La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/1999 | FRANCE | N°97-83117

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 mai 1999, 97-83117


REJET des pourvois formés par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
- le procureur général près la cour d'appel de Toulouse,
contre l'arrêt de cette cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 1997, qui a relaxé Renzo X..., Fabrizio Y..., Giuseppe Z... Renato A..., des chefs d'association de malfaiteurs, détention et transport de stupéfiants, détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, et débouté l'administration des Douanes de ses demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les m

émoires produits ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'i...

REJET des pourvois formés par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
- le procureur général près la cour d'appel de Toulouse,
contre l'arrêt de cette cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 1997, qui a relaxé Renzo X..., Fabrizio Y..., Giuseppe Z... Renato A..., des chefs d'association de malfaiteurs, détention et transport de stupéfiants, détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, et débouté l'administration des Douanes de ses demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Renzo X..., Giuseppe Z... et Renato A..., tous 3 ressortissants italiens, ont été interpellés à Narbonne au moment où ils procédaient au chargement, dans un camion immatriculé en Italie, de 471 kilogrammes de cocaïne, qui provenaient d'un stock total de 1,352 tonne livré 10 jours plus tôt, dans un château de la région de Toulouse, au moyen d'un véhicule immatriculé en Espagne ;
Que, dans le cadre de l'information suivie contre eux des chefs d'association de malfaiteurs, détention et transport de produits stupéfiants, détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, les intéressés ont soutenu qu'ils avaient été l'objet d'une opération montée de toutes pièces par l'administration des Douanes et ont présenté une requête tendant à l'annulation de la procédure, que la chambre d'accusation a rejetée par arrêt en date du 30 janvier 1996 ;
Qu'estimant que l'opération " Pégase ", dont l'existence avait été finalement reconnue à l'audience par l'Administration et le ministère public, avait, non pas révélé un trafic préexistant, mais déterminé la commission des infractions reprochées aux prévenus, les juges ont renvoyé ceux-ci des fins de la poursuite ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, présenté par l'administration des Douanes, pris de la violation de l'article 450-1 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit de trafic de stupéfiants ;
" aux motifs que, même si l'existence d'un stock de cocaïne d'une valeur considérable ne peut permettre de douter d'un support logistique et financier d'envergure, le dossier ne rapporte pas la preuve d'un réseau, autre que celui constitué par les moyens douaniers, auquel se seraient volontairement associés les prévenus, dont il n'est pas établi qu'ils se connaissaient et qui ont été pressentis par 3 personnes paraissant différentes pour participer au gardiennage, au convoyage et au transport de la drogue ;
" alors qu'aux termes de l'arrêt, il n'apparaît pas douteux que le but de l'opération était d'importer en Italie une quantité considérable de cocaïne, que Giuseppe Z... a été recruté pour assurer en France le gardiennage de ce stock de drogue, ce qu'il a fait en toute connaissance de cause, que Renato A... convient avoir eu pour rôle de convoyer une partie de ce stock de la frontière espagnole jusqu'en Italie et que Renzo X... devait transporter cette cocaïne dans le camion de fruits et légumes qu'il conduisait ; que Renato A... et Giuseppe Z... se sont auparavant rencontrés à Rome ; que, dès lors, la Cour constate que tous 3 se sont agrégés sciemment à une association délictueuse qui avait pour but le trafic de stupéfiants, cette association ayant été concrétisée par plusieurs faits matériels commis par les prévenus eux-mêmes, et notamment par le chargement de colis de cocaïne dans le camion de Renzo X... ; qu'en refusant cependant d'entrer en voie de condamnation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Attendu que, n'étant intervenue dans la procédure que pour l'application des sanctions fiscales relatives au délit de détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, sur le fondement de l'article 343-2 du Code des douanes, l'administration des Douanes est sans qualité pour contester la partie du dispositif de l'arrêt visant les dispositions relatives au délit d'association de malfaiteurs ;
Que le moyen est, dès lors, irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté par l'administration des Douanes, pris de la violation de la Convention des Nations Unies du 19 décembre 1988, publiée par le décret n° 91-271 du 8 mars 1991, des articles L. 627 du Code de la santé publique, 215, 414, 417, 336 et 337 du Code des douanes, 60, 64, 65 de l'ancien Code pénal, 122-1, 222-37 et 222-41 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit des 4 prévenus du chef de transport et détention de stupéfiants et écarté, en conséquence, l'action de l'administration des Douanes ;
" aux motifs que les prévenus ont donné des explications qui font apparaître que "leur volonté ne peut être considérée comme totalement annihilée par la provocation" (arrêt de la cour d'appel, page 22, alinéa 3) ; qu'il existe une condition de proportionnalité excluant les opérations exploratoires dans lesquelles on ne dispose pas d'éléments indiquant une activité délictueuse préexistante ; que tel est le cas des prévenus ; que cette provocation exonère ainsi les auteurs de leur responsabilité et commande leur renvoi des fins de la poursuite avec les conséquences qui en découlent pour l'action douanière et l'action civile ;
" alors que, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, la participation consciente et volontaire des prévenus aux infractions de transport et détention de stupéfiants est avérée ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations et en prononçant la relaxe, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation par refus d'application des textes visés au moyen ;
" alors que les causes d'exemption de la responsabilité pénale étant limitativement énumérées par la loi, la provocation ne saurait être un motif exonératoire de responsabilité ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a créé, de toutes pièces, une nouvelle cause d'irresponsabilité pénale violant par là même les textes visés au moyen " ;
Sur le troisième moyen de cassation, présenté par l'administration des Douanes, pris de la violation des articles 67 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit de 4 prévenus des chefs de détention et transport de stupéfiants et écarté, en conséquence, l'action de l'administration des Douanes ;
