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26/10/1999 | FRANCE | N°96-10467

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 octobre 1999, 96-10467


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / Mme Martine Z..., épouse Gaucher,

2 / M. François X...,

tous deux domiciliés au siège de la société Borie Fricard céréales, société à responsabilité limitée, Sencenac, Puy de Fourche, 24310 Brantôme,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1995 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), au profit de la Banque Veuve Morin Pons (BVMP), société anonyme, dont le siège est ...,>
défenderesse à la cassation ;

En présence de :

- M. Louis Y..., ès qualités d'administrateur de la soc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / Mme Martine Z..., épouse Gaucher,

2 / M. François X...,

tous deux domiciliés au siège de la société Borie Fricard céréales, société à responsabilité limitée, Sencenac, Puy de Fourche, 24310 Brantôme,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1995 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), au profit de la Banque Veuve Morin Pons (BVMP), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

En présence de :

- M. Louis Y..., ès qualités d'administrateur de la société à responsabilité limitée Borie Fricard céréales, domicilié ... ;

La Banque Veuve Morin Pons, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

M. Louis Y..., ès qualités, défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les consorts X..., demandeurs au pourvoi principal, invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La Banque Veuve Morin Pons, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

M. Louis Y..., ès qualités, demandeur au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de Me Pradon, avocat des consorts X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Banque Part-Dieu, anciennement dénommée Banque Veuve Morin Pons, de Me Vuitton, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme et M. X... que sur les pourvois incidents relevés par la Banque Veuve Morin Pons et M. Y..., représentant des créanciers de la société Borie Fricard céréales ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Borie Fricard céréales (la société), à laquelle la Banque Veuve Morin Pons, devenue la Banque Part-Dieu (la banque), avait consenti un découvert en compte courant garanti par des cautionnements, a déclaré, le 11 avril 1989, la cessation de ses paiements ; que, par jugement du même jour, le Tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société ; que la banque a demandé, le 6 juillet 1990, a être relevée de la forclusion encourue pour défaut de déclaration de sa créance ; que cette demande ayant été rejetée, la banque, constatant que sa créance était éteinte, a demandé que Mme X..., gérante de la société, son fils, M. X..., et M. Y..., représentant des créanciers de la société, soient condamnés à l'indemniser de son préjudice ; que l'arrêt a partiellement accueilli la demande ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme et M. X... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque une certaine somme, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en considérant, pour retenir la responsabilité de Mme et M. X..., que le préjudice de la banque s'analysait en la perte d'une chance de recouvrer sa créance, tandis que la banque n'avait jamais soulevé un tel moyen et que l'arrêt relevait même que la banque soutenait le contraire, et sans que les parties aient été appelées à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ;

que la banque avait soutenu que le mandataire judiciaire, Mme X... et M. X... avaient commis la seule faute à l'origine du préjudice, lequel était équivalent au montant de la créance perdue de la banque sur la société à la date du jugement de redressement judiciaire ; qu'en considérant que le préjudice était constitué par la perte d'une chance de recouvrer sa créance, en relevant d'ailleurs que la banque prétendait le contraire, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et les prétentions de la banque, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dès lors que le préjudice invoqué par la banque était contesté dans son existence et dans son montant, la cour d'appel n'a violé aucun des textes dont fait état le moyen en réduisant le montant de l'indemnisation à l'évaluation de la perte d'une chance ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident relevé par la banque, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir rejeté partiellement ses demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en fixant respectivement à 3 % et 12 % le montant des parts contributives de M. X... et de Mme X... dans l'indemnisation du préjudice, motif pris de ce que leurs fautes s'analysaient en de simples omissions dont le caractère intentionnel n'était pas établi, sans s'interroger sur les agissements de Mme X..., épouse de la caution et dirigeant de la société, en relations d'affaires constantes avec la banque, qui s'était délibérément abstenue d'informer celle-ci de la procédure de redressement judiciaire ouverte sur déclaration de la cessation des paiements, et de son fils, M. X..., qui avait communiqué au représentant des créanciers une liste non certifiée faisant abstraction de la créance de la banque, de nature à caractériser l'existence d'une fraude aux droits que cette banque avait sur la société et les cautions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que le représentant des créanciers avait commis une faute professionnelle d'une particulière gravité en se bornant à prendre en considération une liste non certifiée des créanciers aux fins de les avertir d'avoir à déclarer leurs créances, qui plus est établie par M. X..., fils de la gérante de la société en redressement judiciaire, et de M. X..., père, caution de cette société, et faisant apparaître un passif d'un montant nettement inférieur à celui indiqué dans le jugement d'ouverture, en sorte qu'en s'abstenant de prendre la mesure de la faute commise par le représentant des créanciers pour apprécier sa part de responsabilité dans la survenance du préjudice subi par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 52 de la loi du 25 janvier 1985, des articles 27 et 66 du décret du 27 décembre 1985 et de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, d'abord, que Mme X... avait porté, sur l'état chiffré des dettes de la société remis au Tribunal, la créance de la banque et l'adresse de celle-ci, et, ensuite, qu'aucune preuve n'était apportée du caractère intentionnel de la faute d'omission commise par M. X..., la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions par lesquelles la banque faisait valoir que ces personnes avaient délibérément caché la situation de l'entreprise à leur partenaire banquier ;

