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01/06/1999 | FRANCE | N°96-13994

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juin 1999, 96-13994


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Vortex, société à responsabilité limitée, dont le siège est Forum des Halles, porte Berger, 1/4, Grand Balcon, 75001 Paris,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 février 1996 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre), au profit :

1 / de Mme Jacqueline X..., demeurant ...,

2 / de la société Agrippa diffusion, société à responsabilité limitée, "Skyrock Grand Sud", dont le siège est ...,r>
3 / de la société Chérie FM (anciennement Pacific FM), dont le siège est ...,

défenderesses à la ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Vortex, société à responsabilité limitée, dont le siège est Forum des Halles, porte Berger, 1/4, Grand Balcon, 75001 Paris,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 février 1996 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre), au profit :

1 / de Mme Jacqueline X..., demeurant ...,

2 / de la société Agrippa diffusion, société à responsabilité limitée, "Skyrock Grand Sud", dont le siège est ...,

3 / de la société Chérie FM (anciennement Pacific FM), dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 avril 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Leclercq, Léonnet, Poullain, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Champalaune, M. de Monteynard, Mme Gueguen, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Vortex, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme Bach, de la société Agrippa diffusion et de la société Chérie FM, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 15 février 1996), que la société Agrippa diffusion s'est portée candidate auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la diffusion dans la zone géographique Nîmes-Alès, d'un programme radiophonique "Skyrock" édité par la société Vortex ; que le 7 décembre 1990 est intervenue, entre la société Agrippa diffusion, représentée par sa gérante Mme Bach, titulaire de 60 % des parts sociales et la société Vortex, titulaire des 40 % restants, la signature d'un contrat d'affiliation valable pour une durée de cinq ans, par lequel la première société se voyait concéder par la seconde l'exclusivité de la diffusion du programme "Skyrock" sur la zone considérée, moyennant paiement d'une redevance ;

que par lettres des 24 octobre 1994, 10 et 24 janvier 1995 la société Agrippa diffusion notifiait divers griefs à la société Vortex et la mettait en demeure de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour redresser une situation ayant conduit "à une perte d'audience catastrophique" ; que par lettre recommandée du 6 avril 1995 elle lui notifiait, en application de l'article XII b du contrat d'affiliation sa volonté de résilier ce contrat, en invoquant des manquements graves et répétés à ses obligations ; que la société Vortex a alors assigné Mme Bach, la société Agrippa diffusion ainsi que la société Pacific FM, diffuseur d'un programme Chérie FM, nouveau partenaire de la société Agrippa diffusion, pour voir déclarer la résiliation non fondée, obtenir le maintien de la diffusion du programme Skyrock et la cessation de celle du programme Chérie FM ainsi que l'allocation de dommages-intérêts pour violation de l'interdiction de concurrence prévue" par l'article X du contrat d'affiliation ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Vortex reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir dire qu'en demandant la résiliation du contrat d'affiliation, Mme Bach en sa qualité de gérante de la société Agrippa diffusion avait violé se droits d'associé, quant au respect des dispositions statutaires et d'avoir accueilli la demande de résiliation alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans la mesure où elle était tout à la fois co-associée avec Mme Bach dans la société Agrippa diffusion et co-contractant de cette société dans le contrat d'affiliation du même jour de sa constitution, et où les pouvoirs du gérant entre co-associés étaient limités par l'article 17 des statuts aux seuls actes de gestion, ne relevant ni des pouvoirs ressortant des décisions collectives tant ordinaires qu'extraordinaires, ces dernières étant même impératives pour modifier les statuts, la gérante de la société Agrippa diffusion ne pouvait en aucun cas décider unilatéralement et sans même avoir convoqué préalablement les associés d'initier la résiliation du contrat d'affiliation destiné exclusivement à la diffusion du programme Skyrock, du seul fait, constaté par l'arrêt, que l'exploitation de ce programme était intégré dans l'objet des statuts ; que l'arrêt qui a prétendu le contraire a violé la loi statutaire et, partant, l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'arrêt a violé de plus fort cette loi statutaire et plus spécialement l'article 2, dont il résulte nécessairement de ses termes clairs et précis que constituait à tout le moins l'objet principal de la société Agrippa diffusion "exploiter, gérer et développer l'affiliation au programme radio Skyrock sur la zone de diffusion légalement autorisée", la fourniture de prestations de services en matière de radios locales privées n'étant envisagée qu'accessoirement ; qu'il s'ensuivait donc que la demande de résiliation du contrat d'affiliation à ce seul programme de radio Skyrock affectait directement l'objet social de la société Agrippa diffusion en tendant à la suppression de sa finalité principale et devait ainsi être l'objet d'une décision collective extraordinaire au sens de l'article 25 des statuts ; et alors, enfin, que l'arrêt a totalement négligé de prendre en compte le fait décisif, qu'elle avait rappelé dans ses écritures, selon lequel la société Agrippa

