Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Ricard (la société) a, le 20 janvier 1995, réclamé une certaine somme à titre " d'indemnité compensatoire " correspondant au montant des cotisations sur les boissons alcooliques qu'elle avait indûment versées pour les livraisons gratuites au titre des années 1983 et 1984, ainsi qu'aux intérêts moratoires courus jusqu'au 31 décembre 1994 ; que cette réclamation ayant été rejetée, la société Ricard a assigné le secrétaire d'Etat au Budget pour qu'il soit condamné à lui verser la somme réclamée ; que cette demande a été rejetée ;
Attendu que la société reproche au jugement d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que la décision juridictionnelle exigée par l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales doit, dans les matières soumises à la compétence de l'ordre judiciaire, avoir été rendue par la Cour de Cassation ; qu'en considérant que l'arrêt rendu le 24 juin 1994 par le Conseil d'Etat constituait la décision juridictionnelle exigée par ce texte, le Tribunal l'a violé par fausse application ; et alors, d'autre part, que la non-conformité entre règles de droit exigée par l'article L. 190, alinéa 2, du même Code doit être une non-conformité entre une règle de droit interne et une règle de droit international ; qu'en jugeant que cette non-conformité pouvait concerner deux normes de droit interne entre elles, le Tribunal a derechef violé par fausse application le texte susvisé ;
Mais attendu, d'une part, que le jugement a justement retenu que l'arrêt rendu le 24 juin 1994 par le Conseil d'Etat constituait la décision juridictionnelle exigée par l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales ;
Attendu, d'autre part, que l'alinéa 2 de ce texte concerne les demandes de restitution fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure ; qu'il s'ensuit que le jugement a décidé à bon droit que cette non-conformité pouvait concerner deux normes respectives de droit interne ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 190, 3e alinéa, du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Ricard, le jugement déclare que l'action formée dans le délai ouvert par " l'événement " constitué par l'arrêt du Conseil d'Etat du 25 mars 1994 annulant la disposition de l'instruction ministérielle du 17 mars 1983 sur le fondement de laquelle avaient été effectués les versements indus, ne peut tendre qu'à la réparation du préjudice subi durant la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où cette décision a été rendue ;
Attendu qu'en opposant la limitation temporelle du préjudice réparable posée par l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales à l'auteur du recours en excès de pouvoir à l'origine de l'arrêt d'annulation de l'instruction ministérielle dont l'application lui avait causé le dommage dont il demandait réparation sans vérifier si ce recours avait été formé dans le délai ouvert pour l'action fiscale, auquel cas il aurait interrompu la prescription à son égard, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement n° 95/15737 rendu le 18 décembre 1996, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Créteil.