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11/05/1999 | FRANCE | N°97-16094

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mai 1999, 97-16094


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la compagnie Réunion européenne, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 1997 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), au profit :

1 / de la société Camom, société en non collectif, dont le siège est Centre d'Affaires de Saint-Quentin-en-Yvelines, ...,

2 / de la société Bezombes, société anonyme dont le siège est ...,

3 / de M. X..., demeurant ..., pris en

sa qualité d'administrateur de la société Bezombes,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse i...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la compagnie Réunion européenne, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 1997 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), au profit :

1 / de la société Camom, société en non collectif, dont le siège est Centre d'Affaires de Saint-Quentin-en-Yvelines, ...,

2 / de la société Bezombes, société anonyme dont le siège est ...,

3 / de M. X..., demeurant ..., pris en sa qualité d'administrateur de la société Bezombes,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la compagnie Réunion européenne, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Camom, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 1997), que la société Bezombes a assigné, en paiement de deux factures de transport d'une valeur totale de 176 202,81 francs, la société Camon ; que celle-ci, invoquant les avaries subies par du matériel volumineux au cours d'un des deux déplacements, a demandé que la société Bezombes soit condamnée à l'indemniser de son préjudice d'un montant de 579 516,94 francs et que soit opérée compensation entre les créances réciproques ; qu'appelée en cause, la société compagnie d'assurance Réunion européenne, assureur de la société Bezombes (l'assureur), a prétendu que les dommages dont la société Camon demandait réparation étaient exclus de sa garantie dès lors que le transport litigieux avait été effectué en infraction avec la législation gouvernant les transports exceptionnels ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la société Camon était recevable et fondée en sa demande, alors, selon le pourvoi d'une part, que toutes actions contre le voiturier pour avarie ou perte partielle sont éteintes par la réception des marchandises à moins qu'une protestation motivée ne soit adressée, exclusivement par lettre recommandée ou acte extrajudiciaire, par le destinataire de la marchandise au transporteur ; qu'en décidant qu'une réclamation formulée par l'expéditeur, fabricant du ballon, transmettant à la société Bezombes une simple "photocopie du téléfax reçu de la société destinataire", était régulière et permettait d'écarter toute forclusion, la cour d'appel a violé l'article 105 du Code de commerce ; et alors, d'autre part, que la lettre recommandée de réclamation du destinataire au voiturier doit constituer et contenir elle-même la "protestation motivée", la simple référence à un téléfax étant inopérante ; qu'en tenant pour conforme une lettre non motivée à laquelle était seulement jointe la "photocopie d'un téléfax", la cour d'appel a violé une seconde fois l'article 105 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que si dans ses conclusions de première instance la société Bezombes a prétendu que la société Camon "ne saurait opposer au transporteur son courrier, certes recommandé du 19 juillet 1991, en raison de l'imprécision de ses termes" il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l'arrêt que la société Bezombes et son assureur aient soutenu devant la cour d'appel que la réclamation formulée par l'expéditeur en transmettant la télécopie que lui avait adressée le destinataire le jour même de l'arrivée des marchandises pour l'informer des avaries, n'était pas susceptible de faire échec à la forclusion prévue par l'article 105 du Code de commerce ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que la lettre recommandée adressée au transporteur par la société Camon, le 17 juillet 1991, était assortie d'une télécopie provenant du destinataire qui énumérait les avaries subies par le matériel transporté, "arrachement de la tubulure plongeante A1 DN 150 avec disparition de la bride", " poinçonnage du piquage C DN 200 sur la virolle du ballon" et "arrachement et arasage par frottement des tiges filetées sur la bride de la tubulure C" ; que de ces constatations la cour d'appel a pu retenir que la protestation adressée au transporteur était motivée ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt d'avoir décidé que le transporteur était responsable du dommage subi par le matériel qui lui avait été confié, alors, selon le pourvoi d'une part, que toutes les parties reconnaissaient que le dommage avait été provoqué par la trop grande hauteur du chargement ; qu'importait peu, dès lors l'idenfication de l'obstacle dommageable ; que la cour d'appel, qui a constaté que "les détériorations ont été provoquées par le frottement du ballon par le haut" et qui a exonéré le donneur d'ordre de toute responsabilité sur le seul fondement d'un motif inopérant et de devis fournis par des tiers non présents aux débats et étrangers au transport litigieux, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du décret du 1er mars 1990, 1134 et 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, que devant la cour d'appel, l'assurée, la société Bezombes, avait fait valoir que la hauteur effective du ballon était supérieure à celle que faisait apparaître la lecture du plan fourni et à celle que l'expert avait lui-même mesurée, compte tenu des cales et des supports qui avaient dû être placés, que la hauteur réelle du ballon, non déclarée au transporteur, apparaissait comme la cause unique du dommage causé à l'objet transporté ; que la cour d'appel, en ne s'expliquant pas davantage sur les circonstances de l'accident a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du décret du 1er mars 1990, 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé justement que la société Bezombes ne pouvait s'exonérer de la responsabilité lui incombant en sa qualité de transporteur qu'en établissant la faute de l'expéditeur en relation avec le dommage, l'arrêt retient qu'en l'absence d'identification du pont au passage duquel les avaries s'étaient produites et que, faute d'avoir démontré que le plan qui lui avait été remis par l'expéditeur était d'une lecture difficile, le transporteur ne rapportait pas la preuve du lien de causalité entre la faute alléguée contre l'expéditeur et la survenance des avaries au passage sous un pont ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt d'avoir retenu la faute lourde du transporteur, alors, selon le pourvoi d'une part, qu'en déclarant que l'assureur soutenait que le non-respect de la réglementation relative aux transports exceptionnels de masse indivisible était constitutif d'une "faute lourde", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l'assureur, qui a toujours contesté l'existence, en l'espèce, d'une telle faute lourde ; qu'elle a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors d'autre part, que la faute lourde suppose, à son heure, une négligence d'une extrême gravité, confirmant et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission qu'il a acceptée ; qu'une telle faute lourde ne résulte donc que d'une faute du voiturier dans la conduite de son véhicule ; que la cour d'appel, qui n'a donné aucune indication sur les circonstances dans lesquelles s'était produit l'accident, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que le non-respect de la réglementation relative au transport exceptionnel de masses indivisibles imputable à la société Bezombes est établi par le procès-verbal qui lui a été dressé le 15 juillet 1991 et est constitutif, en l'espèce, d'une faute lourde ; qu'ainsi la cour d'appel ne s'est pas déterminée pour le seul motif que critique le moyen, lequel est donc surabondant ;

