CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 mars 1998, qui a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité de sa plainte avec constitution de partie civile du chef de dénonciation calomnieuse.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 2° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 434-4 du Code pénal, des articles 575.2° et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, confirmant l'ordonnance entreprise, a déclaré irrecevable la plainte avec constitution civile déposée par X... ;
" aux motifs que "le juge d'instruction de Colmar a déclaré la plainte avec constitution de partie civile irrecevable sur le fondement du délit de dénonciation calomnieuse, par des motifs pertinents et suffisants qu'il convient d'adopter ; que pour que l'article 434-4 du Code pénal puisse s'appliquer, il faut que la soustraction d'un document soit la conséquence d'un comportement volontaire de personnes habilitées à rechercher les preuves ou à poursuivre le châtiment des crimes ou des délits ; qu'il résulte des propres termes de la lettre précitée de l'avocat du plaignant que le disque litigieux se trouvait, lors de l'instance correctionnelle, entre les mains de l'employeur de celui-ci ; que l'ordonnance d'irrecevabilité de la plainte ne peut donc qu'être confirmée" (cf. arrêt page 3) ;
" alors qu'à l'appui de sa plainte, X... soutenait que le disque chronotachygraphe avait été remis par l'employeur à la gendarmerie qui l'avait analysé et l'avait ensuite soustrait du dossier de la procédure en le remettant à l'employeur ; que pour constater que la soustraction de ce disque n'était pas la conséquence d'un comportement volontaire de personnes habilitées à rechercher les preuves ou à poursuivre le châtiment des crimes ou des délits, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il résulte des propres termes de la lettre de l'avocat du plaignant que le disque litigieux se trouvait, lors de l'instance correctionnelle, entre les mains de l'employeur de celui-ci ; qu'en statuant par ce seul motif, sans rechercher si la gendarmerie n'avait pas eu entre les mains le disque litigieux, ne l'avait pas analysé et n'en avait pas fait des agrandissements avant de le rendre à l'employeur, afin de soustraire ainsi le disque à la procédure en cours et dissimuler le résultat de son analyse, la chambre d'accusation de la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Et sur le moyen soulevé d'office, pris de la violation des articles 85, 86 et 211 du Code de procédure pénale ;
Vu les articles 85, 86 et 206 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure que X... a porté plainte avec constitution de partie civile, d'une part, contre Y... du chef de dénonciation calomnieuse, d'autre part, contre personne non dénommée, du chef de soustraction de pièce en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, infraction prévue par l'article 434-4 du Code pénal ;
Attendu que, par l'ordonnance entreprise, le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du chef de " dénonciation calomnieuse " mais ne s'est pas prononcé sur les autres faits ;
Attendu que, saisie, par la partie civile, de l'appel de cette décision, la chambre d'accusation, après avoir observé que le magistrat instructeur avait omis de statuer sur l'infraction à l'article 434-4 du Code pénal, procède elle-même à l'analyse des faits dénoncés sous cette qualification et, considérant qu'ils n'entrent pas dans les prévisions du texte, confirme l'ordonnance ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, par le seul examen abstrait de la plainte, alors qu'elle aurait dû annuler la décision entreprise en ce qu'elle avait omis de statuer sur les faits dénoncés par la partie civile, puis, conformément à l'article 206, alinéa 3, du Code de procédure pénale, soit évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202 et 204 dudit Code, soit renvoyer le dossier de la procédure au même juge d'instruction ou a tel autre afin de poursuivre l'information sur les faits omis, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar en date du 26 mars 1998, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de Metz.