AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Claude X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 septembre 1995 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre), au profit de M. Patrick Y..., pris ès qualités de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ACB matériaux, domicilié ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Monod et Colin, avocat de M. X..., de Me Parmentier, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ACB matériaux (l'EURL), le liquidateur judiciaire, M. Y..., a demandé que le gérant de l'EURL, M. X..., soit condamné à la faillite personnelle et au paiement des dettes sociales en application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 182 et 188 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour prononcer la faillite personnelle de M. X..., la cour d'appel, après avoir relevé que ce dernier avait dirigé des sociétés mises en liquidation judiciaire en 1987 et constaté que, postérieurement à la liquidation judiciaire de l'EURL, le 16 juillet 1993, il avait mis fin à la location-gérance de cette société sur le fonds de commerce dont il était demeuré titulaire et avait apporté ce fonds, le 5 août 1993, par un nouveau contrat de location-gérance, à une nouvelle société, constitué et dirigée par lui, en déduit que ce dirigeant a commis l'un des actes mentionnés à l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que seuls des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective en cause peuvent justifier le prononcé d'une mesure de faillite personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer les dettes de la société pour un certain montant, l'arrêt énonce que la faute ainsi commise par ce dirigeant suffit à justifier l'action en comblement du passif ;
Attendu que la cassation encourue au titre de la faillite personnelle prive de base légale, par voie de dépendance nécessaire, la condamnation du dirigeant au paiement des dettes sociales ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y..., ès qualités, et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.