AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Prodim, société en nom collectif, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1997 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit :
1 / de M. Frédéric Y...,
2 / de Mme Nathalie X..., épouse Y...,
demeurant ensemble ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Leclercq, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Champalaune, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de Me Odent, avocat de la société Prodim, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. et Mme Y..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 27 janvier 1992 les époux Y... ont conclu avec la société Prodim, d'une part un accord de franchisage en vue de l'exploitation d'un magasin d'alimentation générale sous l'enseigne "8 à huit", d'autre part un contrat d'approvisionnement prioritaire; que la société Prodim a assigné en paiement de diverses sommes, les époux Y... qui ont reconventionnellement sollicité l'annulation du contrat de franchisage ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Prodim fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le contrat de franchisage la liant aux époux Y... et de l'avoir condamnée à leur payer diverses sommes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 n'est applicable qu'aux contrats imposant en droit une exclusivité ou quasi-exclusivité d'activité du franchisé au profit du franchiseur ; qu'en ne recherchant pas, comme ses conclusions l'y invitaient, si les époux Y... n'avaient pas en fait la possibilité de commander des marchandises à d'autres distributeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi susvisée ; alors, d'autre part, que les époux Y... n'ont jamais soutenu que leur approvisionnement provenait pour partie de sa société et pour le reste de sociétés liées à elle ; que la cour d'appel, en retenant que tel était le cas, s'est fondée sur des faits qui n'étaient pas dans le débat, en violation de l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que les époux Y... se sont engagés à n'avoir que la société Prodim comme franchiseur et s'approvisionnaient en grande partie auprès d'elle et pour le solde auprès de maisons agréées ou faisant partie du groupe Promodès ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 était applicable, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions ;
que la cour d'appel, saisie d'un moyen fondé sur l'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, ensemble l'article 1116 du Code civil ;
Attendu que pour annuler le contrat de franchisage, la cour d'appel se borne à énoncer qu'aucun des documents prévus par la loi du 31 décembre 1989 et son décret d'application n'a été fourni par la société Prodim aux époux Y..., vingt jours avant la signature du contrat ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le défaut d'information dans le délai prévu par la loi du 31 décembre 1989, avait eu pour effet de vicier le consentement des franchisés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président en l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.