CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 mai 1998, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte pour non-assistance à personne en danger.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 1°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-19, 222-20, 223-6 du nouveau Code pénal, 63, alinéa 2, 320 de l'ancien Code pénal, 81, 82 à 86, alinéa 3, 575, 591 et 593, du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur la plainte de la partie civile déposée par X... ;
" aux motifs que le délit d'omission de porter secours à une personne en péril suppose que son auteur ait connu l'existence d'un péril imminent et constant, sur la gravité duquel il ne pouvait se méprendre, et qu'il se soit volontairement abstenu d'intervenir par les moyens qu'il lui était possible d'employer en vue de le conjurer ; que tout au contraire, l'existence d'un tel péril ne ressort pas des déclarations de la partie civile recueillies par le juge d'instruction, qui admet avoir bénéficié régulièrement de consultations du médecin affecté à l'établissement pénitentiaire dans lequel il était détenu, et aussi, de secours du service des sapeurs-pompiers et de son médecin ; qu'en conséquence les faits dénoncés ne sont pas susceptibles de qualification pénale ;
" 1° alors que les juridictions d'instruction ont le devoir d'informer, de sorte que cette obligation ne cesse que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter une poursuite, ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu'en considérant néanmoins, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer, que la réalité des faits invoqués par X... n'était pas établie, alors qu'il appartenait précisément à l'information de les faire apparaître et que cette circonstance n'excluait pas une qualification pénale, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de Cassation ;
" 2° alors que la partie civile soutenait dans son mémoire que, malgré ses demandes réitérées d'assistance et de celles de sa famille, il avait souffert, au cours de sa détention, d'une détérioration apparente de son état de santé consistant dans un gonflement important des membres inférieurs, l'empêchant de marcher normalement et l'obligeant à rester allongé dans sa cellule, et de fréquentes syncopes brèves accompagnées de perte de connaissance, dont la preuve avait été rapportée par des examens médicaux effectués le jour même de sa libération ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que X... n'était pas exposé à un péril imminent, au motif inopérant qu'il avait pu consulter un médecin, sans rechercher si les symptômes faisaient apparaître un tel péril, la cour d'appel a privé sa décision de motif ;
" 3o alors qu'en s'abstenant de rechercher si les faits dénoncés pouvaient recevoir la qualification de coups et blessures involontaires, la cour d'appel a privé sa décision de motif " ;
Vu les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... a porté plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef de non-assistance à personne en danger, en exposant que durant son incarcération, il n'aurait pas reçu les soins que justifiait l'aggravation de son état de santé ; qu'il ajoute que l'affection dont il souffrait a été décelée aussitôt après sa sortie de prison ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre d'accusation relève que l'existence d'un péril imminent ne ressort pas des déclarations de la partie civile ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits dénoncés dans la plainte, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 mai 1998, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier.