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04/05/1999 | FRANCE | N°97-40547

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 1999, 97-40547


Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., engagé le 30 juin 1986 en qualité de métallier par la société Coulangeon, a été victime, le 11 juin 1993, d'un accident pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et dont, après une rechute le 4 octobre 1994, il a été déclaré consolidé le 17 février 1995 avec une reprise du travail fixée au 6 mars 1995 par la caisse primaire d'assurance maladie ; que le 6 mars 1995, le médecin du Travail l'a déclaré inapte temporaire pour deux semaines et, par second avis du 20 mars suivant, inapte définitivement

à tous les postes de l'entreprise ; qu'auparavant, le salarié a été, à pa...

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., engagé le 30 juin 1986 en qualité de métallier par la société Coulangeon, a été victime, le 11 juin 1993, d'un accident pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et dont, après une rechute le 4 octobre 1994, il a été déclaré consolidé le 17 février 1995 avec une reprise du travail fixée au 6 mars 1995 par la caisse primaire d'assurance maladie ; que le 6 mars 1995, le médecin du Travail l'a déclaré inapte temporaire pour deux semaines et, par second avis du 20 mars suivant, inapte définitivement à tous les postes de l'entreprise ; qu'auparavant, le salarié a été, à partir du 1er mars 1994, en arrêt de travail pour maladie régulièrement prolongé jusqu'au 28 février 1996 ; que le salarié, sur la base d'un certificat médical initial du 23 mars 1994, a en outre effectué, le 7 avril 1994, une déclaration de maladie professionnelle dont le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle lui a été notifié par la caisse primaire d'assurance maladie le 1er mars 1995 ; que le recours contre cette décision, exercé par le salarié le 5 avril 1995 ayant abouti le 6 juillet 1995 à la confirmation du rejet de sa demande, le salarié a saisi le 31 juillet 1995 le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que le salarié, ni reclassé dans l'entreprise ni licencié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à la condamnation de l'employeur au paiement des salaires depuis le 20 mars 1995 et des indemnités liées à la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 3 décembre 1996), d'une part, d'avoir par confirmation du jugement entrepris, dit qu'à la date du 6 mars 1995, le contrat de travail de M. X... n'était pas en période de suspension et en conséquence condamné la société Coulangeon à payer à M. X... des sommes au titre des salaires qu'il aurait dû percevoir de mars à octobre 1995, au titre des congés payés y afférents, au titre de l'indemnité légale de licenciement, et, d'autre part, d'avoir encore condamné cette société à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité en application de l'article L. 122-32-7 du Code du travail et à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen, d'une part, que les dispositions des articles L. 122-32-1 à L. 122-32-11 du Code du travail, instituant des règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne bénéficient pas aux salariés victimes d'un accident de trajet ; qu'il résulte des pièces de la procédure que le salarié n'a pas été victime d'un accident du travail mais d'un accident du trajet ; qu'en estimant néanmoins que les visites de reprise sont intervenues à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, ce dont il résulte que la situation de l'intéressé est régie par les articles L. 122-32-5 et suivants du Code du travail, la cour d'appel a dénaturé les éléments de preuve versés aux débats et violé l'article 1134 du Code civil ; d'autre part, que la société Coulangeon avait constaté dans ses conclusions que les règles protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne pouvaient s'appliquer en l'espèce, le salarié n'ayant été victime que d'un accident de trajet ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était expressément invitée si le salarié n'avait pas été victime d'un accident de trajet, à l'exclusion de tout accident de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-32-1 à L. 122-32-11 du Code du travail ; de troisième part, que le licenciement d'un salarié inapte à exercer ses fonctions est abusif, car intervenu en méconnaissance de la législation particulière applicable aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors que l'employeur a connaissance du recours formé par ce salarié contre la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de ne pas le prendre en charge au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que le salarié avait saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale le 31 juillet 1995, d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable ayant rejeté sa demande de prise en charge au titre d'une maladie professionnelle, et d'autre part, que l'employeur avait été informé de ce recours ; qu'en estimant néanmoins que la société Coulangeon aurait dû licencier son salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 122-32-5 du Code du travail ; de quatrième part, que l'absence d'une visite médicale de reprise par le médecin du Travail mettant fin à la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, rend le licenciement du salarié irrégulier ;

