, a privé la déclaration de culpabilité de base légale, la cassation qui interviendra sur ce point devant être totale, en raison de l'indivisibilité de la déclaration de culpabilité et de la peine " ;
Attendu que, les demandeurs n'ayant invoqué l'irrégularité de la citation, affectée par une erreur de visa des textes d'incrimination, qu'au soutien de leur défense au fond, pour solliciter leur relaxe, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a déclaré cette exception irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ; que, dès lors, le moyen, irrecevable en ce qu'il reprend cette exception devant la Cour de Cassation, ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour tous les demandeurs, pris de la violation de l'article 177 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, de l'article 189, alinéa 2, du traité CEE, violation du règlement CEE n° 2081-92 du 14 juillet 1992, de l'article L. 214-1 du Code de la consommation, de l'article 112-4 du Code pénal, des articles 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen pris de la contestation de la légalité communautaire du décret du 18 novembre 1994 et dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;
" aux motifs que l'exception relative à la norme européenne édictée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas été soulevée devant les premiers juges ; qu'elle est donc irrecevable en application de l'article 385 du Code de procédure pénale ; que, sur la demande de sursis à statuer, les prévenus font état d'une question préjudicielle posée par un arrêt du Conseil d'Etat du 29 octobre 1997 mettant en cause la légalité communautaire du décret du 18 novembre 1994 ; qu'ils souhaitent un sursis dans l'attente de la décision qui doit être rendue par la cour d'appel de justice des communautés de Luxembourg ; que les faits constatés par les agents de la DGCCRF se situent entre juillet-août 1994, et plus généralement entre janvier et novembre 1994 ; qu'à cette époque le décret du 18 novembre 1994, objet d'une discussion sur sa légalité communautaire n'était pas applicable ; que, dès lors, les critères de fabrication du fromage devant bénéficier de l'appellation d'origine Comté étaient définis durant l'année 1994 par le seul décret du 29 décembre 1986, fondement de la deuxième infraction reprochée aux prévenus Claude X... et Louis Y... ; qu'en conséquence, la construction juridique échafaudée par les prévenus et relative à la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat le 29 octobre 1997 n'a aucun intérêt en l'espèce puisque les faits doivent s'analyser au regard du décret de 1986 ; qu'au surplus il convient d'observer que la demande de sursis n'a pas été présentée devant les premiers juges alors même que le texte incriminé du 18 novembre 1994 avait déjà paru et pouvait donc faire l'objet d'une question préjudicielle devant les premiers juges ; qu'en tout état de cause la demande de sursis à statuer dont s'agit ne saurait prospérer ;
" alors que l'exception relative à l'interprétation de la légalité communautaire d'un décret national est une exception d'ordre public qui peut être soulevée en tout état de cause, nonobstant les dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale, en raison de la force obligatoire des règlements communautaires en droit interne ; que l'abrogation d'une disposition portant sur la qualification pénale d'une infraction et sa modification par une nouvelle disposition a pour effet de rendre immédiatement applicable aux affaires non définitivement jugées la nouvelle disposition abrogeante, ce dont il résulte que le décret du 18 novembre 1994 ayant abrogé en son article 1er l'article 2 du décret antérieur du 29 décembre 1986 fixant les critères de fabrication du fromage AOC Comté dont les manquements constatés avaient été à l'origine des poursuites, et l'ayant remplacé par son article 2, devait s'appliquer à la présente affaire qui n'était pas encore définitivement jugée, de sorte que la légalité communautaire de ce décret conditionnait la légalité de son application en droit interne ;
" qu'en cet état, la cour d'appel, qui, visant à tort une exception relative à la norme européenne édictée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, a cru, sous le visa erroné de l'article 385, pouvoir rejeter l'exception de contestation de la légalité communautaire de ce décret et refuser de faire droit à la demande de sursis à statuer dans l'attente de la réponse à la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat, aux motifs que les faits devaient s'analyser au regard du décret de 1986, a méconnu tout à la fois le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit interne et le principe d'application immédiate aux affaires non encore définitivement jugées des dispositions pénales abrogeant et remplaçant des dispositions antérieures, privant sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour écarter la demande de sursis à statuer, l'arrêt retient notamment que le décret du 18 novembre 1994 n'est pas applicable aux faits poursuivis, commis entre janvier et novembre 1994 et soumis aux dispositions du décret du 29 décembre 1986 ;
Attendu qu'en l'état de ce seul motif la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Claude X..., Louis Y..., les sociétés Y... et Besnier-Vercel, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, du décret n° 93-239 du 15 novembre 1993 relatif à l'agrément des produits laitiers d'origine contrôlée, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a confirmé la décision des premiers juges sur la culpabilité de Claude X... et Louis Y..., a reçu l'INAO en sa constitution de partie civile et estimé fondé le préjudice invoqué par l'INAO ;
" aux motifs propres que la cour d'appel doit vérifier que les règles édictées par le Code de la consommation (article L. 213-1 et L. 115-16) ont bien été respectées ; qu'il ressort du procès-verbal du 18 mai 1995 et de l'enquête que le lait utilisé pour la fabrication du Comté ne provenait pas uniquement de vaches de race montbéliarde ou de race Pie Rouge de l'Est ; que l'emprésurage n'intervenait pas toujours dans un délai maximum de 24 heures sans que les prévenus aient obtenu de dérogation ; que le lait non AOC était mélangé avec le lait AOC dans l'atelier de fabrication du Comté ; qu'il est constant que Claude X... et Louis Y... n'ont pas contesté la matérialité des faits au cours de l'enquête ; qu'ils ont délibérément fait fi de la réglementation mise en place en 1986, admettant " avoir continué de travailler comme par le passé ", alors même qu'ils sont chargés de faire respecter la réglementation en vigueur ; que c'est à tort que les prévenus soutiennent qu'ils n'avaient pas le pouvoir ni la compétence d'opérer le contrôle des conditions de production en rejetant cette responsabilité sur l'INAO ; qu'en effet les dispositions applicables au moment des faits n'imposaient auprès de cet organisme qu'une déclaration préalable et n'obligeaient nullement un contrôle a posteriori de la part de l'INAO ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de son préjudice et qu'il lui sera accordé une somme de 25 000 francs (en fait 2 500 francs) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que (...) les vérifications faites par Mme G...et M. H... démontrent qu'à une période ou à une autre entre janvier et août 1994 le lait d'une vingtaine de producteurs ne pouvait être classé en lait dit AOC et qu'en conséquence, pendant cette période, les fromages fabriqués ne pouvaient prétendre à l'appellation d'origine Comté ; que, malgré le non-respect des dispositions du décret du 29 décembre 1986, les meules ont été vendues sous cette appellation ; que les enquêteurs ont calculé, d'après les chiffres fournis par Louis Y..., que la production après un déclassement normal de 3 %, a été de 735 151 kilos pour la période d'avril à août 1994 et que les ventes se sont élevées à 477 