diffusion avait été créée par les futurs co-associés dans le seul but de diffuser sur la région de Nîmes, Florac et Mende le programme Skyrock, ce pourquoi du reste avait été cosigné le même jour le contrat d'affiliation à ce programme exclusif ; qu'il en découlait que l'objet social de la société Agrippa diffusion, tel que formulé à l'article 2, devait être interprété comme ayant cette seule finalité, d'où dépendaient les prestations de services et les objets similaires ou connexes ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que selon l'article 2 des statuts de la société Agrippa diffusion, l'objet social consistait à "exploiter, gérer et développer l'affiliation au programme radio Skyrock sur la zone de diffusion légalement autorisée, fournir toutes prestations de services en matière de radios locales privées et plus généralement toutes opérations de quelque nature qu'elles soient, juridiques économiques et financières, civiles et commerciales se rattachant à l'objet sus indiqué ou à tous autres objets similaires ou connexes", la cour d'appel a constaté qu'il en résultait que l'objet social n'était pas limité à la seule exploitation du programme Skyrock, écartant par là-même l'argumentation prétendument négligée invoquée par la troisième branche du moyen et a pu décider que la résiliation du contrat d'affiliation à ce programme n'impliquait pas une modification des statuts et rentrait dans les pouvoirs de la gérante ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Vortex reproche à l'arrêt d'avoir dit que la résiliation du contrat d'affiliation était intervenue pour justes motifs et pour non-respect par elle de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article XII de ce contrat et dans les termes de le notification de cette résiliation et de l'avoir condamnée en outre à 100.000 francs de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt n'a pas suffisamment caractérisé la faute première qui lui est imputée; qu'en effet les obligations de moyens par elle contractées en vertu de l'article III du contrat d'affiliation, même si elles tendaient à "générer les meilleurs résultats sur les publics choisis", ne pouvaient être assimilées à une obligation de résultat quant au maintien ou au développement de l'audience d'écoute eu égard aux impondérables de toute stratégie ; qu'ainsi qu'il résultait des documents du débat, la baisse d'audience 1993-1994 était générale pour toutes les radios commerciales et privées et même publiques, ce qui traduisait une désaffection du public pour les radios au profit de la télévision ; que si il y a eu usure d'un concept, cette usure n'a pu être reconnue qu'après coup par son représentant qui en a alors tiré les conséquences ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134, 1184 et au besoin 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que la faute seconde qui lui est reprochée, ne pouvait être génératrice de résiliation du contrat d'affiliation, dans la mesure où le recours à la licence et à la pornographie qui ne devait faire l'objet que de deux brèves périodes de suspension du CSA sans conséquence sur la diffusion du programme Skyrock n'a jamais généré une quelconque interdiction d'émission du CSA sur le

