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12/07/1999 | FRANCE | N°97-41981

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 1999, 97-41981


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Thierry X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 10 mars 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale section A), au profit de la CGEA de Bordeaux, dont le siège est Les Bureaux du Parc ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 juin 1999, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M.Texier, conseil

ler, M.Soury, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Thierry X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 10 mars 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale section A), au profit de la CGEA de Bordeaux, dont le siège est Les Bureaux du Parc ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 juin 1999, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M.Texier, conseiller, M.Soury, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les trois moyens réunis :

Attendu que M. X..., engagé le 4 mai 1992 en qualité de directeur administratif par la société Jean Trillo, a été licencié le 8 décembre 1992 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés y afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 10 mars 1997) d'avoir décidé que son licenciement était justifié par une faute lourde et l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le premier moyen, que, premièrement, les griefs énoncés dans la lettre de licenciement étaient les suivants : "actes de concurrence déloyale caractérisée, à l'encontre de la société, en intervenant vis à vis des tiers et clients comme fondateur et animateur d'une société Eurosport services à constituer, au débauchage et tentative de débauchage du personnel de notre entreprise" ; que la cour d'appel ne pouvait, alors qu'elle était liée par les termes de la lettre de licenciement visant l'acte de concurrence déloyale caractérisée, sans dénaturer les termes de ladite lettre de licenciement, fonder sa décision sur un manquement par le salarié à son obligation de fidélité et de loyauté ;

qu'elle a ainsi violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; alors que, deuxièmement, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, le seul fait pour les salariés de participer à la création d'une société concurrente avant la rupture de leur contrat de travail, ne caractérise pas à lui seul un acte de concurrence déloyale ; que pour qualifier la concurrence déloyale, la cour d'appel retient que "...Maître Y... ès-qualités produit un projet de société, dont Monsieur X... devait être président du conseil d'administration, avec des fonctions à la direction générale, et dont l'objet était identique à la société Jean Trillo" ; que dès lors, en constatant que M. X... avait participé à un simple projet de société, et en déduisant de ce simple constat l'existence d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas procédé à une exacte qualification juridique des faits qui étaient constatés ; alors que, troisièmement, la faute grave visée par les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu' aux termes de la jurisprudence de la Cour de Cassation, la faute lourde du salarié suppose une intention de nuire ; que pour retenir la faute lourde, la cour d'appel a jugé : "...Qu'en créant une société concurrente, Monsieur X... ne pouvait ignorer qu'il nuisait d'autant plus gravement que la société Jean Trillo était déjà en difficulté, commettant ainsi un acte de concurrence déloyale que les premiers juges ont exactement qualifié de faute lourde" ; qu'en jugeant que M. X... ne pouvait ignorer qu'il portait atteinte aux droits de son employeur en créant une entreprise concurrente en période de difficultés économiques, la cour d'appel n'a pas caractérisé une réelle intention de nuire, seule susceptible de constituer une faute lourde ; alors, selon le deuxième moyen, que, premièrement, pour retenir l'existence d'un acte de concurrence déloyale à l'encontre de M. X..., la cour d'appel retient :

"qu'en outre, une lettre datée du 7 décembre 1992 et émanant de "Synergie Formation Bordeaux" démontre que cet organisme avait été contacté dès novembre 1992 par la société Eurosport, donc avant la décision de redressement judiciaire du 23 janvier 1993 et de la liquidation prononcée le 9 mars 1993..." ; que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. X... rappelait que M. Y... ne rapportait pas la preuve d'un fait fautif qui lui était personnellement imputable, relevant notamment que la correspondance en date du 7 décembre 1992, ne le visait pas nominativement ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen pourtant nécessaire à la solution du litige puisque la faute lourde suppose au premier chef la preuve d'un fait personnellement imputable au salarié licencié ; alors que, deuxièmement, la cour d'appel fait état de l'existence du projet de société dans les termes suivants "A cet égard, Maître Y... ès qualités, produit un projet de société dont Monsieur X... devait être Président du Conseil d'Administration avec des fonctions à la Direction Générale..." ; que par la suite, et pour débouter M. X... de son action, la cour d'appel fait état de la création d'une société concurrente dans les termes suivants : "La

Cour considère en conséquence, qu'en créant une société concurrente, Monsieur X... ne pouvait ignorer qu'il nuisait d'autant plus gravement que la société Jean Trillo était déjà en difficulté, commettant ainsi un acte de concurrence déloyale, que les premiers Juges ont exactement qualifié de faute lourde" ; que le motif tiré de la création d'une société concurrente se trouve en contradiction totale avec les précédentes constatations de la cour d'appel relevant l'existence d'un simple projet de société ; alors, selon le troisième moyen, que, premièrement, la cour d'appel a considéré "qu'en créant une société concurrente, Monsieur X... ne pouvait ignorer qu'il nuisait d'autant plus gravement que la société Jean Trillo était déjà en difficulté, commettant ainsi un acte de concurrence déloyale..." ; qu'il s'agit d'une dénaturation des faits, la cour d'appel faisant état d'une création de société alors que le projet de société produit aux débats ne revêt aucun caractère officiel, et n'a jamais fait l'objet d'une quelconque publication ; alors que, deuxièmement, la cour d'appel a jugé que "le Conseil de prud'hommes, par le jugement déféré, a caractérisé une faute grave de Monsieur X..., mais l'a débouté de toutes ses demandes, y compris la demande de congés payés ; qu'il faut en déduire que les premiers juges ont en réalité entendu retenir une faute à l'encontre de Monsieur X..." ; qu'aux termes du jugement du 12 juillet 1994, le conseil de prud'hommes n'avait effectivement caractérisé qu'une faute grave à l'encontre de M. X..., relevant "que le fait de tenter de poursuivre, de quelconque manière que ce soit, une activité concurrente à celle de son employeur pendant l'exécution de son contrat de travail, caractérise une action concurrentielle déloyale préjudiciable à l'entreprise, nécessitant la rupture immédiate du contrat de travail sans indemnité de licenciement ni de préavis ; qu'en effet, le conseil de prud'hommes n'a nullement mis en exergue une intention de nuire, caractéristique de la faute lourde ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait, en interprétant la motivation des juges de première instance, déduire qu'en réalité le conseil de prud'hommes avait entendu retenir une faute lourde à l'encontre de M. X... ; que ce faisant, la cour d'appel a dénaturé les termes du jugement du conseil de prud'hommes ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'avant la rupture du contrat de travail, la mise en oeuvre du projet, établi par le salarié, de création d'une société concurrente de celle de son employeur avait impliqué la participation et le débauchage de quatre salariés de l'entreprise et que ce projet avait été remis à une entreprise dans le dessein d'établir avec elle des relations commerciales, de sorte que l'établissement de ce projet était accompagné de manoeuvres déloyales ;

qu'elle a pu, dès lors, décider, sans encourir les griefs des moyens, qu'étaient caractérisées une intention de nuire à l'entreprise et, en conséquence, une faute lourde ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-41981
Date de la décision : 12/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale section A), 10 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 1999, pourvoi n°97-41981


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MERLIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.41981
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