AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Banque parisienne de crédit (BPC), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 mars 1996 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), au profit de la société Sud Loire automobile, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Léonnet, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la Banque parisienne de crédit (BPC), les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1234 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque parisienne de crédit a poursuivi la société Sud Loire automobile en paiement du montant d'une lettre de change que celle-ci avait acceptée et qu'elle-même avait prise à l'escompte ;
Attendu que, pour rejeter la prétention de la banque, l'arrêt constate que 6 jours après l'échéance, le montant de l'effet litigieux a été porté par la banque au débit d'un "compte impayé" ouvert au nom de la bénéficiaire de l'escompte, puis retient que, néanmoins, il s'agit d'une contrepassation dès lors que le "compte impayé", affecté d'un mouvement unique relatif exclusivement à la traite litigieuse, n'a en réalité pas fonctionné, qu'il a été constitué dans le seul but d'éviter le débit du montant de l'effet sur le compte courant, et qu'il s'agissait en réalité d'un simple jeu d'écritures masquant le retrait de la mise à disposition de la valeur de l'effet à la société remettante, sur le point de déposer son bilan ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, dont il ne résulte pas que la banque avait, par l'inscription au "compte impayé", obtenu paiement du montant de l'effet par sa cliente le lui ayant remis, ni que ce compte ait eu le caractère d'un compte courant, entraînant la perte de singularité des opérations y inscrites, la cour d'appel n'a pas caractérisé une contrepassation et a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Sud Loire automobile aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien, en remplacement du président, à l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.