AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union de banques à Paris, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'une ordonnance rendue le 1er mars 1996 par le premier président de la cour d'appel de Paris, au profit :
1 / de M. Antoine X...,
2 / de Mme Michèle Y..., épouse X...,
demeurant ensemble ...,
3 / de la Banque de France, dont le siège est ... des Petits Champs, 75001 Paris,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mai 1999, où étaient présents : M. Laplace, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, M. Buffet, Mme Borra, MM. Séné, Etienne, Mme Bezombes, conseillers, Mme Batut, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Laplace, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de l'Union de banques à Paris, les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, et les productions, que, dans un litige opposant l'Union de banques à Paris (UBP) aux époux X..., une cour d'appel, par arrêt du 20 novembre 1992, a débouté les époux X... d'une demande de dommages-intérêts pour non-paiement d'un effet, et infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné l'UBP à leur payer, sur un autre fondement, la somme de 2 800 000 francs ; que cet arrêt a été cassé le 27 juin 1995, mais seulement du chef concernant l'effet ; que les époux X..., estimant que la cassation ainsi intervenue avait fait revivre la condamnation de l'UBP prononcée en première instance avec exécution provisoire, ont procédé à une saisie-attribution sur un compte de l'UBP pour la somme de 2 800 000 francs ; que l'UBP, invoquant les arrêts de la cour d'appel et de la Cour de Cassation rendus dans cette affaire, a saisi le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure, puis le premier président d'une demande de sursis à l'exécution du jugement frappé d'appel rejetant sa contestation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'UBP fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution du jugement alors, selon le moyen, que le rejet de la requête en interprétation de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 27 juin 1995 donnera son plein et entier effet aux dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 20 novembre 1992, relatives au rejet de la condamnation de l'UBP au paiement de la somme de 2 800 000 francs ; que l'ordonnance attaquée qui se fonde sur le maintien de cette condamnation sera donc annulée par voie de conséquence, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt de la Cour de Cassation du 12 novembre 1996, déclarant irrecevable la requête en interprétation, ne pouvait provoquer une annulation par voie de simple conséquence de l'ordonnance attaquée ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'UBP fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté la demande tendant à l'arrêt de l'exécution du jugement, alors, selon le moyen, que l'exécution provisoire d'une décision, même de droit, doit être arrêtée en cas d'erreur de droit manifeste ; que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt en date du 20 novembre 1992, a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 janvier 1991, en ce qu'il avait condamné l'UBP à payer à M. et Mme X... la somme de 2 800 000 francs ; que la cassation partielle a porté sur une autre disposition ; qu'en méconnaissant les termes des arrêts rendus dans le litige, le premier président a privé son ordonnance de base légale au regard de l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ; et qu'il lui fallait, à tout le moins, s'expliquer sur les diverses décisions intervenues dans le litige ; qu'en s'abstenant de motiver son ordonnance sur ce point, le premier président ne l'a pas suffisamment justifiée et qu'il a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en décidant de rejeter la demande de sursis à l'exécution, le premier président n'a fait qu'exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article 31 du décret du 31 juillet 1992 dans sa rédaction alors applicable, sans avoir à motiver spécialement sa décision ;
Et attendu que dans ce cas l'article 524 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner l'UBP à payer aux époux X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'ordonnance retient que l'UBP a voulu, sous couvert du sursis à l'exécution d'un jugement du juge de l'exécution qui n'avait ordonné aucune mesure, échapper à la force exécutoire du jugement de condamnation, et que cette attitude est manifestement dilatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision par laquelle le juge de l'exécution refuse de donner mainlevée d'une saisie-attribution, peut être l'objet d'un sursis à exécution, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'UBP à payer 20 000 francs aux époux X... à titre de dommages-intérêts, l'ordonnance rendue le 1er mars 1996, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.