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19/10/1999 | FRANCE | N°97-14831

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 octobre 1999, 97-14831


Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 7 mars 1997 n° 96/5768), que deux sociétés de droit suisse détiennent les actions de la société de droit suisse Laetitia, qui, au premier janvier des années 1982 à 1985, était, par sociétés interposées, propriétaire d'immeubles en France ; qu'elles ont, pour ces années, en visant la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 et sans faire aucun versement, déposé les déclarations relatives à la taxe de 3 % instituée par la loi de finance

s pour 1983 ; que, sur réclamation de la recette des Impôts, elles ont pa...

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 7 mars 1997 n° 96/5768), que deux sociétés de droit suisse détiennent les actions de la société de droit suisse Laetitia, qui, au premier janvier des années 1982 à 1985, était, par sociétés interposées, propriétaire d'immeubles en France ; qu'elles ont, pour ces années, en visant la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 et sans faire aucun versement, déposé les déclarations relatives à la taxe de 3 % instituée par la loi de finances pour 1983 ; que, sur réclamation de la recette des Impôts, elles ont payé la taxe pour le compte de la société Laetitia le 26 décembre 1985 ; que, le 23 décembre 1994, la société Laetitia a présenté une réclamation en restitution de l'indu qui a été rejetée, puis a assigné le directeur des services généraux et de l'informatique pour obtenir la restitution des sommes versées ;

Attendu que la société Laetitia reproche au jugement d'avoir déclaré sa demande irrecevable ; alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'orsqu'une décision juridictionnelle constate la non-conformité d'un texte national à une norme internationale, l'événement qui, au sens de l'article R. 196-1 c) du Livre des procédures fiscales, constitue le point de départ du délai de réclamation, s'entend non pas de la décision de justice constatant ladite non-conformité, mais de la connaissance certaine par le contribuable de cette décision de justice ; que c'est donc seulement au jour où le contribuable a pris connaissance certaine de cette décision juridictionnelle, que le délai de réclamation peut commencer à courir à ses dépens ; que le jugement attaqué, qui a énoncé au contraire que l'événement motivant la seconde réclamation de la société Laetitia était l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 1989, et qui a adopté la date de cet arrêt en guise de point de départ du délai de réclamation pour déclarer irrecevable comme tardive la réclamation formée le 23 décembre 1994 par la société Laetitia, a donc commis une erreur de droit et violé l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales qui -prévoit in fine que les réclamations peuvent être présentées jusqu'au 31 décembre " de l'année " suivant celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'Impôts directs établies à tort ; alors, d'autre part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un Tribunal ; qu'en matière fiscale, la saisine des juges du fond doit être précédée d'une réclamation préalable, dont les règles de computation de délai à observer doivent être suffisamment claires et cohérentes pour permettre au contribuable de sauvegarder concrètement l'effectivité de son accès au Tribunal ; que l'Administration et les juges du fond ne peuvent donc pas opposer au contribuable l'expiration du délai pour agir afin de déclarer l'irrecevabilité comme tardive de sa réclamation, lorsque la computation dudit délai de réclamation, présentant une cohérence et une clarté très insuffisante, n'a pas permis au contribuable de former sa réclamation dans les délais, l'empêchant en définitive de voir sa cause équitablement entendu par un Tribunal ; que le jugement attaqué a considéré que dans la mesure où la réclamation préalable de la société Laetitia, en sa qualité de société suisse, portait sur la restitution de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 D du Code général des Impôts, le point de départ du délai de cette réclamation était constitué par l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 1989, relevant la non- -conformité de l'article 990 D du Code général des Impôts à l'article 26-1 de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ; que le jugement attaqué a ainsi énoncé que la réclamation préalable formulée par la société Laetitia le 23 décembre 1994, était irrecevable comme tardive dans la mesure où elle devait être adressée à l'Administration au plus tard le 31 décembre 1992 ;

