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15/04/1999 | FRANCE | N°97-14684

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 avril 1999, 97-14684


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai 3 mars 1997), que la société de télévision Z... a diffusé, le 9 juillet 1994, dans un reportage consacré au congrès annuel de l'association X..., à Lens, les propos de Mme Charline Y... qui, parlant de la location du lieu du congrès, a déclaré : " Pour moi c'est de l'argent sale, de l'argent de la drogue. C'est comme de la drogue puisqu'une secte c'est de la drogue. La drogue on se pique physiquement, une secte c'est psychologiquement " ; qu'estimant injurieux à son égard les propos tenus par Mme Y..., l'association X... (l'association) a as

signé celle-ci devant le tribunal de grande instance de Lille,...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai 3 mars 1997), que la société de télévision Z... a diffusé, le 9 juillet 1994, dans un reportage consacré au congrès annuel de l'association X..., à Lens, les propos de Mme Charline Y... qui, parlant de la location du lieu du congrès, a déclaré : " Pour moi c'est de l'argent sale, de l'argent de la drogue. C'est comme de la drogue puisqu'une secte c'est de la drogue. La drogue on se pique physiquement, une secte c'est psychologiquement " ; qu'estimant injurieux à son égard les propos tenus par Mme Y..., l'association X... (l'association) a assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Lille, en réparation de son préjudice, par acte d'huissier du 7 octobre 1994, visant les articles 29, alinéa 2, et 33 de la loi du 29 juillet 1881, et subsidiairement l'article 1382 du Code civil ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, en raison du caractère diffamatoire des propos incriminés, alors, selon le moyen, que d'une part, constituent une injure les propos suivants, fussent-ils tenus à l'occasion d'un reportage de Z... télévision concernant " L'argent qui aurait permis " la location d'un espace : " Pour moi c'est de l'argent sale, de l'argent de la drogue. C'est comme de la drogue puisqu'une secte c'est de la drogue. La drogue on se pique physiquement, une secte c'est psychologiquement " que ce faisant, l'auteur de tels propos n'articulait aucun fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve contraire et d'un débat contradictoire, mais stigmatisait un état, celui provoqué ou engendré par la drogue : la drogue on se pique physiquement, une secte c'est psychologiquement ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Que d'autre part et en toute hypothèse, en affirmant qu'une secte c'est de la drogue, la drogue on se pique physiquement, une secte c'est psychologiquement, l'auteur de tels propos proférait une injure publique et non des faits précis, susceptibles de preuve contraire ; qu'en jugeant différemment sans faire état d'une indivisibilité de tels propos avec l'affirmation selon laquelle c'était de l'argent sale, de l'argent de la drogue, la cour d'appel n'a pas justifié légalement son arrêt au regard de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, et l'a violé ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que selon l'article 53 de la même loi, l'assignation délivrée à la requête du plaignant doit préciser et qualifier le fait invoqué et indiquer la loi applicable à la demande ;

Qu'ayant relevé que les propos incriminés ci-dessus rappelés avaient été tenus, à l'occasion d'un rassemblement à Lens regroupant plusieurs milliers d'adhérents de l'association au stade Bollaert situé dans cette localité, par Mme Y... qui, parlant du coût de location de cette importante structure et du bénéfice qui en était résulté pour la mairie de Lens avait, devant les caméras de télévision, indiqué que l'argent qui avait permis cette location était de l'argent sale, et laissé ainsi entendre que l'association utilisait tant pour se propager que pour se maintenir des moyens de recrutement et de pression répréhensibles similaires aux manoeuvres de fournisseurs de drogue, agissant en bandes organisées, à l'égard des toxicomanes qui perdent tout libre arbitre à l'occasion des agissements dont ils sont victimes, la cour d'appel a décidé, à bon droit que les propos litigieux étaient diffamatoires envers l'association ;

Qu'en retenant de plus que l'acte initial avait fixé définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification d'injures publiques au sens des articles 29, alinéa 2, et 33 de la loi du 29 juillet 1881 visés par l'assignation, et que la juridiction de jugement ne pouvant prononcer aucun changement de qualification par rapport à la loi sur la presse, l'action de l'association était prescrite, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 53 de ladite loi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'action en dommages-intérêts de l'association, alors, selon le moyen, que le fait de tenir les propos incriminés ci-dessus rappelés était de nature à établir un abus de la liberté d'expression caractérisé tout à la fois par une déformation des faits et une atteinte portée aux droits fondamentaux sur la liberté de conscience et de religion ; qu'ainsi la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1382 du Code civil et par fausse application l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la courte prescription ne peut jouer que pour l'action civile au sens strict exercée devant le juge pénal et reste étrangère à une action en responsabilité exercée devant le juge civil et fondée sur une faute tirée d'un abus de droit ; qu'en déclarant la demande irrecevable, la cour d'appel a violé les textes précités ;

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement qu'en édictant le principe général suivant lequel l'action en responsabilité civile, fondée sur une faute constitutive d'une infraction pénale se prescrit selon les règles du droit civil, l'article 10, alinéa 1er, du Code de procédure pénale a laissé subsister les dispositions spéciales de l'article 65 de la loi sur la presse prévoyant une prescription de trois mois pour l'action devant la juridiction civile en réparation d'un dommage causé par une infraction prévue par cette loi ; qu'ayant à bon droit retenu que les faits dénoncés relevaient des seules dispositions de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action fondée sur l'article 1382 du Code civil n'était pas distincte de l'action en diffamation déclarée prescrite, et ne pouvait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 97-14684
Date de la décision : 15/04/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° DIFFAMATION ET INJURES - Injures - Injures publiques - Action civile - Exercice - Assignation - Qualification des faits - Requalification - Pouvoirs des juges.

1° POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Diffamation et injures - Assignation - Qualification des faits - Requalification (non).

1° Une cour d'appel, qui relève que des propos, tenus devant une caméra de télévision à l'occasion d'un rassemblement de plusieurs milliers d'adhérents d'une association, qui indiquent que l'argent ayant servi à la location de la salle où se réunit le congrès annuel de l'association, est de l'argent " sale " et qui laissent ainsi entendre que l'association utilise des moyens répréhensibles pour recruter ses membres et faire pression sur eux, similaires à ceux employés par les fournisseurs de drogue, décide à bon droit que ces propos sont diffamatoires envers l'association. Fait une exacte application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 l'arrêt qui, retenant ensuite que l'acte initial fixe définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification d'injures publiques et que la juridiction de jugement ne peut prononcer aucun changement de qualification par rapport à la loi sur la presse, décide que l'action de l'association est prescrite.

2° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action en justice - Demande fondée sur l'article 1382 du Code civil.

2° Les faits dénoncés relevant des seules dispositions de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel en déduit exactement que l'action de l'association subsidiairement fondée sur l'article 1382 du Code civil n'est pas distincte de l'action en diffamation déclarée prescrite et ne peut être accueillie.


Références :

1° :
2° :
2° :
Code civil 1382
Loi du 29 juillet 1881
Loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 03 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 avr. 1999, pourvoi n°97-14684, Bull. civ. 1999 II N° 73 p. 53
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 II N° 73 p. 53

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : M. Blondel, la SCP Monod et Colin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.14684
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