qu'une telle visite médicale de reprise ne peut intervenir si le salarié est toujours en arrêt maladie, même non professionnelle ; que dans une telle hypothèse, faute de visite médicale de reprise, le contrat de travail reste donc suspendu ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué, que les deux visites de reprise des 6 et 20 mars 1995, sont intervenues irrégulièrement, dès lors que le salarié était toujours en arrêt maladie ; qu'en estimant néanmoins que la société Coulangeon aurait dû licencier son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-1, L. 122-32-5, L. 122-32-6 et L. 122-32-7 du Code du travail, ensemble l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; enfin, que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a encore estimé que la société Coulangeon " ne soutient pas pour autant que le salarié fasse toujours partie de son effectif " et " qu'elle n'émet aucune critique, même subsidiaire, contre la décision des premiers juges en ce qu'elle a fixé la date de la rupture au jour de la tentative de conciliation " ; que dans ses conclusions d'appel, l'employeur avait pourtant soutenu " c'est bien à tort que le conseil de prud'hommes a considéré que M. X... n'était plus en arrêt de travail pour maladie professionnelle le 6 mars 1995 pour décider qu'il fallait le licencier à cette période pour inaptitude ", qu'il " était donc mal fondé à prononcer le licenciement pour inaptitude de M. X... au cours de la suspension de son contrat de travail ", que " la décision de licencier pour inaptitude M. X... prononcée par le conseil de prud'hommes étant mal fondée, il y a lieu d'écarter les sanctions prévues par la loi du 31 décembre 1992 ", et encore, que " la position adoptée par le conseil de prud'hommes de licencier pour inaptitude étant infondée en droit, sont dès lors infondées les condamnations au paiement des salaires de mars à octobre 1995 et à l'indemnité de licenciement " ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Coulangeon et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que le grief de dénaturation contenu dans la première branche du moyen est irrecevable en raison de son imprécision ;

Attendu, ensuite, que sous couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen en sa deuxième branche ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, des éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond qui ont constaté que l'accident dont le salarié avait été victime le 11 juin 1993 était un accident du travail ;

Attendu, encore, que la cour d'appel a constaté que les arrêts de travail délivrés au salarié à compter du 6 mars 1995, soit postérieurement au premier avis d'inaptitude délivré par le médecin du Travail, n'avaient pas pour origine une maladie professionnelle et a ainsi fait ressortir que la maladie, dont le salarié entendait faire reconnaître le caractère professionnel sur la base du certificat médical initial du 23 mars 1994, n'était pas à l'origine de la suspension du contrat de travail qui était consécutive à l'arrêt de travail pour maladie délivré le 1er mars 1994 ; qu'il en résulte que le moyen pris en sa troisième branche est inopérant ;

Et, attendu qu'il résulte notamment des articles L. 122-32-1, L. 122-32-4 et L. 122-32-5 du Code du travail que le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie jusqu'à la visite de reprise effectuée par le médecin du Travail ; qu'il en découle que la circonstance que le salarié se trouve, à l'issue de l'arrêt de travail provoqué par l'accident du travail ou la maladie professionnelle en arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, ne s'oppose pas à ce que le médecin du Travail se prononce dans le cadre de la visite de reprise telle que prévue aux trois premiers alinéas de l'article R. 241-51 du Code du travail sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait antérieurement à l'accident du travail dont il a été victime ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a exactement décidé qu'il appartenait à l'employeur, à l'issue du délai d'un mois à compter du second examen médical ayant constaté l'inaptitude du salarié à reprendre l'emploi précédemment occupé, de reprendre le paiement des salaires du salarié ni reclassé dans l'entreprise ni licencié ;

Et, attendu, enfin, qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen, la cour d'appel a exactement décidé que le manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement des salaires par application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail constituait une rupture du contrat de travail qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable et inopérant, est non fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-40547
Date de la décision : 04/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Terme - Détermination - Arrêt de travail pour maladie non professionnelle - Absence d'influence.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Maintien de la rémunération - Absence de reclassement ou de licenciement - Délai d'un mois - Point de départ.

1° La circonstance que le salarié se trouve, à l'issue de l'arrêt de travail provoqué par l'accident du travail ou la maladie professionnelle en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ne s'oppose pas à ce que le médecin du Travail se prononce dans le cadre de la visite de reprise telle que prévue aux trois premiers alinéas de l'article R. 241-51 du Code du travail sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait antérieurement à l'accident du travail dont il a été victime. Il en résulte qu'il appartient à l'employeur, à l'issue du délai d'un mois à compter du second examen médical ayant constaté l'inaptitude du salarié à reprendre l'emploi précédemment occupé, de reprendre le paiement des salaires du salarié ni reclassé dans l'entreprise ni licencié.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Délai d'un mois - Absence de reclassement ou de licenciement - Maintien de la rémunération - Obligation de l'employeur - Manquement - Effet.

2° Le manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement des salaires par application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail constitue une rupture du contrat de travail qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L122-32-5
Code du travail R241-51

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 03 décembre 1996

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1998-06-16, Bulletin 1998, V, n° 321, p. 244 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 1999, pourvoi n°97-40547, Bull. civ. 1999 V N° 185 p. 134
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 185 p. 134

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Kehrig.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Bourgeot.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.40547
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