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19/10/1999 | FRANCE | N°97-30025

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 octobre 1999, 97-30025


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Médicare, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 4 juillet 1996 par le président du tribunal de grande instance de Nantes, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COU

R, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Médicare, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 4 juillet 1996 par le président du tribunal de grande instance de Nantes, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Ricard, avocat de la société Médicare, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, par ordonnance du 4 juillet 1996, le président du tribunal de grande instance de Nantes a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents au domicile de M. et de Mme Y..., à Nantes (44), en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la SARL Médicare au titre de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que le directeur général des Impôts conteste la recevabilité du pourvoi au motif que deux ordonnances ont été rendues le même jour par le président du tribunal de grande instance de Nantes concernant la fraude fiscale imputée à la société Médicare, l'une dans les locaux professionnels de la société, l'autre au domicile personnel de son dirigeant, en sorte que, d'une part, le pourvoi, qui n'indique pas quelle ordonnance est visée, serait imprécis, et que, d'autre part, abstraction faite de cette imprécision, le pourvoi ne paraît viser que l'ordonnance ayant autorisé la visite dans les locaux de la société, laquelle ordonnance fait l'objet d'un autre pourvoi déclaré simultanément, sans que l'on sache lequel a précédé l'autre ;

Mais attendu que la déclaration de pourvoi mentionne expressément l'existence d'un pouvoir spécial annexé à cet acte ; qu'il résulte de ce pouvoir que l'ordonnance concernée est celle ayant autorisé la visite et saisie dans les locaux professionnels de la société Médicare, tandis que le pourvoi enregistré sous le numéro A 97-30.127 concerne, lui, l'ordonnance ayant autorisé la visite au domicile personnel de M. Y... ; que la fin de non-recevoir n'est fondée en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Médicare fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que le juge qui autorise, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, des visites et saisies à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'il résulte des propres constatations du juge que la société Médicare est parfaitement connue des services du greffe du tribunal de commerce de Nantes auprès duquel elle est régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 13 octobre 1993, qu'elle est parfaitement connue du service local des impôts auprès duquel elle a régulièrement déposé ses déclarations de résultats n° 2065 et d'autres déclarations expressément visées (cotes n° 2 et n° 9 par l'ordonnance, ainsi que ses déclarations de chiffre d'affaires, qu'elle a d'ailleurs demandé elle-même à accomplir ses obligations fiscales (pièce n° 1) en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA ; qu'ainsi l'ordonnance attaquée est entachée de motifs contradictoires dans la mesure où elle vise d'une part, la matérialité des déclarations et d'autre part, retient une absence de déclarations, et se trouve ainsi privée de motifs, en sorte qu'elle manque de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que sous couvert de contradiction de motifs, le moyen tend à contester le bien-fondé de l'imposition au titre de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ; qu'un tel moyen est inopérant pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux, même privés, et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Médicare fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'ordonnance retient successivement que la gérance de la SARL Médicare est exercée par M. Bruno Y... qui se déclare domicilié ..., puis que la SARL Médicare a procédé le 13 octobre 93 à l'ouverture d'un établissement secondaire ... soit à l'adresse du domicile de M. et Mme X... de Harven ; qu'ainsi l'ordonnance est entachée d'une contradiction de motifs quant au lieu précis de l'établissement nantais de la SARL Médicare, qui équivaut à un défaut de motif constitutif d'un manque de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B II du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que le juge qui autorise, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, des visites et saisies à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que M. Y... ne s'est nullement déclaré domicilié à Nantes et que cette simple affirmation de l'ordonnance est contredite par le fait que M. Y..., de nationalité belge, dispose de la qualité de résident luxembourgeois, ainsi qu'en atteste la copie de sa carte de résident (production n° 2) ; qu'il s'avère qu'en accordant foi aux assertions du service des impôts, sans rechercher le caractère réel de ce prétendu domicile, l'ordonnance a violé les dispositions de l'article L. 16 B. II, 2e alinéa du Livre des procédures fiscales, le Juge n'ayant pas à l'évidence, procédé à la vérification concrète du bien fondé de la requête ;

Mais attendu, d'une part, que les motifs selon lesquels M. Y... se déclare domicilié ..., et ceux selon lesquels la société Médicare a procédé à l'ouverture d'un établissement secondaire ..., soit à l'adresse du domicile de M. et Mme X... de Harven ne sont pas contradictoires ;

