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07/09/1999 | FRANCE | N°98-83506

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 septembre 1999, 98-83506


REJET du pourvoi formé par :
- X... Sylvie, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz, en date du 12 février 1998, qui, sur sa plainte contre Didier Y... du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, a confirmé l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 1er, du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 404-1 de l'ancien Code pénal, 314-7

, 314-9 du nouveau Code pénal, 85, 86, 485, 575-2-1°, 593 du Code de procédur...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Sylvie, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz, en date du 12 février 1998, qui, sur sa plainte contre Didier Y... du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, a confirmé l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 1er, du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 404-1 de l'ancien Code pénal, 314-7, 314-9 du nouveau Code pénal, 85, 86, 485, 575-2-1°, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile déposé par Sylvie Y... du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité ;
" aux motifs que les faits décrits et dénoncés par la partie civile, qualifiés d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité, ne comportant manifestement pas tous les éléments constitutifs du délit, en l'absence d'une décision de justice à laquelle le débiteur tenterait de se soustraire, il n'y avait pas lieu à informer ; qu'il en est dès lors de même de l'ordonnance de non-conciliation dans laquelle il est indiqué que le mari prend à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, sans que le mari n'ait été condamné à payer ceux-ci ; que cet engagement devant le juge ne saurait être assimilé à "une convention judiciairement homologuée portant obligation de verser des prestations, subsides ou contribution aux charges du mariage" prévue à l'article 314-9 du nouveau Code pénal, le législateur ayant, en assimilant les conventions à une décision de justice, simplement voulu régler le sort des conventions définitives et temporaires introduites avec la réforme du divorce du 11 juillet 1975 dans le cadre des divorces par consentement mutuel ; que le Code pénal étant d'interprétation stricte, on ne saurait assimiler l'engagement devant un juge d'un mari de prendre à sa charge le remboursement des emprunts immobiliers à une telle convention, et ce, même si, en l'espèce, il est vraisemblable que cela résultait d'un accord entre les parties (encore que l'épouse, étant sans revenus, cela ne pouvait être autrement), et même s'il est incontestable que si le juge a fixé la pension alimentaire pour les enfants et le devoir de secours envers l'épouse à un chiffre si bas (12 000 francs) alors que le mari déclarait gagner 70 000 francs par mois, c'est manifestement en raison de ce que le mari s'engageait à payer les emprunts immobiliers afférents au domicile dans lequel étaient logés l'épouse et les enfants, étant rappelé que le fait d'assurer le logement de son épouse et de ses enfants contribue à assurer le devoir de secours dû à l'épouse et l'obligation d'entretien due à ses enfants mineurs ; que, d'ailleurs, l'ordonnance du 20 mars 1992 est tout à fait explicite à ce sujet ; qu'en effet, par cette décision, le juge, après avoir relevé les ressources des parties et l'engagement de Didier Y... de prendre à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, ne condamne Didier Y... qu'à verser une pension alimentaire mensuelle de 12 000 francs, motivant sa décision par cet engagement, comme l'explique la formule "compte tenu de ces éléments" ; qu'ainsi, à défaut de condamnation de Didier Y... à payer lesdits remboursements d'emprunts, les articles 314-7 et 314-9 du nouveau Code pénal ne peuvent recevoir application ; qu'il convient, dès lors, de confirmer l'ordonnance de non-informer entreprise, l'obligation d'instruction du juge d'instruction cessant dès lors qu'il est établi, comme il est dit à l'article 86 du Code de procédure pénale, que les faits pour lesquels la partie civile a déposé plainte ne peuvent recevoir de qualification pénale ;
" 1° alors, d'une part, que ne peut motiver une ordonnance de refus d'informer un élément de pur fait qu'il appartient à l'information de faire apparaître ou de vérifier ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que la décision de refus d'informer est fondée sur un élément de fait : l'ordonnance de non-conciliation de la procédure de divorce des époux Y... sur laquelle le juge d'instruction s'est fondé pour refuser d'informer, ce qui démontre précisément la nécessité dans laquelle celui-ci se trouvait d'ouvrir une information afin de vérifier les faits visés dans la plainte ; qu'en refusant d'informer hors des cas limitativement énumérés par l'article 86 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation a violé le texte susvisé ;