077 kilos ; qu'ils ont estimé le profit irrégulier à 2 398 137 francs, chiffres qui n'ont jamais été contestés tout au long de la procédure ; que, pour échapper à leur responsabilité, Louis Y... et Claude X... expliquent que les modalités de contrôle visées au décret n° 93-1239 du 15 novembre 1993 relatif à l'agrément des produits laitiers d'appellation d'origine contrôlée n'ont pas encore été mises en oeuvre et qu'il aurait été impossible de vérifier si le lait livré provient bien de troupeaux de race montbéliarde ; que cet argument n'est pas pertinent puisque la réglementation a toujours prévu que le lait utilisé pour la fabrication de Comté doit provenir uniquement de vaches de race montbéliarde ou de race Pie Rouge de l'Est (article 2-2 du décret du 29 décembre 1986, article 2-2 du décret du 18 novembre 1994) ; que tout fromager et producteur de Comté connaît ces dispositions réglementaires et Claude X... et Louis Y... ont déclaré à l'audience qu'ils avaient désigné un salarié ayant pour mission de contrôler les producteurs afin de veiller à ce qu'ils respectent ces textes ; que ces deux prévenus prétendent que s'il a été constaté un ramassage tous les deux jours, c'était pendant la période hivernale du 1er janvier au 28 février 1994, période pendant laquelle l'article 2-3 du décret du 29 décembre 1986 permet de ne faire l'emprésurage que 36 heures après la traite ; que ces dérogations, qui n'existent plus depuis le décret du 18 novembre 1994, étaient soumises à autorisations qui n'ont pas été obtenues par les prévenus ;
" alors que, d'une part, le décret n° 93-1239 du 15 novembre 1993, relatif à l'agrément des produits laitiers d'origine contrôlée, prévoyait une déclaration d'aptitude AOC enregistrée par les services de l'INAO et plaçait le contrôle des conditions de production sous la responsabilité de l'INAO, qui n'avait pas mis en place ces modalités de contrôle lors de la contestation des faits, de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction reprochée aux prévenus, tenant à l'impropriété du lait qu'ils n'avaient ni le pouvoir ni la compétence de vérifier n'étant pas caractérisé, la déclaration de culpabilité était dépourvue de base légale ; que, d'autre part, ainsi que le soutenaient les demandeurs, l'INAO, responsable de l'absence des modalités de contrôle prévues par le décret n° 93-1239 du 15 novembre 1993, devait être considéré comme ayant concouru à l'éventuel dommage et ne pouvait, dès lors, prétendre voir condamner les prévenus à raison de sa propre négligence " ;
Attendu que, pour rejeter les conclusions des prévenus qui contestaient le bien-fondé et la recevabilité de la constitution de partie civile de l'INAO, en soutenant que cet organisme n'avait pas mis en place les modalités de contrôle des conditions de production prévues par le décret du 15 novembre 1993 et avait ainsi concouru à la réalisation de son propre préjudice, les juges du second degré retiennent qu'il appartenait aux prévenus de s'assurer eux-mêmes du respect des prescriptions réglementaires, que les dispositions en vigueur au moment des faits n'imposaient aux producteurs qu'une déclaration préalable et qu'elles n'exigeaient pas un contrôle a posteriori de la part de l'INAO lui-même ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'article 3 du décret du 15 novembre 1993 dispose que le contrôle des conditions de production, placé " sous la responsabilité de l'INAO ", s'exerce selon des modalités qui ne dépendent pas de ce seul organisme, et " sans préjudice des contrôles fondés sur les dispositions des livres I et II du Code de la consommation, par des agents habilités à cet effet ", la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour Claude X..., Louis Y..., les sociétés Y... et Besnier-Vercel, pris de la violation des articles 2 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a estimé fondé le préjudice de la Fédération des coopératives laitières du Jura, a énoncé que les premiers juges avaient fait une juste appréciation de son préjudice, et lui a accordé une somme de 2 500 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" aux motifs qu'incontestablement les fruitières à Comté du Jura ont subi un préjudice tant moral qu'économique du fait d'une concurrence déloyale sur une longue période, qui s'est traduite notamment par une baisse des prix du Comté ; que la FDCL du Jura qui défend l'intérêt collectif des adhérents producteurs de Comté est recevable en sa constitution de partie civile ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice en retenant les calculs entièrement justifiés produits aux débats ; qu'il sera fait application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et accordé une somme de 2 500 francs à cette Fédération ;
" alors que la Fédération des coopératives laitières du Jura, constituée partie civile contre les demandeurs mais pas contre les producteurs visés dans la procédure ne justifiait pas avoir personnellement et directement souffert de l'infraction poursuivie comme l'exigent les dispositions de l'article 2 du Code de procédure pénale, pas plus qu'elle ne justifiait de la réalité du préjudice allégué, les chiffres produits à l'appui de sa demande de réparation étant établis à partir de " variables " excluant toute certitude, de sorte que l'arrêt attaqué qui n'a pas répondu aux conclusions des demandeurs sur ce dernier point a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de Claude X... et de Louis Y..., qui soutenaient que la FDCL du Jura ne démontrait pas avoir personnellement et directement souffert du dommage causé par les infractions poursuivies et contestaient l'existence de ce préjudice, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que, par application des articles L. 115-8, alinéa 1er, et L. 115-17 du Code de la consommation, toute personne subissant un préjudice direct ou indirect est habilitée à intervenir en qualité de partie civile dans les poursuites du chef d'usurpation d'une appellation d'origine, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le préjudice subi par la FDCL du Jura, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le sixième moyen de cassation, proposé pour Claude X..., Louis Y..., les sociétés Y... et Besnier-Vercel, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponses à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société anonyme Y... et la SNC Besnier-Vercel civilement responsables de Claude X... et Louis Y... ;
" alors que les demandeurs Claude X..., Louis Y... et les sociétés demanderesses faisaient valoir dans leurs conclusions que la SA Y... ayant été citée à tort en qualité de civilement responsable de Claude X..., ce qu'elle n'était pas, devait être mise hors de cause ; qu'en s'abstenant de statuer sur cette demande, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'une omission de statuer et d'un défaut de motifs, le privant de base légale " ;
Attendu que, contrairement à ce qu'énonce le moyen, les juges se sont prononcés sur la demande formulée en ce qui concerne la responsabilité civile des sociétés mises en cause ; que les premiers juges, dont les motifs, en ce qui concerne l'action civile, ont été confirmés par l'arrêt attaqué, ont énoncé que " la SA Y... est civilement responsable de Louis Y... et la SNC Besnier-Vercel, civilement responsable de Claude X... ", son directeur technique ; que, d'autre part, l'arrêt reprend en son dispositif une disposition analogue ;
Que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82252
Date de la décision : 07/12/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Décret - Décret modifiant les conditions de fabrication d'un produit d'appellation d'origine contrôlée (décret du 18 novembre 1994) - Effet - Inobservation de la réglementation antérieurement applicable - Poursuites du chef d'usurpation d'appellation d'origine contrôlée ou de complicité de ce délit - Texte applicable - Rétroactivité (non).

1° FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Lois et règlements - Décret - Décret modifiant les conditions de fabrication d'un produit d'appellation d'origine contrôlée (décret du 18 novembre 1994) - Effet - Inobservation de la réglementation antérieurement applicable - Poursuites du chef d'usurpation d'appellation d'origine contrôlée ou de complicité de ce délit - Texte applicable - Rétroactivité (non).

1° N'encourt pas la censure l'arrêt qui, pour déclarer les prévenus coupables du délit d'usurpation d'appellation d'origine ou de complicité de ce délit retient que les faits reprochés à ceux-ci consistent à avoir, pour certains d'entre eux, livré et, pour d'autres, utilisé, pour la fabrication de fromage vendu sous l'appellation d'origine Comté, du lait prétendument propre à la fabrication dudit fromage, alors que ce lait ayant été mélangé avec du lait ne répondant pas aux exigences réglementaires définies par le décret du 29 décembre 1986 sur l'appellation d'origine Comté, il ne l'était pas, et que, ces faits ayant été commis antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 18 novembre 1994 modifiant les conditions de collecte du lait et les conditions de fabrication de ce fromage, jusqu'alors définies par le décret du 29 décembre 1986, ont été, à bon droit, poursuivis en application des dispositions dudit décret et de l'article L. 115-16 et L. 213-1 du Code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas justifié que les dispositions ayant modifié ou abrogé ce texte réglementaire soient moins sévères que les dispositions anciennes(1).