Attendu, d'autre part, que c'est par une appréciation souveraine des éléments fournis par l'Administration et notamment des informations communiquées par France Télécom que l'ordonnance retient que M. Y... a établi son domicile à Nantes ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Médicare fait en outre grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que le juge statuant en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne peut se référer qu'aux documents produits par l'administration fiscale et détenus par celle-ci de manière apparemment licite ; qu'il résulte de propres constatations de l'ordonnance que l'Administration a produit "(pièce n° 11-2)....8 feuillets annexés reprenant les conversations téléphoniques pour la période du premier semestre 1994" ; qu'il apparaît ainsi, qu'il aurait été procédé à la transcription des conversations téléphoniques au mépris des procédures prévues par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 ; qu'en retenant les pièces dont il s'agit, sans s'assurer de l'obtention régulière de tels documents par le service des impôts, l'ordonnance a violé non seulement les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, mais encore les dispositions d'ordre public régissant les procédures de transcription des télécommunications ;

Mais attendu que les informations en cause, fournies à l'Administration en vertu de son droit de communication, ne concernent que la consommation téléphonique et les dates de mise en service et lieu d'implantation des lignes ouvertes au nom de M. ou Mme X... de Harven ; que le moyen manque en fait ;

Sur le quatrième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Médicare fait au surplus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit de visite et de perquisition ne peut être exercé que pour les fins prévues par le texte qui l'organise ; qu'il ressort des propres constatations de l'ordonnance qu'en fait, les soupçons de l'enquêteur de la DDCCRF quant aux "démarches commerciales délictueuses", sont les seules présomptions sur lesquelles les services fiscaux se sont fondés puisque les autres pièces produites par eux, démontrent qu'ils disposaient déjà des éléments leur permettant d'engager sans difficulté un contrôle fiscal ; qu'il s'avère ainsi, à la simple lecture de l'ordonnance, que la procédure menée n'était pas destinée à permettre d'asseoir correctement l'impôt dû en France par la SARL Médicare, mais a relevé uniquement du contrôle économique dont les fins et les modalités sont étrangères aux dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales qui ont ainsi été violées ;

et alors, d'autre part, que le juge doit vérifier que les documents obtenus par l'Administration ont une origine apparemment licite ; qu'il ressort de l'ordonnance que l'administration fiscale a obtenu divers documents, notamment des factures, par l'exercice de son droit de communication auprès d'une autre administration, sans préciser au moyen de quelle procédure cette dernière les avait elle-même obtenus ; qu'en se fondant ainsi sur des documents détenus par une autre administration en vue de la recherche de la preuve d'agissements distincts de ceux visés dans la demande sur laquelle il statuait, sans préciser qu'ils avaient été régulièrement obtenus et par quelle procédure, le président du Tribunal a violé l'article L. 16 B Il du Livre des procédures fiscale ;

Mais attendu, d'une part, que l'ordonnance retient que la société Médicare est dirigée depuis la France où elle ne souscrit pas de déclaration fiscale et que la déclaration déposée par son établissement secondaire ne retrace pas les opérations réelles ; qu'ainsi, l'ordonnance a caractérisé des présomptions de fraude fiscale et satisfait aux exigences de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Attendu, d'autre part, que l'ordonnance a dressé la liste des pièces sur lesquelles elle s'appuie et a mentionné leur origine ; que la preuve contraire à cette apparence de licéité ne peut être apportée que dans une procédure engagée devant la juridiction compétente sur les résultats de la mesure autorisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen :

Attendu que la société Médicare fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que si l'Administration peut être fondée à garantir l'anonymat de certaines personnes entendues au cours de l'enquête, ou tenue à des obligations de confidentialité et doit respecter le secret des affaires, dès lors qu'elle produit des pièces pour justifier de présomptions d'agissements frauduleux au soutien d'une demande d'autorisation de visite et saisie, l'ordonnance qui l'accorde en visant et analysant lesdites pièces ne peut les soustraire à l'examen contradictoire des parties nécessaire à l'exercice du recours qu'elles sont en droit d'introduire contre ladite ordonnance ; qu'en se référant à une pièce produite par l'administration fiscale et en précisant que "cette pièce est extraite de la procédure pour des raisons de confidentialité", ce dont il résulte que cette pièce, retenue par le juge à l'appui de sa décision, ne pouvait être consultée par les personnes auxquelles le recours en cassation est ouvert, le président du Tribunal a violé les droits de la défense et l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'ordonnance attaquée échappe en elle-même aux griefs formulés au moyen, lesquels ne concernent que la communication ultérieure des pièces produites par l'Administration ; qu'il appartient au demandeur au pourvoi, si les pièces litigieuses ne se trouvent pas au greffe de la juridiction, de mettre en demeure l'Administration, qui avait obtenu l'autorisation de visite en cause, de lui communiquer lesdites pièces de manière à permettre l'exercice de ses droits et en particulier d'élaborer les moyens à l'appui de son pourvoi ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Médicare aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-30025
Date de la décision : 19/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Nantes, 04 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 oct. 1999, pourvoi n°97-30025


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.30025
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