Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'autorisé par une délibération du conseil municipal, le maire de la ville de Mers-les-Bains s'est engagé, au nom de la commune, à garantir un prêt de 1 000 000 de francs, portant intérêt au taux de 9,20 %, accordé, par acte du 4 février 1987, par la société La Médicale de France vie, aux droits de laquelle est venue la société Les Assurances fédérales vie (les assurances), à la Société picarde intercommunale d'économie mixte (Sopicem) ; que la Sopicem ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, les assurances ont assigné la commune en exécution de son engagement ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :
Attendu que la commune reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée, en qualité de caution, à payer aux assurances la somme de 1 156 769,19 francs en principal, avec intérêts au taux contractuel de 12,20 %, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'engagement de la caution doit comporter, outre sa signature, la mention écrite de sa main de la somme garantie en lettres et en chiffres ainsi que celle du taux des intérêts ; que la commune faisait valoir qu'une telle mention ne figurait pas dans l'acte du 4 février 1987 constatant le prêt et son engagement de caution ; qu'en délaissant de telles conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, d'autre part, qu'une compagnie d'assurances qui se livre à des opérations de crédit doit être assimilée à un établissement de crédit ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la délibération du conseil municipal autorisait le maire à signer le contrat de prêt et la convention de garantie annexée à ladite délibération, laquelle prévoit que les sommes dues par l'emprunteur tant pour les échéances fixées que pour les intérêts ou les pénalités seront payées par le garant, faisant ainsi ressortir l'élément extrinsèque quant à la connaissance de la portée et l'étendue de l'engagement de la commune complétant les mentions imparfaites de l'acte du 4 février 1987 ; que la cour d'appel a ainsi satisfait aux exigences du texte visé au moyen ;
Attendu, d'autre part, que les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ne sont applicables qu'aux seuls " établissements de crédit " au sens de la loi du 24 janvier 1984 ; que ne rentrent pas dans cette catégorie les compagnies d'assurances qui ne sont pas habilitées à pratiquer des opérations de crédit et ne peuvent consentir des prêts aux collectivités locales que par une dérogation légale particulière ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 160 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances qui n'étaient pas échues à la date à laquelle est intervenu le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et qu'à défaut de clause contraire, la déchéance ne peut être étendue à la caution ;
Attendu que l'arrêt condamne la commune au paiement de diverses sommes comprenant le solde du prêt devenu exigible contre le débiteur principal en raison du seul prononcé de la liquidation judiciaire à l'encontre de celui-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le créancier poursuivant n'invoquait aucune clause de déchéance de terme à l'encontre de la caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt condamne la commune à payer aux assurances la somme de 1 156 769,19 francs avec intérêts au taux conventionnel majoré de 12,20 % en se fondant sur l'article 3 de la convention de prêt ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que cette somme englobait, à concurrence de 846 222,52 francs, le solde du prêt restant dû après déchéance du terme et que l'alinéa 1er de l'article 3 de la convention, qui avait pour objet de fixer " la pénalité " en cas d'annuité non encaissée à bonne échéance, ne pouvait être étendu au solde du prêt prévu par le second alinéa du même article et qui avait seulement pour objet de stipuler la déchéance du terme en cas de défaut de paiement d'une annuité, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.