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07/04/1999 | FRANCE | N°98-83770

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1999, 98-83770


REJET au pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, du 11 mars 1998, qui, pour tromperie, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et a ordonné une mesure de publication.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 212-1, L. 213-1, L. 213-2, L. 215-5, L. 215-6, L. 215-18, L. 221-1 du Code de la consommation, de l'ensemble des dispositions du décret du 12 septembre 1989 et de ses annexes 2 et 3, du décret du 6 septembre 1996 ayant modifié l'article 2 du décret du 12

septembre 1989, des articles 30 et 36 du Traité du 25 mars 1957 ayant in...

REJET au pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, du 11 mars 1998, qui, pour tromperie, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et a ordonné une mesure de publication.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 212-1, L. 213-1, L. 213-2, L. 215-5, L. 215-6, L. 215-18, L. 221-1 du Code de la consommation, de l'ensemble des dispositions du décret du 12 septembre 1989 et de ses annexes 2 et 3, du décret du 6 septembre 1996 ayant modifié l'article 2 du décret du 12 septembre 1989, des articles 30 et 36 du Traité du 25 mars 1957 ayant institué la CEE, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le gérant (Joseph X..., le demandeur) d'une société coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles ainsi que sur les risques inhérents à l'utilisation et à la commercialisation d'un jouet non conforme et dangereux, et, en répression, l'a condamné à une peine de 30 000 francs d'amende et à la publication de la décision dans un journal local ;
" aux motifs que, le 21 novembre 1995, des fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes avaient procédé à la saisie de 3 échantillons d'une poussette-canne vendue dans le magasin exploité par la société dont le prévenu était le gérant ; que ce jouet, acquis auprès de la société belge Mosa-Toys mais importé de Chine, comportait une étiquette avec les mentions "CE", "ne convient pas aux enfants de moins de 3 ans petits éléments détachables informations à conserver" ; qu'une autre étiquette précisait "ne pas s'asseoir les parents doivent veiller à la mise en place du ou des dispositifs de blocage attention aux risques de pincements lors des opérations de pliage et de dépliage" ; que les essais effectués par le laboratoire interrégional de la répression des fraudes de Marseille avaient révélé le caractère dangereux de ce produit et sa non-conformité à la norme NF EN 71-1 d'avril 1989 en raison des risques inacceptables de coincement ou d'écrasement des doigts et de suffocation présentés par le sachet d'emballage ; que le demandeur soutenait qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la conformité d'un produit estampillé "CE" ; qu'il admettait toutefois n'avoir procédé à aucune vérification du produit et avoir ignoré non seulement la teneur de la norme NF EN 71-1 mais encore l'existence même de celle-ci ; que cette norme, définissant les jouets, "stipulait" qu'elle concernait tout produit ou matériel conçu ou manifestement destiné à être utilisé à des fins de jeu par des enfants d'un âge inférieur à 14 ans ; qu'il n'était pas contesté, au vu des essais réalisés, que la poussette litigieuse pouvait être employée par des enfants d'un poids supérieur à 10 kg, avec des risques de pliage ou d'affaissement soudain, procurant à ce produit un caractère dangereux dans l'hypothèse non négligeable et même prévisible où un enfant de ce poids s'assiérait dedans ; qu'elle présentait encore des risques de coincement des doigts et de suffocation en cas de maniement par un enfant du sac plastique qui servait d'emballage ; que, sur l'imputabilité de l'infraction, seul élément contesté, il était reconnu que le demandeur, qui ignorait l'existence de cette norme, n'avait pas procédé à la moindre démarche pour s'assurer de la conformité de ce jouet aux normes en vigueur en matière de sécurité, ne sollicitant de son fournisseur que postérieurement au contrôle un rapport d'essais concluant au demeurant que l'échantillon n'était pas conforme ; qu'il importait peu que ce produit eût comporté le sigle "CE" ou diverses étiquettes relatives aux dangers que son usage présentait pour des enfants d'un âge inférieur à 36 mois dans la mesure où il lui appartenait personnellement, en qualité d'importateur et d'auteur de la première mise en circulation sur le marché national, de veiller à la conformité de cette marchandise aux prescriptions en vigueur, fût-ce au moyen d'un contrôle par sondage ; qu'ainsi, en garantissant aux clients, par cet étiquetage, le respect de la réglementation dans le domaine capital de la sécurité, bien qu'il se fût abstenu de toute vérification et que le jouet vendu présentât des risques de danger lors de son utilisation, il ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi ;
