AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Yachting 2A, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1995 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), au profit de la société OMC France, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Léonnet, Poullain, Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Champalaune, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Yachting 2A, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société OMC France, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'expiration d'une concession qu'elle avait consentie à la société Yachting 2A, la société OMC France a refusé de la renouveler ; qu'un contentieux est né sur la reddition de comptes, l'ancienne concessionnaire refusant le paiement de plusieurs des lettres de change qu'elle avait acceptées à l'ordre de la concédante et lui réclamant la reprise de divers matériels ainsi que des dommages-intérêts ; que la société OMC France a prétendu au paiement d'une somme de 3 429 730,81 francs, au titre de ses livraisons antérieures, pour des montants correspondant pour partie aux effets impayés et pour le reste à diverses factures ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Yachting 2A au paiement de la somme de 3 429 730,81 francs, l'arrêt retient que la société Yachting 2A reconnaît devoir le montant nominal des traites pour 2 056 398,53 francs et qu'elle ne conteste plus la provision des traites acceptées, alors que les montants désormais admis par elle fondaient sa seule critique du jugement ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, alors que, dans ses dernières conclusions d'appel, la société Yachting 2A a indiqué qu'elle admettait le principe d'une créance de la société OMC France, mais contestait seulement son quantum, en faisant valoir que celui-ci est erroné, ce dont il résulte qu'en estimant non contesté le montant de la dette de la société concessionnaire, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1289 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Yachting 2A tendant à la compensation entre le montant de sa dette et la somme qui devra lui être reversée par la société OMC France pour prix de la valeur du stock de marchandises livrées par elle et dont la reprise par elle est ordonnée, l'arrêt retient que la société Yachting 2A n'a actuellement à l'égard de sa concédante aucune créance certaine, liquide et exigible autorisant une compensation, ayant seulement vocation à détenir une telle créance lorsque sera repris par cette concédante un stock constitué de produits contractuels dont la fourniture est en partie la cause de la dette emportant actuellement condamnation ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à écarter la prétention de la société Yachting 2A selon laquelle la connexité entre les créances réciproques résultait de ce que la dette de la société Yachting 2A portait sur le prix de marchandises devant être reprises par le fournisseur, dès lors qu'en cas de compensation pour créances connexes, il n'y a pas lieu de vérifier la liquidité et l'exigibilité de ces créances, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société OMC France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société OMC France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien, en remplacement du président, en l'audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.