AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Georges Y..., demeurant Bonson, 06830 Gilette,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre civile), au profit :
1 / de Mme Marie Joséphine A..., veuve Z..., exerçant la profession de menuisier à l'enseigne Etablissements Z... et fils, domiciliée ...,
2 / de M. Jean-Marie X..., demeurant quartier Le Barbant, 06830 Bonson,
3 / de Mme Antoinette B..., épouse X..., demeurant quartier Le Barbant, 06830 Bonson,
4 / de la compagnie La Bâloise France, dont le siège est ...,
5 / de la compagnie Axa assurances, dont le siège est La Grande Arche, Paroi Nord, 92044 Paris-La Défense,
6 / de M. Paul Z..., intervenant volontaire,
défendeurs à la cassation ;
La compagnie La Bâloise France a formé, par un mémoire déposé au greffe le 12 décembre 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mars 1999, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Mme Lardet, conseillers, M. Nivôse, Mme Boulanger, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la compagnie La Bâloise France, de Me Le Prado, avocat des époux X..., de Me de Nervo, avocat de Mme A..., veuve Z..., et de M. Paul Z..., de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la compagnie Axa assurances, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 1996), que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont chargé M. Y..., entrepreneur, assuré par la compagnie La Bâloise, de la construction d'une maison, dont les poutres de bois ont été fabriquées et fournies par la société des Etablissements
Z...
(société Z...), assurée par la société La Paternelle, devenue Axa assurances ; que des désordres étant apparus, les époux X... ont assigné en réparation M. Y..., qui a appelé en garantie la société Z... ;
Attendu que M. Y... et la compagnie La Bâloise font grief à l'arrêt de rejeter cette demande en garantie, alors, selon le moyen, "1 ) que M. Y... faisait valoir sans être démenti qu'il n'avait pas acheté à son fournisseur du bois brut qu'il s'engageait à tailler et traiter lui-même mais bien des poutres en chêne, ce qui impliquait qu'il s'agissait d'éléments préfabriqués qu'il n'avait plus qu'à mettre en place ; qu'ainsi, en déchargeant le fournisseur de toute responsabilité au motif que le traitement variant selon l'usage auquel sont destinés les bois, il n'était pas possible de lui imposer une obligation de principe, et ce, sans même répondre à ce moyen ni rechercher si, en l'espèce, le fournisseur, qui avait livré des poutres et non pas du bois brut, n'aurait pas dû procéder au traitement qu'un simple entrepreneur de maçonnerie ne pouvait d'ailleurs réaliser lui-même vu sa complexité, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) que s'il est exact que l'expert avait relevé dans son rapport que M. Y... avait déclaré savoir que le bois n'était pas traité et l'avoir badigeonné au Xylophène, il avait également souligné qu'il n'était pas censé être un spécialiste de la matière bois, ce qui n'était pas le cas du fournisseur qui connaissait l'utilisation du matériau livré ; qu'ainsi, en ne retenant qu'une partie des conclusions expertales pour imputer à M. Y... l'entière responsabilité du sinistre, la cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert et violé l'article 1134 du Code civil ; 3 ) que la cour d'appel reconnaît elle-même que la responsabilité du fournisseur peut être retenue à raison d'un manquement à son obligation de conseil, si bien qu'elle aurait dû, en la présente espèce, rechercher si le fournisseur rapportait la preuve de ce qu'il avait informé M. Y... de la nécessité de traiter de façon spéciale les bois livrés compte tenu de l'utilisation des poutres qu'il connaissait ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point et de relever que le fournisseur avait bien satisfait à son obligation de conseil, la cour d'appel a, une fois encore, violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les poutres, taillées à la mesure pour satisfaire aux besoins de la construction, n'étaient pas des éléments pouvant entraîner une responsabilité solidaire et constaté que M. Y... savait que les bois qu'il avait achetés n'avaient pas été traités en raison d'un fort pourcentage d'humidité, qu'il aurait dû prendre en compte sans se contenter d'un simple badigeonnage, alors que la nécessité du traitement du bois résulte de document technique unifié (DTU) que l'entrepreneur est censé connaître, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans dénaturation du rapport d'expertise, que la société Z..., fournisseur auquel il n'est pas possible d'imposer une obligation de principe quant au traitement des bois variant suivant l'usage auquel ils sont destinés, n'avait pas commis de faute à raison de vice des matériaux, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que la compagnie La Bâloise fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande des maîtres de l'ouvrage et l'appel en garantie de M. Y... à son égard, alors, selon le moyen, "qu'il résulte de l'article 5.2 des conditions spéciales "que sont toujours exclus des garanties complémentaires (...) les dommages résultant :
(...) d'attaques, par insectes ou champignons, des bois auxquels il n'a pas été appliqué un traitement préventif en conformité avec les spécificités des DTU concernés" ; qu'en condamnant la compagnie La Bâloise à relever et garantir M. Y... de la condamnation au paiement de la somme de 118 983,05 francs pour les dommages causés par le défaut de traitement des bois conformément aux prescriptions des DTU, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1792, 1792-2 et 1792-6 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la police responsabilité décennale obligeait l'assureur au paiement des travaux de réparation des désordres décennaux causés à l'ouvrage par les insectes, dont il est indifférent qu'ils fussent exclus des garanties contractuelles complémentaires, la cour d'appel a pu en déduire que la compagnie La Bâloise devait être condamnée à garantir M. Y... au titre des travaux de remise en état de l'ouvrage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne, ensemble, M. Y... et la compagnie La Bâloise aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, M. Y... et la compagnie La Bâloise, à payer la somme de 9 000 francs à Mme Z... et la même somme à la compagnie Axa assurances ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Paul Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.