AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société nouvelle Dupont d'Isigny, dont le siège est à La Cambre, 14230 Isigny-sur-Mer,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 mars 1997 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), au profit :
1 / de la société Diététique et Santé, société anonyme, dont le siège est : 31250 Revel,
2 / de la société Abeille Paix, dont le siège est ...,
3 / de la société Minoterie Lerat, dont le siège est : 44520 Moisdon-la-Rivière,
4 / de la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, dont le siège est ...,
5 / de la société Etablissements Favrichon, société anonyme, dont le siège est : 42470 Saint-Symphorien-de-Lay,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Grimaldi, conseiller, les observations de Me Foussard, avocat de la société Nouvelle Dupont d'Isigny, de Me Choucroy, avocat de la société Diététique et Santé, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la Société nouvelle Dupont d'Isigny du désistement de son pourvoi à l'égard de la société Abeille Paix, de la société Minoterie Lerat, de la société Mutuelles du Mans et de la société des Etablissements Favrichon ;
Sur les deux moyens réunis, le second pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Pau, 24 mars 1997), rendu sur renvoi après cassation, que la Société nouvelle Dupont d'Isigny (SNDI) a livré à la société Diététique et santé (société DS) des barres de céréales polluées ; que ce produit avait été fabriqué par la SNDI, selon un procédé et avec du matériel fournis par la société DS, en associant des flocons de céréales fournis par la société Favrichon -laquelle s'approvisionnait auprès de la société Lerat- et des "billes" de céréales fournies par la société DS ;
Attendu que la SNDI reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à indemniser la société DS de son préjudice alors, selon le pourvoi, d'une part, que, si même le produit fabriqué est destiné à la consommation humaine et que le résultat attendu est regardé comme certain, l'obligation pour une entreprise chargée de la fabrication du produit ne peut être de résultat qu'à l'égard de l'objet de sa propre prestation ; qu'aucune obligation de résultat ne peut peser sur cette entreprise, dès lors, dans ses rapports avec le donneur d'ordre, à raison des prestations ou des produits fournis par le donneur d'ordre ; que si, en l'espèce, les juges du fond ont cru devoir constater que la société Favrichon était le fournisseur de la SNDI, leur décision est, de ce chef, privée de base légale ; qu'en effet, ils ont procédé par pure affirmation, sans rechercher, comme le demandait la SNDI qui contestait que la société Favrichon ait été son sous-traitant, si cette société ne se contentait pas de lui livrer les flocons de céréales sur instruction de la société DS ; qu'ainsi, l'arrêt doit être censuré pour défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, si même une obligation de résultat pouvait être mise à la charge de l'entreprise chargée de la fabrication, quand bien même cette fabrication serait assurée à partir de produits fournis par le donneur d'ordre, de toute façon, la mise en oeuvre de l'obligation de résultat suppose que la contamination soit exclusivement imputable à la fabrication et que, par suite, l'imputation de la contamination aux autres entreprises intervenantes soit exclue ; que si, en l'espèce, les juges du fond ont cru devoir constater que la société Favrichon était le fournisseur de la SNDI leur décision est, de ce chef, privée de base légale ; qu'en effet, ils ont procédé par pure affirmation, sans rechercher, comme le demandait la SNDI qui contestait que la société Favrichon ait été son sous-traitant, si cette société ne se contentait pas de lui livrer les flocons de céréales sur instruction de la société DS ; qu'ainsi, l'arrêt doit être censuré pour défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que, si les juges du fond ont estimé qu'il n'était pas possible d'attribuer avec certitude la contamination aux faits de la société Favrichon, ils n'ont pas constaté, à l'inverse, qu'il était établi que la contamination était étrangère à la société Favrichon ; que, dès lors, ils ne pouvaient retenir la responsabilité de la SNDI à raison de son obligation de résultat ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche dont font état les première et deuxième branches, dès lors que la SNDI demandait cette recherche pour contester que la société Favrichon était son sous-traitant et que l'arrêt ne retient pas cette dernière qualité ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que l'expertise judiciaire a exclu, comme source de contamination, le procédé imposé à la SNDI par la société DS ainsi que les composants fournis par cette dernière puis a proposé, à titre d'hypothèses, trois causes à l'origine de la contamination, provenant de la société Favrichon, de la SNDI et de la société Lerat ; qu'après avoir retenu que le contrat liant la SNDI à la société DS était un contrat d'entreprise et relevé que, pour éluder sa responsabilité, la SNDI faisait valoir que le produit livré à elle par la société Favrichon était déjà contaminé, l'arrêt retient, par un motif qui ne fait par l'objet d'un grief précis, que la SNDI était tenue de vérifier la bonne qualité des produits qu'elle met en ouvre, faisant ainsi ressortir la faute de la SNDI ayant consisté en un défaut de vérification ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société nouvelle Dupont d'Isigny aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien en remplacement du président en l'audience publique du douze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.