AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Jean-Francois Y..., demeurant ...,
2 / Mme Jeanne C... épouse Y..., demeurant ...,
3 / Mme Isabelle Y... épouse B..., demeurant ...,
4 / M. Pierre Y..., demeurant pharmacie Y..., 65240 Arrau,
5 / Mme Martine Y... épouse F..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 novembre 1996 par la cour d'appel de Pau (2e Chambre, Section I), au profit :
1 / de M. X..., demeurant ..., représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Vetoral,
2 / de M. D..., demeurant ..., ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société anonyme Vetoral,
3 / de M. Claude E..., demeurant ...,
4 / de M. Bernard Z..., demeurant lotissement Laurent, 65240 Arrau,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 juillet 1999, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Armand-Prevost, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Armand-Prevost, conseiller, les observations de Me Boullez, avocat des consorts Y..., de Me A..., avocat M. Z..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat de M. X... ès qualités, et de M. D..., ès qualités, de Me Ricard, avocat de M. E..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Jean-François Y..., M. Pierre Y..., Mme Isabelle Y... épouse B..., Mme Martine Y... épouse F... et Mme Jeanne Y... née C... (les consorts Y...) font grief à l'arrêt attaqué (Pau, 5 novembre 1996) d'avoir accueilli l'action en paiement des dettes sociales formée par l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers de la société Vetoral en redressement judiciaire à l'encontre de M. Jean Y..., l'un de ses dirigeants, et de les avoir condamnés, en qualité d'héritiers de ce dernier, à supporter le passif de la société à concurrence de la somme de 1 500 000 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le dirigeant qui a cessé ses fonctions sociales avant la cessation des paiements de la personne morale, ne peut être poursuivi en comblement de l'insuffisance d'actif ;
qu'en l'espèce, les consorts Y... avaient fait valoir dans leurs conclusions que M. Y... n'assumait plus la gestion de la société depuis plus d'un an lorsque celle-ci a été mise en redressement judiciaire ; que la cour d'appel, en retenant à la charge de M. Y... une faute dans la gestion de la société Vetoral n'a pas répondu à ces conclusions, et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, que la mise à la charge des dirigeants de tout ou partie des dettes de la personne morale implique la constatation d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que la société Vetoral était maîtresse de ses biens au 31 décembre 1989 lors de l'acquisition des autorisations de mise sur le marché appartenant à la société Pharcodis et que ce prix n'était pas excessif au regard du marché de ces autorisations, ce qui ôtait tout caractère fautif à une telle acquisition ; que la cour d'appel qui relève à la charge de M. Y... une erreur de gestion se détermine par des motifs impropres à caractériser une faute de gestion et ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que la cour d'appel qui relève que la société Vetoral était in bonis au 31 décembre 1989 et que le prix des autorisations de mise sur le marché appartenant à la société Pharcodis n'était pas excessif et qui affirme que cette erreur de gestion a "indiscutablement" participé à la création du passif de la société Vetoral, ne caractérise pas le lien de causalité entre cette erreur de gestion et l'insuffisance d'actif de la société Vetoral et ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, l'arrêt retient qu'après la cessation de ses fonctions de dirigeant de droit, M. Y... était resté dirigeant de fait de la société Vetoral ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas dit que la société Vetoral était maîtresse de ses biens au 31 décembre 1989, mais s'est bornée à mentionner que M. Y... affirmait que telle était la situation, a retenu que le prix d'acquisition des autorisations de mise sur le marché appartenant à la société Pharcodis, s'il n'était pas excessif au regard du marché de ces autorisations, était en revanche nettement excessif pour la société Vetoral au regard du chiffre d'affaires que celle-ci réalisait avec ses autorisations, et que cette faute de gestion a contribué à la création du passif en pesant de manière excessive sur son équilibre financier par l'augmentation inconsidérée de ses immobilisations par rapport à ses capitaux permanents, ce qui n'a pas permis à cette société de couvrir, dès l'exercice 1990, ses besoins en fonds de roulement ;
qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de MM. X... et D..., ès qualités, de M. E... et de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.