" 2° alors, d'autre part, qu'en décidant que les conventions judiciairement homologuées, portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage, assimilées aux condamnations aux paiements d'aliments, ne concernent que les conventions définitives et temporaires des divorces par consentement mutuel, la chambre d'accusation a ajouté à l'article 314-9 du nouveau Code pénal une condition qu'il ne comporte pas et l'a ainsi violé ;
" 3° alors, encore, que la chambre d'accusation n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, dès lors qu'elle relève que par ordonnance du 20 mars 1992 tout à fait explicite, le juge a relevé l'engagement de Didier Y... à prendre à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, ce qui constituait bien une convention judiciairement homologuée sans qu'il soit nécessaire qu'une condamnation de ce chef soit expressément prononcée à l'encontre de Didier Y... ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
" 4° alors, enfin, que l'arrêt est entaché de contradiction en ce qu'il refuse d'admettre que l'ordonnance de non-conciliation constatant l'engagement pris par Didier Y... de prendre à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, constituait une convention judiciairement homologuée de l'article 314-9 du nouveau Code pénal, tout en admettant que le chiffre très bas de 12 000 francs auquel était fixée la pension alimentaire globale des enfants et de l'épouse tenait précisément à cet engagement du mari ; qu'ainsi, l'arrêt est à nouveau entaché d'une violation des textes visés au moyen " ;
Sur le moyen complémentaire de cassation, pris de la violation des articles 227-3, 314-7, 314-9 du nouveau Code pénal, 404-1 de l'ancien Code pénal, 85, 86, 485, 575-2.1°, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile déposé par Sylvie Y... du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité ;
" aux motifs que l'article 314-7 du Code pénal punit celui qui organise frauduleusement son insolvabilité pour se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire prononcée par une juridiction civile en matière d'aliments ; que l'article 314-9 du Code pénal assimile aux condamnations au paiement d'aliments les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ; que, cependant, comme pour le délit d'abandon de famille, le délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité suppose qu'il existe à la base des poursuites correctionnelles une décision de justice civile définissant l'obligation mise à la charge du débiteur et portant condamnation à ce titre, légalement exécutoire à la date des faits incriminés (Crim. 3 novembre 1977 BC n° 346) ; qu'ainsi il a été jugé que l'offre du mari de verser à sa femme une prestation compensatoire, dont le jugement de divorce donne acte à la bénéficiaire, mais sans condamner le mari à l'exécuter, ne peut servir de base à des poursuites pénales en cas d'inexécution par le mari de son engagement (Crim. 10 janvier 1984 BC n° 10) ; qu'il en est dès lors de même de l'ordonnance de non-conciliation dans laquelle il est indiqué que le mari prend à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, sans que le mari n'ait été condamné à payer ceux-ci ; que cet engagement devant le juge ne saurait être assimilé à "une convention judiciairement homologuée portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage" prévue à l'article 314-9 du nouveau Code pénal, le législateur ayant, en assimilant les conventions à une décision de justice, simplement voulu régler le sort des conventions définitives et temporaires introduites avec la réforme du divorce du 11 juillet 1975 dans le cadre des divorces par consentement mutuel ; que le Code pénal étant d'interprétation stricte, on ne saurait assimiler l'engagement devant un juge d'un mari de prendre à sa charge le remboursement des emprunts immobiliers à une telle convention, et ce même si, en l'espèce, il est vraisemblable que cela résultait d'un accord entre les parties (encore que, l'épouse étant sans revenus, cela ne pouvait être autrement) et, même s'il est incontestable que si le juge a fixé la pension alimentaire pour les enfants et le devoir de secours à un chiffre si bas (12 000 francs) alors que le mari déclarait gagner 70 000 francs par mois, c'est manifestement en raison de ce que le mari s'engageait à payer les emprunts immobiliers afférents au domicile dans lequel étaient logés l'épouse et les enfants, étant rappelé que le fait d'assurer le logement de son épouse et des enfants contribue à assurer le devoir de secours dû à l'épouse et l'obligation d'entretien due à ses enfants mineurs ; que, d'ailleurs, l'ordonnance du 20 mars 1992 est tout à fait explicite à ce sujet ; qu'en effet, par cette décision, le juge, après avoir relevé les ressources des parties et l'engagement de Didier Y... de prendre à sa charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté, ne condamne Didier Y... qu'à verser une pension alimentaire mensuelle de 12 000 francs, motivant sa décision par cet engagement, comme l'explique la formule "compte tenu de ces éléments" ;
