AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 septembre 1996 par la cour d'appel de Versailles (11ème chambre sociale), au profit de la société Cegelec, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juillet 1999, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Finance, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Poisot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Soury, Besson, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de Me Vuitton, avocat de la société Cegelec, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 1996), que M. Z... a été engagé, en 1960, par la société CGEE Alsthom devenue Cegelec et affecté sur des chantiers à l'étranger ; qu'en 1986, il a été réintégré en France, et affecté à l'agence de Vitry ; que M. Z... ayant refusé, le 4 août 1992, son affectation sur le chantier Gustave A... à Villejuif, la société Cegelec l'a licencié pour faute grave, le 18 août 1992 ; que contestant le bien-fondé de cette mesure, M. Z... a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur les trois premiers moyens réunis :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et d'indemnités de grand déplacement alors, selon les moyens, d'une part, qu'il faisait valoir qu'il avait été abusivement licencié pour "refus d'affectation et insubordination" alors qu'il avait refusé, en février 1992, son départ de l'entreprise avec effet au mois de juin 1992, pour "refus d'affectation sur un chantier en grand déplacement", avec indemnité transactionnelle, puis en mars 1992, la suppression de ses indemnités de grand déplacement, du fait de sa résidence habituelle dans le Jura et que son employeur n'avait pas pour autant procédé à son licenciement conformément à l'article 48 de la convention collective applicable ; que la cour d'appel, après avoir rappelé que la situation d'expatrié du salarié avait cessé début mai 1987, date à laquelle il avait accepté un emploi en métropole avec affectation à l'agence de Vitry, a considéré à tort que les dispositions de l'article 48 susvisé, étaient inapplicables et que ledit texte n'établissait nullement une obligation de licenciement à la charge de l'employeur ; que, d'autre part, en considérant que le salarié occupait un poste sédentaire depuis 1987, et qu'en conséquence l'employeur était fondé, en février 1992, à lui supprimer le paiement des indemnités de grand déplacement au profit de celles de petit déplacement, la cour d'appel a dénaturé les faits de la cause ; que, par ailleurs, si la société Cegelec a fait valoir devant les juges du fond que la sécurité sociale n'admet pas que des
indemnités de grand déplacement puissent durer plus de deux ans et opère une réintégration de celles-ci en salaire au-delà d'une telle durée, la cour d'appel ne pouvait tirer de ces considérations légales que l'employeur était fondé pour ce seul motif à en supprimer le paiement au bénéfice du salarié ; que faute en effet pour l'employeur de proposer à son salarié un nouveau poste en grand déplacement et constatant, par ailleurs, que ce dernier refusait d'abandonner sa résidence habituelle dans le Jura au profit d'une autre en région parisienne, il appartenait à la société Cegelec de procéder au licenciement de M. Z... conformément aux dispositions de l'article 48 de la convention collective précitée ; qu'enfin, la cour d'appel a considéré à tort pour acquis aux débats que M. Z... avait indiqué à la secrétaire de M. B... qu'il refusait une affectation alors qu'il avait, par lettre du 30 juillet 1992, contesté ces faits et s'était d'ailleurs vu payer ses congés payés du 29 juin au 31 juillet 1992 selon bulletin de salaire d'août 1992 et que surtout la société Cegelec n'a jamais produit la moindre pièce ou attestation étayant ses allégations ; que, pareillement, la cour d'appel ne pouvait retenir que le 4 août suivant, M. Z... aurait refusé son bulletin de mouvement pour Villejuif, dès lors que ces circonstances n'étaient pas établies par d'autres éléments que les seuls affirmations de l'employeur ;
qu'en motivant ainsi sa décision, la cour d'appel ne lui a pas donné de base légale ; que, d'autre part, M. Z... établissait devant la cour d'appel que M. B... avait tout pouvoir pour décider qu'il avait droit à un reliquat de congés payés et que celui-ci lui avait expressément demandé de se présenter à son poste de travail le 15 septembre 1992 ; que la cour d'appel ne pouvait écarter les deux attestations parfaitement régulières de M. X..., en décidant que peu importaient les termes de l'entretien qu'a eu le salarié le 10 juillet 1992 avec M. B... en présence de M. Y..., lesquels ne sont pas établis avec certitude, dès lors que l'employeur, par la mesure de mise à pied du 29 juillet 1992 et l'envoi des lettres recommandées des 30 juillet et 4 août 1992, a très clairement indiqué à celui-ci qu'il devait se présenter à son poste de travail le 4 août 1992 ; que la cour d'appel n'a, là encore, pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que M. Z..., après un séjour à l'étranger, avait accepté d'être affecté à un poste sédentaire à Vitry, la cour d'appel a pu décider que l'employeur était fondé à supprimer le paiement des indemnités de grand déplacement ;
Attendu, ensuite, qu'ayant fait ressortir que la nouvelle affectation du salarié, muté de Vitry à Villejuif, se situait dans le même secteur géographique et constituait un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, la cour d'appel a pu décider que le refus du salarié de rejoindre son nouveau lieu de travail constituait une faute grave, rendant impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de reliquat de congés payés alors, selon le moyen, que la cour d'appel a cru pouvoir considérer qu'en raison de la prescription quinquennale sont prescrites les demandes relatives à des congés antérieurs au 20 septembre 1987 et qu'il ressort des pièces produites que, de juillet 1986 à mai 1987, M. Z... est resté sans affectation tout en étant en congés dits de récupératoin ; qu'il était indifférent à la solution du litige de rappeler tant les dispositions légales que la position jurisprudentielle relatives aux congés payés puisqu'il était acquis aux débats que l'employeur avait autorisé le salarié à prendre le solde de ses congés payés 1986-1987 à la suite de ses congés payés 1992 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu qu'ayant relevé dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que le salarié ne justifiait pas ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits à congés payés, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Cegelec ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.