Attendu, d'autre part, que, tout en relevant que la faute dont fait état la seconde branche avait été commise par le représentant des créanciers, la cour d'appel a retenu que la banque ne démontrait pas que cette faute ait eu un rôle causal direct dans la réalisation de son préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par le représentant des créanciers :

Attendu que le représentant des créanciers reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque une somme d'un certain montant, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel a expressément constaté que la preuve de ce que la faute retenue à son encontre avait eu un rôle causal direct dans la réalisation du préjudice subi par la créancière n'était pas rapportée ; qu'en retenant néanmoins que cette faute, conjuguée à celle de Mme et M. X..., avait un lien direct de causalité avec la perte de chance éprouvée par la banque de recouvrer sa créance et condamner le représentant des créanciers à réparer le préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt n'a pas retenu, à l'égard du représentant des créanciers, la faute dont fait état le moyen mais le fait d'avoir omis de procéder à la vérification des causes de la discordance entre le montant du passif relevé par le jugement d'ouverture, soit 23 594 540,64 francs, et le montant des créances dont la liste lui était remise par la société débitrice, soit environ 8 676 000 francs ; que le moyen manque par le fait qui lui sert de fondement ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, en ce qu'il concerne Mme X... :

Vu les articles 52 de la loi du 25 janvier 1985 et 69 du décret du 27 décembre 1985 ;

Attendu que l'arrêt retient qu'en ne remettant pas au représentant des créanciers la liste certifiée des créances et en ne satisfaisant pas, ainsi, aux exigences des textes susvisés, Mme X..., gérante de la société, a commis une faute ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir constaté que, lors de la déclaration de l'état de cessation des paiements, Mme X... avait, conformément à l'article 6 du décret du 27 décembre 1985, indiqué l'adresse de la banque et le montant de la créance, ce qui excluait que la gérante de la société ait agi de mauvaise foi en omettant ultérieurement de rappeler l'existence de cette créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, en ce qu'il concerne M. X... :

Vu les articles 1382 du Code civil et 52 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour condamner M. X... à payer à la banque la somme de 360 000 francs, l'arrêt retient que le seul fait que cette personne ait pris l'initiative de transmettre des listes de créances inexactes en ce qu'elles omettaient d'indiquer la banque, caractérise la faute par omission susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, tout en relevant que M. X... n'avait aucune obligation légale de transmettre ces listes, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident relevé par la banque :

Vu les articles 1203 et 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ;

Attendu que, pour condamner le représentant des créanciers, Mme X... et M. X... à payer, respectivement, à la banque les sommes de 1 240 000 francs, 1 440 000 francs et 360 000 francs, l'arrêt énonce que la part de chacun des responsables dans la réalisation du dommage ayant été déterminée, et dès lors que les fautes ou négligences ont séparément concouru à la réalisation du dommage, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation in solidum ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Grimaldi, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-10467
Date de la décision : 26/10/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Créances - Liste des créanciers - Obligations du débiteur - Responsabilité.

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASIDELICTUELLE - Dommage - Réparation - Pluralité de responsables - Condamnation pour le tout.


Références :

Code civil 1382, 1203
Décret 85-1388 du 27 décembre 1985 art. 69
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 52

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), 28 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 oct. 1999, pourvoi n°96-10467


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.10467
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