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18/05/1999 | FRANCE | N°97-17461

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mai 1999, 97-17461


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Minco, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / la société Minco Bois, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1997 par la cour d'appel de Paris (4ème chambre civile, section A), au profit de la société M.C. France (anciennement dénommée Menuiserie Clissonnaise), société anonyme, dont le siège est ...,

défende

resse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Minco, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / la société Minco Bois, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1997 par la cour d'appel de Paris (4ème chambre civile, section A), au profit de la société M.C. France (anciennement dénommée Menuiserie Clissonnaise), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Minco et de la société Minco Bois, de la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat de la société M.C. France, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société MC France est titulaire d'un brevet n° 83 11117, déposé le 2 janvier 1983, ayant pour objet un "plot d'assemblage pour profilé d'aluminium" comportant trois revendications et d'un brevet n° 87 04188, déposé le 20 mars 1987, ayant pour objet le "montage des galets sur châssis coulissant de portes ou de fenêtres" comportant 7 revendications ; qu'elle a assigné en contrefaçon de toutes les revendications de ces deux brevets les sociétés Minco SA et Minco bois SARL (les sociétés Minco) lesquelles ont reconventionnellement demandé que soit prononcée la nullité de l'ensemble de ces revendications ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Minco reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en annulation des revendications 1, 2 et 3 du brevet 83-11.117, alors, selon le pourvoi, que ne sont pas réellement décrites, ni, par conséquent, susceptibles d'appropriation, les revendications d'un angle "de l'ordre de" 67,5 entre des plans et un axe, ledit angle étant décrit, par ailleurs, comme susceptible d'évoluer entre 45 et 90 , une distance entre un plan et un axe "sensiblement égale à la moitié de la largeur du carré de l'embase", et la description d'une "pente douce"" pour raccorder le reste de l'embase au plan d'appui de la tête surmontant celle-ci ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 612-6 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate, sur la revendication 1, que l'angle revendiqué n'est pas approximatif mais de l'ordre de 67,5 , sur la revendication 2, que l'homme du métier sait mesurer la moitié de la largeur du carré de l'embase pour disposer le repère à la bonne distance de l'axe de pivotement et, sur la revendication 3, que l'homme du métier est apte à découvrir par lui-même que la pente douce du raccordement entre le reste de l'embase et le plan d'appui de la tête rend plus aisés la pose du profilé et le mouvement de pivotement par lequel la tête vient se loger dans les bords du profilé ;

qu'ayant ainsi fait apparaître que la description, soit donne des indications de mesure sur les éléments caractérisant les revendications, soit les définit de façon suffisante pour que l'homme du métier qui en comprend le mode d'action puisse les reproduire et mettre en oeuvre l'invention, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Minco reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en annulation de la revendication 3 du brevet 83-11.117, alors, selon le pourvoi, qu'elles faisaient valoir que cette revendication, portant sur une pente douce, pour effectuer le raccordement entre les portions d'embase restantes et le plan d'appui de la tête, ne procédait d'aucune activité inventive ; que faute d'avoir répondu à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-14 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'affirmation d'une évidence, non étayée par la production de documents établissant la réalité de l'état de la technique au regard de laquelle la revendication n'aurait pas eu d'activité inventive, ne constituait pas un moyen apte à mettre en cause la validité d'un brevet ; que la cour d'appel n'avait pas lieu d'y répondre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Minco reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré valable la revendication 1 du brevet 83-11.117, alors, selon le pourvoi, que n'est brevetable que la revendication portant sur une condition qui est indispensable à la bonne marche du produit et à son utilisation industrielle ; qu'elles faisaient valoir que le brevet reconnaissait que la tête pouvait tourner, par rapport à l'embase du plot, selon un angle variable entre 45 et 90 , et que l'angle de 67,5 , présenté par le brevet comme étant prétendument l'objet de la revendication, procédait d'un choix purement arbitraire, sans conséquences techniques, et sans que le brevet justifie en quoi il aurait été meilleur que d'autres choix entre 45 et 90 ; que faute de s'expliquer sur cette circonstance, de nature à démontrer l'absence totale de brevetabilité de la revendication, par son absence de lien nécessaire avec un impératif technique quelconque, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-14 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que l'angle revendiqué est de l'orde de 67 5 et retient que les documents antérieurs ne suggéraient pas le choix d'un tel angle pour permettre, avec économie de moyens, un verrouillage efficace ; que, par ces constatations et cette appréciation souveraine, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les sociétés Minco reprochent à l'arrêt d'avoir, avant-dire droit sur l'existence d'une contrefaçon du brevet n° 93-11.117, ordonné une expertise aux fins de déterminer si les dispositifs fabriqués et commercialisés par les sociétés Minco et Minco bois présentent les revendications 1, 2 et 3 de ce brevet, et d'avoir condamné les sociétés Minco et Minco bois à payer une indemnité provisionnelle, alors, selon le pourvoi, que seul le juge peut dire le droit ; qu'en confiant à l'expert une mission tendant à lui déléguer le soin de juger s'il y avait ou non contrefaçon, la cour d'appel a gravement méconnu l'étendue et les limites de ses pouvoirs, et violé les articles 145 et 232 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le procès-verbal de saisie contrefaçon mentionne que l'angle amenant les rainures de la partie élargie de la tête et la base exactement dans les bords des rainures de la partie métallique, est d'"environ 67 degrés", tandis que le tribunal qui, tout comme la cour d'appel, avait constaté que sur les plots Minco qui lui étaient présentés que l'angle litigieux n'était pas de 67,5 mais de 60 , ce dont il avait déduit qu'il n'y avait pas contrefaçon, l'arrêt estime que devant ces éléments d'information et d'appréciation différents, la cour d'appel n'est pas en mesure de statuer sur la contrefaçon et désigne un expert, dont la mission sera de rechercher "si les dispositifs fabriqués et commercialisés par les sociétés Minco tels que décrits au procès-verbal de saisie-contrefaçon présentent les caractéristiques des revendications 1, 2 et 3 du brevet ; qu'il résulte de ces considérations que l'expert a été mandaté pour vérifier si langle des plots décrits au procès verbal est bien "de l'ordre de 67,5 ", ou s'il s'en éloigne de façon telle que les effets produits par cette caractéristique, tels qu'ils ont été énoncés par l'arrêt, n'étaient pas obtenus ; qu'une telle mission est d'ordre technique et que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés Minco reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande d'annulation des revendications 1 et 2 du brevet 87-04188 et décidé qu'elles avaient contrefait ce brevet, alors, selon le pourvoi, que les moyens et prétentions des parties s'apprécient dans le dernier état de leurs conclusions ; que dans leurs conclusions du 17 Janvier 1996, les sociétés Minco faisaient valoir que le brevet Steigerwald prévoyait un tel épaulement ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, au motif erroné que des conclusions antérieures n'auraient prêté aucune antériorité au brevet Steigerwald sur cette question de l'épaulement, la cour d'appel a, d'une part, dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, en omettant de répondre aux conclusions dont elle était saisie la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'en omettant de s'expliquer sur le moyen, tiré de ce que la nécessité d'un épaulement pour aligner le positionnement longitudinal des supports de galets, sur la surface horizontale basse d'un châssis coulissant, était évidente dans l'état de la technique, un tel alignement étant depuis toujours nécessaire, et ne témoignait d'aucune activité inventive, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 611-10 et L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt ayant examiné le bien fondé du moyen, le motif visé aux deux premières branches est surabondant et sa critique est inopérante ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a procédé à un examen motivé des documents produits, dont certains sont sans date certaine ou postérieurs au dépôt du brevet, et en a conclu qu'ils ne mettaient pas l'homme du métier sur la voie de l'invention revendiquée ;

