AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. le directeur général des Douanes et droits indirects, domicilié ...Université, 75007 Paris et ...,
en cassation de deux jugements rendus les 19 juillet 1995 et 26 mars 1997 par le tribunal de grande instance de Lorient (2e chambre civile), au profit de la société Sofral, anciennement société Nurilu, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de Me Foussard, avocat du directeur général des Douanes et droits indirects de Rennes, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Sofral, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les jugements attaqués, que la société Sofral, qui n'avait pas reçu de réponse à sa demande adressée au directeur général de l'Office national interprofessionnel des céréales (l'ONIC), a assigné le directeur des services fiscaux du Morbihan en remboursement de sommes qu'elle avait versées durant les campagnes céréalières 1976-1977 à 1984-1985, au titre de la taxe de stockage des céréales ;
que le tribunal a déclaré ces demandes recevables et bien fondées en leur principe par jugement du 19 juillet 1995, interprété par celui du 26 mars 1997 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 190-1 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 7 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de réclamation préalable, le jugement du 19 juillet 1995 retient qu'une demande précédée d'une réclamation mal dirigée, est recevable dès lors que l'erreur est excusable, ce qui est le cas, son auteur ayant pu se tromper de bonne foi, l'ONIC étant le bénéficiaire du produit de la taxe et aucun texte ne précisant que les réclamations devaient être adressés directement à l'administration fiscale ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'action est irrecevable du seul fait de l'absence d'une réclamation régulière, ce qui est le cas en l'espèce, aucun texte ou principe n'imposant au directeur de l'ONIC, établissement public à caractère industriel commercial, de transmettre à l'autorité compétente de l'Etat la demande dont il avait été saisi à tort, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article R. 190-1 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour déclarer l'action en remboursement de la taxe recevable, le même jugement retient que l'administration ne saurait ignorer que le contentieux a été initialement lié par la réclamation adressée au directeur général de l'Onic, et la défense assurée par elle sur cette requête devant le juge administratif ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les conclusions, dont l'administration avait saisi le juge administratif tendaient, à titre principal, au rejet au fond des demandes en remboursement, le tribunal n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
Sur l'application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que les demandes de la société Sofral étant irrecevables, il ne reste rien à juger ; qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE les jugements rendus entre les parties par le tribunal de grande instance de Lorient le 19 juillet 1995 et, pour son interprétation, le 26 mars 1997 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare l'action de la société Sofral irrecevable ;
Condamne la société Sofral aux dépens ;
Met en outre à sa charge ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.