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Usurpation d'une appellation d'origine contrôlée - Préjudice résultant pour la Fédération des coopératives laitières du Jura.

2° FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Appellations d'origine - Usurpation - Action civile - Préjudice - Préjudice direct - Fédération des coopératives laitières du Jura.

2° Toute personne subissant un préjudice, direct ou indirect, consécutif à des faits d'usurpation d'une appellation d'origine ayant qualité, en application des articles L. 115-8 et L. 115-17 du Code de la consommation, pour intervenir en qualité de partie civile dans les poursuites engagées contre le ou les auteurs de tels agissements, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a reçu en sa demande d'indemnisation la Fédération des coopératives laitières du Jura ayant justifié d'un préjudice moral et économique résultant d'une concurrence déloyale sur une longue période par suite des faits, reprochés aux prévenus, d'usurpation, d'appellation d'origine ou de complicité de ce délit, concernant le fromage d'appellation d'origine Comté.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de la consommation L115-16, L213-1
Code de la consommation L115-8, L115-17
Décret 86-1309 du 29 décembre 1986
Décret 94-999 du 18 novembre 1984

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon (chambre correctionnelle), 27 janvier 1998

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1989-01-30, Bulletin criminel 1989, n° 33, p. 97 (rejet et cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1989-05-10, Bulletin criminel 1989, n° 187, p. 479 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 déc. 1999, pourvoi n°98-82252, Bull. crim. criminel 1999 N° 293 p. 904
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 293 p. 904

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Grapinet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Parmentier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82252
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