" aux motifs que l'article 67 bis du Code des douanes n'énonce pas de présomption de non-provocation et que le ministère public, juge de la légalité de l'action qu'il autorise, ne dispose, au moment où il accorde son autorisation, que d'éléments imprécis l'empêchant de s'assurer qu'il n'y aura pas de provocation ; que les prévenus ont ainsi bénéficié d'une cause d'exonération de responsabilité pénale ; qu'il existe une condition de proportionnalité excluant les opérations exploratoires dans lesquelles on ne dispose pas d'élément indiquant une activité délictueuse préexistante ;
" alors qu'aux termes de l'article 67 bis du Code des douanes, l'autorisation est donnée par le procureur de la République pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions, autrement dit dépourvus d'artifice et de stratagème ; qu'en refusant de considérer que l'autorisation ainsi donnée par le procureur de la République valait présomption de régularité de la procédure, l'arrêt a méconnu le sens et la porté de l'article 67 bis du Code des douanes ;
" alors qu'il incombe aux prévenus qui allèguent une prétendue excuse de provocation d'en faire la preuve ; qu'en déclarant que les prévenus bénéficiaient d'une cause d'exonération de leur responsabilité pénale, sans relever aucun élément de nature à l'établir, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 67 bis du Code des douanes ;
" alors que l'article 67 bis a été institué pour permettre de constater les infractions d'importation ou de détention de stupéfiants ; qu'en excluant la simple détention des prévisions de l'article 67 bis du Code des douanes, la cour d'appel a de nouveau méconnu ce texte " ;
Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation, présentés par le procureur général, pris de la violation des articles 67 bis, 215, 414, 417 du Code des douanes, 122-2, 222-37, 450-1 du Code pénal, L. 627 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, en ce que la cour d'appel a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite :
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la cour d'appel relève que ce sont des agents de l'administration des Douanes qui ont amené la cocaïne, dont l'origine n'est restée connue que d'eux, à Toulouse, dans une fourgonnette faussement immatriculée en Espagne, et l'ont entreposée dans un château loué par leurs soins, puis acheminée à Narbonne, dans un autre véhicule leur appartenant, et stockée dans un local également loué par eux ; que ce sont encore des fonctionnaires de l'administration des Douanes qui ont recruté un mois auparavant et séparément Renzo X..., Giuseppe Z..., Renato A..., leur ont fixé des rendez-vous séparés à Toulouse, Narbonne et en Espagne, et les ont réunis le 19 janvier 1994 à Narbonne pour le chargement de ce qui avait été présenté aux intéressés comme du cannabis ;
Que les juges observent encore que cette livraison contrôlée, dont la finalité reste obscure eu égard à l'importance des moyens humains, matériels et financiers mis en oeuvre et à son achèvement à ce stade des opérations, a, non pas révélé un trafic préexistant auquel se seraient associés volontairement les prévenus, aucun n'appartenant à un quelconque réseau, mais a déterminé la commission des faits reprochés à ces derniers ;
Que les juges ajoutent qu'en l'absence de concertation des prévenus sur un plan précis, aucun des prévenus ne se connaissant et chacun ayant été séparément recruté sans être informé d'un projet déterminé, le délit d'association de malfaiteurs n'est pas constitué ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; que, d'une part, l'autorisation de procéder à une livraison contrôlée ne crée pas de présomption de régularité de la procédure ; que, d'autre part, la provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale, lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, présenté par l'administration des Douanes, pris de la violation des articles L. 626 du Code de la Santé publique, 377 bis et 369-4 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas ordonné la confiscation des marchandises saisies ;
" alors que la détention de stupéfiants est illicite ; qu'il incombait à l'arrêt attaqué en tout état de cause de déclarer que les produits saisis, et pour lesquels les prévenus ne justifiaient d'aucun titre de détention régulier, étaient acquis à l'Etat par voie de confiscation ; qu'en omettant de prononcer la confiscation, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation des textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la destruction des 1 352 kilogrammes de cocaïne, saisis par procès-verbal du 19 janvier 1994, a été ordonnée, à la requête de l'administration des Douanes, par ordonnance du juge d'instruction en date du 5 juillet 1994 ; que cette destruction, au demeurant irrégulièrement décidée, fait échec à l'application des dispositions des articles 369-4 et 377 bis du Code des douanes ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83117
Date de la décision : 05/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Agent des Douanes - Pouvoirs - Livraison surveillée de produits stupéfiants - Article 67 bis du Code des douanes - Autorisation judiciaire - Portée.

RESPONSABILITE PENALE - Exonération - Provocation - Atteinte aux principes de la loyauté des preuves

L'autorisation de procéder à une livraison contrôlée prévue par l'article 67 bis du Code des douanes qui ne peut être donnée que pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions visées au 1er alinéa de ce texte, ne crée pas de présomption de régularité de la procédure. La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité exonère le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les agissements délictueux, portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves. (1)(1).


Références :

Code des douanes 67 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre correctionnelle), 30 avril 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1998-04-01, Bulletin criminel 1998, n° 124, p. 335 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1998-04-30, Bulletin criminel 1998, n° 147, p. 392 (rejet). CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-02-27, Bulletin criminel 1996, n° 93, p. 273 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 mai. 1999, pourvoi n°97-83117, Bull. crim. criminel 1999 N° 87 p. 234
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 87 p. 234

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pibouleau.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.83117
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award