qu'ainsi, à défaut de condamnation de Didier Y... à payer lesdits remboursements d'emprunts, les articles 314-7 et 314-9 du Code pénal ne peuvent recevoir application ; qu'il convient, dès lors, de confirmer l'ordonnance de non-informer entreprise, l'obligation d'instruction du juge d'instruction cessant dès lors qu'il est établi, comme il est dit à l'article 86 du Code de procédure pénale, que les faits pour lesquels la partie civile a déposé plainte ne peuvent recevoir de qualification pénale ;
" alors, d'une part, que les incriminations des articles 314-7 et 314-9 du nouveau Code pénal étant plus larges que celle de l'article 404-1 de l'ancien Code pénal, la chambre d'accusation ne pouvait refuser d'admettre que l'engagement pris par Didier Y... de prendre en charge la totalité des remboursements des emprunts de la communauté constituait une convention judiciairement homologuée ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'une violation des articles visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que les incriminations des articles 314-7 et 227-3 du nouveau Code pénal étant de nature juridique différente par les objectifs et les comportements qu'elles visent, la chambre d'accusation ne pouvait, sans violer ces textes, confirmer l'ordonnance de refus d'informer par assimilation de ces 2 infractions ;
" alors, enfin, que la chambre d'accusation ne pouvait statuer comme elle l'a fait sans rechercher, comme elle y était invitée par les moyens péremptoires du mémoire régulièrement déposé par Sylvie Y..., si l'engagement pris par Didier Y... concernant les emprunts communautaires et constaté par le juge ne constituait pas une convention judiciairement homologuée, dès lors qu'il s'agissait de charges relatives à l'occupation du domicile conjugal par l'épouse et les enfants, ce qui était une modalité d'exécution de l'obligation de contribuer aux charges du mariage " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Sylvie X..., épouse Y..., a porté plainte avec constitution de partie civile contre son mari du chef susvisé ;
Qu'elle exposait que celui-ci, qui avait pris l'engagement, consigné dans l'ordonnance de non-conciliation, d'assurer la totalité du remboursement des emprunts souscrits par la communauté, avait organisé son insolvabilité en vue de se soustraire à cette obligation ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, la chambre d'accusation retient que la seule mention, dans l'ordonnance de non-conciliation, de " l'engagement " du mari à prendre en charge la totalité des remboursements d'emprunts de la communauté ne saurait constituer une convention judiciairement homologuée portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ni être assimilée à une condamnation entrant dans les prévisions des articles 314-7 et 314-9 du Code pénal ; qu'elle en déduit que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-83506
Date de la décision : 07/09/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSOLVABILITE FRAUDULEUSE - Eléments constitutifs - Elément légal - Décision de justice - Caractère exécutoire - Ordonnance de non-conciliation - Offre de régler les emprunts de la communauté - Portée.

INSOLVABILITE FRAUDULEUSE - Eléments constitutifs - Elément légal - Décision de justice - Caractère exécutoire - Nécessité

L'offre de régler les emprunts de la communauté ne constitue pas une convention judiciairement homologuée et ne peut servir de base à une poursuite pour insolvabilité frauduleuse lorsqu'elle figure dans une ordonnance de non-conciliation et n'a pas fait l'objet d'une condamnation valant titre exécutoire. (1).


Références :

Code pénal 314-7, 314-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz (chambre d'accusation), 12 février 1998

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1999-03-31, Bulletin criminel 1999, n° 64, p. 163 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 sep. 1999, pourvoi n°98-83506, Bull. crim. criminel 1999 N° 178 p. 568
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 178 p. 568

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Anzani.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Rouvière et Boutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.83506
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