" alors que, d'une part, l'article L. 212-1 du Code de la consommation, disposition imposant au responsable de la première mise en circulation sur le marché national de vérifier, sous peine d'engager sa responsabilité pénale, la conformité du produit aux prescriptions en vigueur sur ce marché et relatives notamment à la sécurité et à la santé des personnes, n'est compatible avec les articles 30 et 36 du Traité de la CEE qu'à la condition que son application au produit fabriqué dans un autre Etat membre ne soit pas assortie d'exigences qui dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, compte tenu de l'importance de l'intérêt général en cause et des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur conformément au principe de proportionnalité ; qu'il en résulte que lors de la mise en vente du produit, l'importateur doit pouvoir se fier aux certificats délivrés par les autorités de l'Etat membre de production ou par un laboratoire reconnu à cet effet par cette autorité ou, si la législation de cet Etat n'impose pas la production de tels certificats, à d'autres attestations présentant un degré de garantie analogue ; qu'en conséquence, le demandeur, importateur français d'un jouet comportant le marquage "CE", certificat délivré par un organisme agréé par le pays exportateur membre de la CEE (la Belgique), n'avait pas à vérifier la conformité d'un produit revêtu d'une telle estampille ;
" alors que, de deuxième part, selon l'article 2 du décret du 12 septembre 1989, disposition concernant spécialement les jouets, modifié par le décret du 6 septembre 1996, purement interprétatif, et en tout état de cause d'application rétroactive puisque plus favorable au prévenu, les jouets qui sont revêtus du marquage "CE" sont présumés conformes à l'ensemble des dispositions du présent décret et réputés satisfaire aux procédures d'évaluation de la conformité définies aux articles 3 et 5 " ; que le demandeur n'avait donc pas à vérifier la conformité d'un jouet muni du marquage "CE", en sorte que la cour d'appel ne pouvait déclarer sa responsabilité pénale engagée du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la chose pour n'avoir pas effectué ce contrôle ;
" alors que, de troisième part, les dispositions du décret du 12 septembre 1989, s'appliquant tout spécialement aux jouets, et ses annexes 2 et 3, qui se rapportent effectivement à ceux pouvant être utilisés par des enfants de moins de 14 ans, contiennent des dispositions différentes selon l'âge des enfants et n'interdisent nullement la fabrication et la commercialisation de jouets susceptibles d'être dangereux pour des enfants de moins de 3 ans ; qu'en son article 1 l'annexe 2 précise la nécessité d'indiquer un âge minimum pour les utilisateurs des jouets ou de s'assurer qu'ils sont utilisés uniquement sous la surveillance d'un adulte, tandis que l'annexe 3 exige que les jouets non destinés aux enfants de moins de 36 mois et qui pourraient être dangereux pour eux portent un avertissement comme par exemple l'inscription "ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois" ou "de moins de 3 ans", complétée par une indication concise pouvant également résulter de la notice d'emploi des risques spécifiques motivant cette exclusion ; qu'en l'espèce, le rapport d'essais versé aux débats par le demandeur émanant de son fournisseur précisait bien que le jouet était conforme aux exigences de sécurité à la seule condition qu'il ne fût pas utilisé par des enfants de moins de 3 ans et rappelait par ailleurs la nécessité de le spécifier dessus, ce qui avait été fait comme l'ont constaté les juges du fond ; que, pour retenir le demandeur dans les liens de la prévention, la cour d'appel ne pouvait donc lui faire grief d'avoir versé aux débats un rapport d'essais concluant que l'échantillon n'était pas conforme, bien que ce rapport eût indiqué qu'il ne l'était pas pour des enfants de moins de 36 mois, et considérer qu'il importait peu que le produit eût comporté, outre le sigle "CE", diverses étiquettes relatives aux dangers que son usage présentait pour des enfants d'un âge inférieur à 3 ans ;
