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05/10/1999 | FRANCE | N°97-30325;97-30326

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 octobre 1999, 97-30325 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° R 97-30.325 formé par la Caisse centrale des Banques populaires, dont le siège est ...,

II - Sur le pourvoi n° S 97-30.326 formé par la Banque populaire du Luxembourg, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 24 septembre 1997 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,

defendeur à la cassation

;

Les demanderesses aux pourvois n° R. 97-30.325 et S 97-30.326 invoquent, à l'appui de leu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° R 97-30.325 formé par la Caisse centrale des Banques populaires, dont le siège est ...,

II - Sur le pourvoi n° S 97-30.326 formé par la Banque populaire du Luxembourg, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 24 septembre 1997 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,

defendeur à la cassation ;

Les demanderesses aux pourvois n° R. 97-30.325 et S 97-30.326 invoquent, à l'appui de leurs recours, trois moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Léonnet, Poullain, Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mmes Mouillard, Champalaune, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la Caisse centrale des Banques populaires et de la Banque populaire du Luxembourg, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° R 97-30.325 et S 97-30.326 qui attaquent la même ordonnance et font état de moyens identiques ;

Attendu que, par ordonnance du 24 septembre 1997, le président du tribunal de grande instance de Paris a, en vertu de l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux situés ... au siège social de la société Bred Banque populaire, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la Verwaltungs und privat bank AG, également dénommée Banque privée de gérance société ou encore Private trust bank corporation au titre de l'impôt sur les sociétés ; et dans les locaux situés ... au siège social de la Compagnie financière de la Bred et au siège social de la société Bred Banque populaire ; ... au Bureau de représentation de la Banque populaire du Luxembourg société et au siège social de la Caisse centrale des Banques populaires ; ... dans les bureaux de la Caisse centrale des Banques populaires et dans les bureaux de la Banque populaire du Luxembourg SA ; ... dans les bureaux de la société Bred Banque populaire, dans les bureaux de la Compagnie financière d'épargne et de placements et au siège social de la société Promepar-Gestion, et ... au siège social de la Société Banques populaires ingenierie et au siège social de la Société de participations et d'études financières, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la Banque populaire du Luxembourg SA au titre de l'impôt sur les sociétés ;

Sur le premier moyen des deux pourvois réunis :

Attendu que la Caisse centrale des Banques populaires et la Banque populaire du Luxembourg font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la Verwaltungs und privat bank AG et de la Banque populaire du Luxembourg SA alors, selon le pourvoi, que, si l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales n'interdit pas au juge de rechercher la fraude de plusieurs contribuables et d'autoriser, par une ordonnance unique, des visites et saisies en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d'être détenus des pièces et documents se rapportant aux agissements retenus à l'encontre de chacune des personnes visées, c'est à la condition qu'il existe un lien d'indivisibilité et de connexité entre les agissements de ces personnes, et que l'on recherche en vain dans l'ordonnance attaquée le moindre rapport entre les faits retenus à la charge de chacune des banques de droit étranger d'où le juge tire à l'encontre de chacune d'elle, une présomption de faute à l'impôt sur les sociétés -consistant pour la première, la Banque populaire du Luxembourg, à avoir organisé en France, au travers de deux CCP ouverts à Nancy, un système de collecte de fonds que certains clients du réseau des Banques populaires auquel elle appartient, souhaitent investir pour bénéficier d'avantages fiscaux consentis au Luxembourg- et pour l'autre, la société du Liechtenstein, la Verwaltungs und privat bank AG, à avoir mis à la disposition de sa clientèle, des moyens de paiement au travers d'un compte ouvert dans les écritures de la Bred à Paris, au profit notamment d'une société étrangère, propriétaire d'une résidence secondaire à Deauville, pour le paiement de la taxe d'habitation de

cette résidence ; qu'ainsi, en l'absence de toute indication précise permettant de mettre en relief des rapports étroits dans l'organisation et les agissements présumés frauduleux relevés à l'encontre des deux banques susvisées, l'ordonnance unique attaquée qui autorise les visites et saisies, par les mêmes agents de l'Administration, pour la recherche des fraudes présumées distinctes, ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que le président a relevé que les recherches effectuées à partir des indications relatives à un compte et relevées sur la copie de chèque saisie, avaient permis de constater que celui-ci, ouvert le 5 novembre 1992, était de nature ordinaire et répertorié au nom de la Bred avec la mention comme co-titulaire de Verwaltungs Und Privatbank et que les diverses constatations effectuées par l'administration fiscale, relatives à la mise à disposition de moyens de paiement au profit de sa clientèle, par la Verwaltungs Und Privatbank AG sise à Vaduz (Liechtenstein), au travers du compte ouvert en France dans les écritures de la Bred, sont caractéristiques de l'exercice de l'activité bancaire, c'est-à-dire de l'accomplissement de manière habituelle, sous couvert dudit compte, d'opérations de banque qui rendent Verwaltungs Und Privatbank AG passible en France de l'impôt sur les sociétés ; qu'à partir de ces constatations, il a pu décider qu'il était de l'intérêt d'une bonne justice de statuer sur les deux demandes par une décision unique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen des deux pourvois réunis :