que par cette appréciation souveraine, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, que le moyen n'est pas fondé ;

D'où il suit qu'inopérant en ses deux premières branches et non fondé en la troisième, le moyen ne peut être retenu ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que ce texte impose, lorsqu'une expertise technique apparaît nécessaire dans un litige civil en matière de brevets d'invention, au président de la juridiction saisie de consulter l'un des organismes désignés par arrêté conjoint du garde des sceaux et des ministres intéressés sur le choix de l'expert ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces jointes qu'une telle consultation ait précédé la désignation de l'expert chargé de renseigner la cour d'appel sur la configuration précise des plots argués de contrefaçon au brevet 83.11117 ; qu'ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'après avoir énoncé qu'en présence d'éléments d'information et d'appréciation divergents la cour d'appel n'était pas en mesure de statuer sur la contrefaçon du brevet n° 8311117 et ordonné une expertise pour l'éclairer en fait, l'arrêt condamne les sociétés Minco à payer une somme de 50 000 francs au titulaire du brevet, demandeur en contrefaçon, à titre d'indemnité provisionnelle ;

Attendu qu'en attribuant une provision sur la réparation d'un préjudice dont elle énonce ignorer la réalité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 610-10 et L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande de nullité des revendications 3, 4 et 5 du brevet n° 87-04188 pour défaut de nouveauté et décider qu'elles étaient contrefaites par les sociétés Minco, l'arrêt retient que ni les documents commerciaux et industriels produits, en raison de leur date ou de teneur, ni le témoignage en date du 27 juin 1994 de M. X..., administrateur de la société Métalchimex se bornant à attester l'étude du galet, la réalisation, la vente et la facturation suivant les documents susvisés ne sont de nature à établir de manière certaine la divulgation de supports de galets tels que décrits par le brevet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la lettre de M. X... du 7 mars 1992, dont les extraits cités aux conclusions des sociétés Minco mentionnaient l'identité du galet du brevet et de ceux livrés en 1977, par la société Métalchimex aux établissements Du Bois à Saint-Maur-des-Fossés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, avant dire droit sur la contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet 83 11117, il a nommé un expert pour lui fournir des renseignements techniques à ce sujet et condamné les sociétés Minco à payer à la société MC France une indemnité provisionnelle de 50 000 francs et en ce qu'il a rejeté les demandes en nullité des revendications 3, 4 et 5 du brevet n° 87 04188 et a déclaré les sociétés Minco coupables de les avoir contrefaites", l'arrêt rendu le 7 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société M.C. France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société M.C. France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


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