Attendu, d'autre part, qu'aux conclusions par lesquelles la société Camon soutenait que le transporteur avait commis une faute lourde, l'assureur n'a pas opposé le moyen qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de Cassation ; que ce moyen est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'assureur fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Camon la somme de 350 000 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat d'assurance impose à l'assuré, sous peine d'exclusion de sa garantie, de veiller à la sécurité et à la préservation des marchandies transportées et de "respecter les règlements relatifs à la coordination des transports" ; que la cour d'appel, qui a reconnu que le transporteur avait méconnu l'article R. 48 du Code de la route, qui ne fait que rappeler les mêmes obligations édictées en matière de transports exceptionnels, ne pouvait condamner l'assureur à garantie sans violer la loi du contrat et l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que dans ses conclusions d'appel, l'assureur avait fait valoir que l'assurée était conventionnellement obligée, à peine de nullité de l'assurance, de respecter les arrêtés préfectoraux et les itinéraires prescrits en matière de transports exceptionnels ; que, dès lors, le dommage ne se serait pas produit si la société Bezombes avait requis une autorisation administrative qui aurait imposé itinéraire et convoyage du chargement ; qu'en condamnant l'assureur sans répondre à ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que les cas de déchéance du droit à garantie sont d'interprétation restrictive, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation des clauses du contrat d'assurance, qui étaient imprécises, que l'arrêt retient que les cas de déchéance prévus par l'article 4 des conditions générales du contrat d'assurance ne concernent pas l'infraction aux dispositions de l'article R. 48 du Code de la route retenue contre le voiturier ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas de ses conclusions d'appel que l'assureur ait fait valoir que la société Bezombes était, "conventionnellement obligée, à peine de nullité de l'assurance, de respecter les arrêtés préfectoraux et les itinéraires prescrits en matière de transports exceptionnels" ;

D'où il suit que, manquant en fait en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la compagnie Réunion européenne aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la compagnie Réunion européenne à payer à la société Camom la somme de 15 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-16094
Date de la décision : 11/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), 14 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 mai. 1999, pourvoi n°97-16094


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.16094
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