Attendu que la Caisse centrale des Banques populaires et la Banque populaire du Luxembourg font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la Banque populaire du Luxembourg SA alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des mentions de l'ordonnance, concernant la pièce I-1 à laquelle elle se réfère, que la demande de consultation du dossier relatif à une information judiciaire en cours d'instruction au tribunal de grande instance de Nancy, a été obtenue au moyen de l'exercice manifestement irrégulier du droit de communication par l'Administration prévue à l'article L. 82-C du Livre des procédures fiscales, puisqu'il est indiqué que la demande a été présentée le 31 janvier 1997 : "à Mme Haye, juge d'instruction, avec accord du même jour par apposition de sa signature", alors qu'aux termes dudit article, seul le ministère public peut communiquer, à l'occasion de toute instance devant les juridictions civile ou criminelle, les dossiers à l'administration des finances, et qu'ainsi, à défaut de preuve de la communication du dossier de la procédure pénale en cause par le ministère public, le principe du secret de l'enquête en cours et de l'instruction, affirmé à l'article 11 du Code de procédure pénale, a été méconnu, en sorte que la censure de l'ordonnance attaquée est encourue pour violation de l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles susvisés ;

Mais attendu que l'article L. 82-C du Livre des procédures fiscales instaure un droit de communication de l'administration fiscale auprès des autorités judiciaires, auquel ne fait pas obstacle l'article 11 du Code de procédure pénale concernant le secret de l'instruction, et que l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales imposant à toute autorité judiciaire de communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu, l'administration fiscale a pu obtenir régulièrement copie de pièces recueillies après mise en oeuvre de son droit de communication ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen des deux pourvois réunis :

Attendu que la Caisse centrale des Banques populaires et la Banque populaire du Luxembourg font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la Banque populaire du Luxembourg SA alors, selon le pourvoi, que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'il doit motiver sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu'il ne satisfait pas aux exigences légales lorsque, pour caractériser les présomptions retenues, il ne fonde pas son analyse sur des éléments d'information précis fournis par l'Administration sur les conditions d'exercice de l'activité du contribuable ;

qu'ainsi, en l'occurrence, le juge qui a relevé dans l'ordonnance attaquée que, de l'enquête effectuée par l'administration fiscale auprès de la Banque de France, il résultait que : "parmi les entités luxembourgeoises en cause, le seul établissement connu de ses services, est la Banque populaire du Luxembourg SA, laquelle, en sa qualité d'établissement de crédit agréé dans un autre Etat de l'Espace économique européen, a souscrit une "déclaration de libre prestation de services qui l'autorise à fournir en France des services bancaires autrement que par une présence permanente", et a, en outre, déclaré l'ouverture d'un bureau de représentation à Paris, lequel, aux termes de l'article 9 de la loi bancaire n° 84-46 du 24 janvier 1989 modifiée, ne lui permet pas de traiter en France des opérations de banque", ne pouvait se borner à déclarer qu'il existe des présomptions que la Banque populaire du Luxembourg s'est soustraite à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés, du seul fait qu'elle a démarché physiquement en France la clientèle du réseau du groupe des Banques populaires auquel elle appartient, et qu'elle a organisé en France, "au travers de deux CCP ouverts à Nancy, un système de collecte de fonds", qui la rendent passible en France de l'impôt sur les sociétés, alors qu'il n'est pas allégué ni a fortiori démontré que les opérations à travers seulement deux CCP ouverts à Nancy, constitueraient bien "une présence permanente" au sens de l'article 71-1-3 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, et surtout de l'article 209-I du Code général des impôts qui soumet à l'impôt sur les sociétés uniquement les

bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France dès lors qu'une telle imposition implique nécessairement l'exercice d'une activité habituelle en France, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyen de preuve du bien-fondé des agissements ; qu'un tel moyen est inopérant pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux, même privés, et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Caisse centrale des Banques populaires et la Banque populaire du Luxembourg aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Leclercq, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-30325;97-30326
Date de la décision : 05/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Moyens d'investigation - Relevé de chèque - Etablissement exerçant une activité bancaire.

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Droit de communication - Secret de l'instruction - Pièce provenant d'une information pénale terminée par un non-lieu.


Références :

Code de procédure pénale 11
Livre des procédures fiscales L16B, L101 et L82C

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Paris, 24 septembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 oct. 1999, pourvoi n°97-30325;97-30326


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.30325
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