que le jugement attaqué qui a ainsi statué, alors que l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 1989 n'avait fait l'objet d'aucune publication particulière permettant au contribuable d'en prendre connaissance, a donc procédé à une computation du délai de réclamation par une application incohérente de textes sujets à des interprétations divergentes, et n'a pas permis au contribuable de sauvegarder concrètement l'effectivité de son accès au Tribunal ; qu'ainsi, le jugement attaqué a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; et alors, enfin, que lorsqu'une décision juridictionnelle constate la non conformité d'un texte national à une norme internationale, l'événement qui, au sens de l'article R. 196-1 c) du Livre des procédures fiscales, constitue le point de départ du délai de réclamation, s'entend non pas de la décision de justice constatant ladite non-conformité, mais de la connaissance certaine par le contribuable de cette décision de justice ; que c'est donc seulement au jour où le contribuable a pris connaissance certaine de cette décision juridictionnelle, que le délai de réclamation peut commencer à courir à ses dépens ; que le jugement attaqué, qui a énoncé au contraire que l'événement motivant la seconde réclamation était l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 1989, et qui a adopté la date de cet arrêt en guise de point de départ du délai de réclamation, pour déclarer irrecevable comme tardive la réclamation formée par elle le 23 décembre 1994, sans rechercher si elle avait pris connaissance certaine de cet arrêt le jour même où il a été rendu, c'est-à-dire le 28 février 1989, manque donc de base légale au regard de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales qui prévoit in fine que les réclamations peuvent être présentées jusqu'au 31 décembre " de l'année " suivant celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article R. 196-1, premier alinéa c), du livre des procédures fiscales fait partir le délai ouvert pour la réclamation relative à un impôt autre qu'un impôt direct local ou à une taxe annexe de " la réalisation de l'événement " qui la motive ; que le jugement relève que le caractère indu de l'imposition a été constaté par l'arrêt du 28 février 1989 par lequel la Cour de Cassation a jugé qu'en vertu de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, les sociétés suisses ne sont pas assujetties à la taxe litigieuse ; que c'est à bon droit qu'il en a déduit, pour justifier sa décision d'irrecevabilité, que ce délai expirait le 31 décembre 1992, soit quand la durée de la prescription ainsi abrégée s'était déroulée en entier depuis l'entrée en vigueur de la loi l'instituant ;

Attendu, en second lieu, que la disposition ci-avant rappelée ouvre un délai spécial de réclamation de plus de deux années après l'événement qui permet d'apprécier l'irrégularité d'une imposition ; qu'en donnant pour point de départ à ce délai un fait dont la date peut être déterminée objectivement, ce qui empêche que les versements effectués puissent être remis en cause durant un temps imprévisible, cette disposition, dépourvue d'ambiguïté, donne effectivement aux contribuables la possibilité de faire valoir leurs droits devant un juge ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-14831
Date de la décision : 19/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Réclamation préalable - Délai - Point de départ - Evénement motivant la réclamation - Date de sa connaissance par le contribuable (non).

1° L'article R. 196-1 c) du Livre des procédures fiscales fait partir le délai ouvert pour la réclamation relative à un impôt autre qu'un impôt direct local ou à une taxe annexe de la réalisation de l'événement qui la motive, non de la connaissance qu'en a eu le requérant ; c'est dès lors à bon droit que, pour justifier sa décision d'irrecevabilité pour tardiveté de la réclamation, un tribunal retient qu'en l'espèce ce délai partait de l'arrêt du 29 février 1989 par lequel la Cour de Cassation a jugé qu'en vertu de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 les sociétés ayant leur siège en Suisse ne sont pas assujetties à la taxe litigieuse, et qu'il expirait le 31 décembre 1992 soit au terme de la prescription abrégée instituée par l'article 36-I de la loi du 29 décembre 1989 devenu l'alinéa 2 de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales.

2° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Réclamation préalable - Délai - Point de départ - Evénement motivant la réclamation - Convention européenne des droits de l'homme - Articles 6 et 13 - Compatibilité.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Interprétation - Article 6 - Impôts et taxes - Procédure - Réclamation préalable - Evénement la motivant - Compatibilité 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Interprétation - Article 13 - Droit à un recours effectif - Impôts et taxes - Procédure - Réclamation préalable - Evénement la motivant - Compatibilité.

2° L'article R. 196-1 c) du Livre des procédures fiscales ouvre un délai spécial de réclamation de plus de deux années après l'événement qui permet d'apprécier l'irrégularité d'une imposition ; en donnant pour point de départ à ce délai un fait dont la date peut être déterminée objectivement, ce qui empêche que les versements effectués puissent être remis en cause durant une période d'une durée imprévisible, cette disposition dépourvue d'ambiguïté donne aux contribuables la possibilité effective de faire valoir leurs droits devant un juge et n'est dès lors pas contraire aux articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Références :

1° :
2° :
2° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6, art. 13
Convention fiscale franco-suisse du 09 septembre 1966
Livre des procédures fiscales R196-1 c, L190 al. 2

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 07 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 oct. 1999, pourvoi n°97-14831, Bull. civ. 1999 IV N° 171 p. 144
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 171 p. 144

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lesourd, Mme Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.14831
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