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26/05/1999 | FRANCE | N°96-14675

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 1999, 96-14675


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rouen, 7 février 1996), que, par actes des 23 novembre 1987 et 30 août 1988, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Manche (la banque) a consenti à la société Chaudronnerie-Décolletage-Mécanique (société CDM) plusieurs prêts, garantis notamment par des nantissements sur matériels et par le cautionnement solidaire des époux Y... et X... ; que la société CDM a été mise en redressement judiciaire, puis a fait l'objet d'un plan de cession ; que la banque, après avoir déclarÃ

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Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rouen, 7 février 1996), que, par actes des 23 novembre 1987 et 30 août 1988, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Manche (la banque) a consenti à la société Chaudronnerie-Décolletage-Mécanique (société CDM) plusieurs prêts, garantis notamment par des nantissements sur matériels et par le cautionnement solidaire des époux Y... et X... ; que la société CDM a été mise en redressement judiciaire, puis a fait l'objet d'un plan de cession ; que la banque, après avoir déclaré sa créance, a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; que celles-ci ont résisté en invoquant l'article 2037 du Code civil ;

Attendu que les cautions reprochent à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à la banque les sommes de, respectivement, 259 241,74 francs pour MM. Y... et X..., et 1 055 314,44 francs pour les époux Y... et les époux X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'apposition d'une plaque mentionnant l'inscription sur le matériel nanti est une formalité indispensable à l'exercice par le créancier du droit de suite entre les mains du cessionnaire du matériel ; qu'en cas de cession du bien dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le droit de suite peut s'exercer à nouveau en cas d'aliénation du bien par le cessionnaire ; que l'arrêt a constaté la négligence de la banque, qui avait omis de faire apposer les plaques mentionnant son nantissement sur le matériel cédé par l'administrateur judiciaire de la société CDM ; qu'il en résultait qu'en cas d'aliénation par le cessionnaire, le droit de suite ne pourrait pas être exercé ; qu'en énonçant que cette négligence avait été sans incidence dès lors que le paiement du prix par le cessionnaire emportait légalement purge des inscriptions grevant les biens cédés, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 93 de la loi du 25 janvier 1985 et 2037 du Code civil ;

Alors, d'autre part, que la caution est déchargée chaque fois que la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'il appartient au créancier de faire toutes diligences pour assurer la conservation de la sûreté et des droits qui en résultent ; que lorsque les biens sur lesquels le créancier bénéficiait d'un nantissement ont été cédés à un tiers dans le cadre du redressement judiciaire du débiteur, le Tribunal doit affecter une quote-part du prix de cession à chacun des biens grevés du nantissement ; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que cette procédure n'a pas été respectée, de sorte que la banque, créancier nanti, n'a pas pu exercer son droit sur la quote-part du prix ; qu'en énonçant que l'inobservation de cette procédure ne peut pas être reprochée à la banque sans rechercher si celle-ci était intervenue tant auprès du Tribunal que des organes de la procédure collective pour que son droit de suite sur le prix de cession soit respecté, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 2037 du Code civil ; et, alors, enfin, que le créancier nanti dispose d'un droit sur une quote-part du prix de cession des biens grevés du nantissement ; que le défaut d'exercice de ce droit fait perdre à la caution le bénéfice de subrogation dans les droits du créancier ; que la cour d'appel, qui constatait que la procédure permettant à la banque d'obtenir une quote-part du prix de cession des biens nantis n'avait pas été respectée, ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve, se fonder sur l'absence de preuve de ce que la banque n'avait pas reçu la convocation à l'audience du Tribunal de commerce ou de ce qu'elle n'aurait pas répondu à une telle convocation pour en déduire que la perte du bénéfice du nantissement ne lui était pas imputable ; qu'en se fondant sur de tels motifs, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1315 et 2037 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le cessionnaire de l'entreprise exploitée par la société CDM avait intégralement payé le prix dès avant la date de cession, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause, le paiement complet du prix emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, ce dont il résulte que le créancier nanti perd son droit de suite, et en déduit à bon droit que l'omission des plaques litigieuses sur le matériel nanti a été sans incidence sur l'étendue des droits du créancier suceptibles de bénéficier aux cautions, qui n'ont, de ce fait, subi aucun préjudice consécutif à cette négligence ;

Attendu, en second lieu, que, s'agissant de l'absence d'exercice par la banque de ses droits sur une quote-part du prix de cession, prévus à l'article 93, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, l'article 105 du décret du 27 décembre 1985, dans sa rédaction applicable en la cause, prévoit la convocation par le greffier du Tribunal de commerce des titulaires d'une sûreté uniquement lorsque le Tribunal est appelé à se prononcer sur " le transfert d'un nantissement ", dans les conditions de l'article 93, alinéa 2, de ladite loi ; que, dès lors, il ne peut être imputé à faute à la banque, non partie à la procédure d'affectation d'une quote-part aux biens grevés d'un nantissement et de répartition des fonds, de ne pas être intervenue auprès du Tribunal ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-14675
Date de la décision : 26/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Plan de cession - Paiement complet du prix de cession - Cession comprenant des biens grevés d'un nantissement - Créancier nanti - Défaut d'apposition des plaques mentionnant le nantissement - Faute à l'égard de la caution (non).

1° En cas de cession d'une entreprise mise en redressement judiciaire, le paiement complet du prix emporte, aux termes de l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession ; le créancier nanti ayant, par conséquent, perdu son droit de suite, ne peut se voir reprocher, en application de l'article 2037 du Code civil, le défaut d'apposition sur le matériel des plaques mentionnant le nantissement, celui-ci étant sans incidence sur l'étendue de ses droits susceptibles de bénéficier à la caution.

2° CAUTIONNEMENT - Extinction - Subrogation rendue impossible par le fait du créancier - Article 2037 du Code civil - Domaine d'application - Redressement judiciaire du débiteur - Cession de l'entreprise - Cession comprenant des biens grevés de nantissement - Créancier nanti - Absence d'intervention pour faire valoir ses droits sur le prix de la cession - Effet.

2° Il ne peut non plus être imputé à faute au créancier d'avoir omis d'intervenir auprès du tribunal de commerce pour faire valoir ses droits sur une quote-part du prix de cession des biens nantis, dès lors qu'il n'est pas partie à la procédure prévue par l'article 93, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code civil 2037
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 93, al. 1
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 93, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 07 février 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 1999, pourvoi n°96-14675, Bull. civ. 1999 IV N° 112 p. 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 112 p. 91

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Graff.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, M. Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.14675
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