" alors que, enfin, la négligence et le défaut de contrôle ne sont pas assimilables à la faute intentionnelle, et l'élément moral de l'infraction est absent lorsque les risques sont portés à la connaissance des acquéreurs éventuels ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer que l'élément moral de l'infraction était constitué du seul fait que le demandeur avait omis de procéder à des vérifications pour s'assurer que le jouet ne présentait pas de risque de danger lors de son utilisation, tout en constatant que le produit mis en vente comportait non seulement la mention selon laquelle il ne convenait pas aux enfants de moins de 3 ans à raison de l'existence de petits éléments détachables, mais également celle qu'il ne fallait pas s'asseoir dessus et que les parents devaient veiller à la mise en place du ou des dispositifs de blocage à raison d'un risque de pincement lors des opérations de pliage et de dépliage " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une société, exploitant un fonds de commerce de détail, a présenté à la vente des jouets à usage de poussette-canne pliante pour poupées, importés de Chine par un fournisseur belge ; que les articles étaient revêtus du marquage " CE " accompagné de la mention " ne convient pas aux enfants de moins de 3 ans petits éléments détachables " et comportaient, sur une autre étiquette, l'avertissement " ne pas s'asseoir. Les parents doivent veiller à la mise en place du ou des dispositifs de blocage. Attention aux risques de pincements lors des opérations de pliage et de dépliage " ; que Joseph X..., dirigeant de la société, est poursuivi pour avoir trompé la clientèle sur l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de ces jouets, en raison de leur non-conformité aux normes et de leur caractère dangereux ;
Que le prévenu a fait valoir, pour sa défense, qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la conformité du produit provenant d'un Etat membre de la Communauté européenne revêtu du marquage " CE " ;
Attendu que, pour le déclarer coupable du délit, les juges d'appel relèvent que la poussette incriminée, dépourvue de butée de sécurité ou de dispositif de verrouillage, en méconnaissance de la norme applicable à tous les jouets destinés aux enfants de moins de 14 ans, présente un risque de pliage ou d'affaissement soudain en cas de charge supérieure à 10 kilogrammes ; qu'ils ajoutent que l'utilisation de ce jouet ou de son emballage offre un risque de coincement des doigts ou d'étouffement ;
Que la cour d'appel énonce que le prévenu n'a procédé à aucune démarche pour s'assurer de la conformité du produit aux normes applicables en matière de sécurité ; qu'elle retient qu'il n'importe que le sigle " CE " ait été apposé sur le jouet dès lors qu'il incombait personnellement au prévenu, responsable de la première mise sur le marché national, de veiller à la conformité de la marchandise aux prescriptions en vigueur ; que les juges ajoutent qu'en garantissant, par l'étiquetage, la conformité du produit à la réglementation en matière de sécurité, alors qu'il s'était abstenu de toute vérification du jouet qui présentait en réalité un danger, le prévenu ne saurait se prévaloir de sa bonne foi ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 212-1 du Code de la consommation et du décret du 12 septembre 1989 relatif à la prévention des risques résultant de l'usage des jouets ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche comme nouveau et mélangé de fait, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-83770
Date de la décision : 07/04/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués - Eléments constitutifs - Elément matériel - Vendeur de jouets - Défaut de vérification des produits mis en vente - Marquage de conformité de jouets en provenance d'un Etat membre de la Communauté européenne.

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués - Marchandises - Défaut de vérification des produits mis en vente - Marquage de conformité de jouets en provenance d'un Etat membre de la Communauté européenne

La mise en vente de jouets revêtus du marquage communautaire de conformité, alors qu'ils ne satisfont pas aux normes de sécurité applicables et présentent un caractère dangereux, caractérise l'élément matériel du délit de tromperie. Il incombe au vendeur de s'assurer de la conformité de la marchandise aux prescriptions relatives notamment à la sécurité des personnes. Justifie ainsi sa décision, la cour d'appel, qui, pour retenir le délit de tromperie à la charge du vendeur de jouets non conformes, importés de Chine par un fournisseur belge, énonce qu'il n'importe que le sigle " CE " ait été apposé en Belgique. (1).


Références :

Code de la consommation L212-1
Décret 89-662 du 12 septembre 1989, annexes 2, 3
Décret 89-662 du 12 septembre 1989, art. 2
Décret 96-796 du 06 septembre 1996)

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 11 mars 1998

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1999-03-09, Bulletin criminel 1999, n° 33, p. 75 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1999, pourvoi n°98-83770, Bull. crim. criminel 1999 N° 72 p. 200
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 72 p. 200

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.83770
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