fondement des articles 9 et 10 du cahier des charges, dans la mesure aussi où les quelques excès des opérateurs ont été aussitôt sanctionnés par elle, comme précisé dans ses écritures ; que l'arrêt a également violé les mêmes textes légaux ; et alors, enfin, que l'arrêt ne pouvait ajouter à la loi contractuelle des considérations d'ordre moral et éducatif sur les jeunes adultes de 15 à 35 ans, la finalité du contrat d'affiliation étant de tenter de satisfaire aux demandes de rêve et d'évasion de ce type de public ; qu'ainsi, la société Agrippa diffusion ne pouvait justifier d'aucun motif légitime de résiliation de ce contrat ; que l'arrêt a encore violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que dans un communiqué du 8 janvier 1993, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait "jugé d'une extrême gravité plusieurs dérives constatées dans les programmes de Skyrock et en particulier le contenu dégradant et pornographique d'émissions s'adressant en particulier à un public jeune... et relevé certains propos grandement attentatoires au respect de la dignité de la personne humaine et au respect de l'ordre public" et que la société Vortex a persévéré dans cette politique dont il est établi par témoignages et par les propos mêmes du dirigeant de la société Vortex qu'elle avait contribué à la perte d'audience de la station ; que l'arrêt retient encore que la société Vortex ne remplissait plus du fait de cette politique l'obligation mise à sa charge consistant à réaliser dans le respect du cahier des charges un programme attractif pour les jeunes de 15 à 35 ans, l'article 9 de ce cahier des charges stipulant que le titulaire doit veiller dans ses émissions au respect de la personne humaine et à la protection des enfants et des adolescents et l'article 10 interdisant de programmer des émissions contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que les manquements imputés par la société Agrippa diffusion à la société Vortex constituaient des violations du contrat d'affiliation justifiant sa résiliation ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Vortex reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts dirigée contre Mme Bach et la société Pacific FM devenue société Chérie FM alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ce qui concerne la mise hors de cause de Mme Bach personnellement, l'arrêt a perdu de vue que dans ses écritures d'appel, elle lui faisait grief d'avoir en qualité de gérante de la société Agrippa diffusion violé les articles X a et X b du contrat d'affiliation au prix d'un comportement dolosif et frauduleux traduisant un excès de pouvoir ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, en ce qui concerne la mise hors de cause de la société Pacific FM, l'arrêt qui constate que cette société était informée de la double obligation d'exclusivité et de non-concurrence pesant sur la société Agrippa diffusion et qu'elle avait néanmoins passé outre en toute connaissance de cause en traitant avec cette société en vue de la diffusion du programme Chérie FM, aurait dû nécessairement en déduire qu'elle avait commis une faute à son égard ;

que peu importait qu'elle ait été sanctionnée à plusieurs reprises par le CSA qui n'avait jamais interdit la diffusion du programme Skyrock ; que peu importait aussi que la société Agrippa diffusion ait expédié la lettre de résiliation dont l'effet n'était pas assuré en raison de l'immédiate contestation judiciaire de sa part ; que peu importait encore que le CSA ait donné autorisation de diffusion du programme Chérie FM eu égard à la réserve exprimée par son président quant à l'issue du contentieux en cours entre elle et la société Agrippa diffusion ; que peu importait que la clause d'exclusivité ne fût valable que pour la durée du contrat qui était précisément en litige ; que peu importait enfin l'ignorance de la durée de l'interdiction de non-concurrence qui était censée correspondre au moins à celle de la durée du contrat en litige ; qu'en effet si ces éléments étaient peut être de nature à éliminer le caractère intentionnel de la faute, ils ne pouvaient en aucun cas supprimer cette faute ; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 ou 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que les obligations d'exclusivité et de non-concurrence pesaient sur la société Agrippa diffusion et que la société Vortex ne peut poursuivre Mme Bach personnellement pour l'inexécution de ces obligations ; que la société Vortex n'a pas dans ses écritures d'appel, prétendu que Mme Bach avait commis une faute personnelle séparable de ses fonctions de gérante de la société Agrippa diffusion ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient par motifs adoptés, non critiqués par le pourvoi, que l'obligation d'exclusivité avait été respectée, la société Agrippa diffusion ayant diffusé le programme radiophonique Skyrock, jusqu'au terme de la mesure de préavis d'un mois suivant la résiliation du contrat d'affiliation, prévu par l'article XII b du contrat et, par motifs propres, que la société Chérie FM ignorait le maintien d'une interdiction de concurrence d'une durée de six mois après la cessation du contrat d'affiliation, dont la société Vortex ne faisait pas état dans la lettre de mise en garde qu'elle lui avait adressée ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vortex aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Vortex à payer à Mme Bach, à la société Agrippa diffusion et à la société Chérie FM, chacune, la somme de 5 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-13994
Date de la décision : 01/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (2e chambre), 15 février 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 1999, pourvoi n°96-13994


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.13994
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