AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Y..., Henri, Z..., domicilié ..., agissant ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Le Mao frères,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 novembre 1996 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), au profit de la société Masciaghi, dont le siège est Via 1, Magio 11, 20040 Cavenabo B ZA (Italie),
défenderesse à la cassation ;
La demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 juillet 1999, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Badi, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Le Mao frères, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Masciaghi, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Rennes, 6 novembre 1996), que la société Le Mao frères (Le Mao) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires sans avoir payé le prix de matériels livrés par la Société Masciaghi ; que celle-ci, se fondant sur une clause de réserve de propriété, a revendiqué ces matériels ; que la cour d'appel a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Le Mao reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement doit être signé par le magistrat qui a présidé aux débats et au délibéré, ou, en cas d'empêchement de celui-ci, par l'un des juges qui en ont délibéré ; qu'en mentionnant que l'arrêt a été signé par "le président, empêché" sans indiquer le nom du magistrat ayant apposé sa signature à la place du président de la formation ayant rendu la décision mais qui était empêché pour la signer, ne mettant ainsi nullement la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la signature de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 456 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que le président n'est habilité à signer un jugement que s'il a participé aux débats et au délibéré ; qu'en mentionnant que l'arrêt a été signé par le président, empêché, quand il ressortait de ses énonciations que, lors des débats et du délibéré, la cour d'appel était composée de trois conseillers dont un en remplacement du président titulaire empêché, de sorte que le président titulaire, qui n'avait pas siégé, n'avait pas qualité pour apposer sa signature sur la minute de l'arrêt, la cour d'appel a encore violé les textes précités ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé les noms des magistrats ayant composé la cour d'appel lors des débats et du délibéré, dont M. Froment, conseiller faisant fonction de président en remplacement du président titulaire empêché, et M. Poumarède, conseiller, l'arrêt mentionne qu'il a été prononcé par M. Poumarède, le 6 novembre 1996 ;
qu'à défaut d'indication contraire, il y a présomption que le signataire de cet arrêt, qui a inscrit sa signature sous la mention précisant qu'il a signé pour le président empêché, est M. Poumarède ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen pris en ses quatre branches :
Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Le Mao reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause de réserve de propriété n'est opposable à la procédure collective que dans le cas où le vendeur démontre que, stipulée par écrit pour chacune des ventes objet de la revendication, elle a été adressée à l'acheteur au plus tard au moment de la livraison de la marchandise et acceptée par ce dernier par l'exécution du contrat en connaissance de cause ; qu'en se fondant exclusivement -pour accueillir l'action en revendication du fabricant- sur ses allégations relatives à la pratique d'enregistrement des commandes habituellement suivie par son importateur exclusif et attestées par divers clients, sans rechercher si, pour chacune des ventes de marchandises dont il revendiquait désormais la propriété, le fournisseur justifiait avoir effectivement porté à la connaissance de la société Le Mao les confirmations de commandes sur lesquelles se trouvait stipulée la clause de réserve de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juin 1994 ; alors, d'autre part, que c'est au vendeur qu'il appartient de démontrer que la clause de réserve de propriété a été portée à la connaissance de l'acheteur et acceptée par lui ; qu'en retenant que la société Le Mao ne pouvait sérieusement soutenir et n'établissait pas n'avoir pas reçu les confirmations de commandes contenant une telle stipulation, quand il incombait au fournisseur de justifier qu'il avait concrètement adressé les documents litigieux à la cliente, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte précité ainsi que l'article 1315 du Code civil ; alors, en outre, que le liquidateur judiciaire de la société Le Mao objectait que si l'on se référait au processus décrit par le fabricant, les confirmations de commandes établies par l'importateur avaient eu nécessairement pour unique destinataire l'agent commercial agissant en qualité d'intermédiaire qui attestait seulement les avoir reçus sans indiquer, ni justifier, les avoir répercutées à l'acheteur ;
qu'en omettant de répondre à ces conclusions l'invitant à constater que la société Le Mao, qui avait pour seul interlocuteur M. X..., à l'exclusion de la société Fonzi, n'avait pu être le destinataire des confirmations de commandes contenant la clause de réserve de propriété, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en énonçant que les indications portées sur les confirmations de commandes auraient servi à la société Le Mao pour informer son transporteur de la nature exacte des produits à retirer chez le fournisseur, bien qu'il résultât des pièces versées aux débats que les références permettant d'individualiser la marchandise figuraient sur le catalogue du fabricant ayant servi de base aux commandes passées par l'acheteur auprès de l'agent commercial, ce dont il s'inférait que toutes précisions utiles avaient pu être données au transporteur sans qu'il fût nécessaire de consulter celles mentionnées sur les confirmations de commandes, la cour d'appel, qui s'est déterminée par le biais d'une simple affirmation, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que les commandes transmises par M. X..., agent commercial agissant pour le compte de la société Le Mao, à la société Fonzi donnaient lieu à l'établissement, par cet importateur exclusif, d'une liasse d'enregistrement de commandes portant des mentions précises et personnalisées, que l'un des exemplaires de cette liasse était adressé à la société Masciaghi, fabricant, et, un autre, à la société Le Mao, acheteur, à titre de confirmation de commande et que ces bons de commande portent la clause de réserve de propriété ; qu'elle a relevé que le transporteur chargé par la société Le Mao de prendre livraison des marchandises se présentait chez le fabricant, à chaque date de livraison portée sur le bon dès le moment de la transmission de commande, avec le bon qui, portant les mêmes mentions précises et personnalisées, était celui-là même qui lui avait été remis par l'acheteur ; qu'elle a déduit de ces constatations que le fabricant rapportait la preuve que, pour chaque vente, l'acheteur avait accepté, au plus tard au moment de la livraison, la clause de réserve de propriété convenue par écrit ; que la décision étant ainsi légalement justifiée, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Masciaghi et de M. Z..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, en son audience publique du vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.