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06/04/1999 | FRANCE | N°96-17332

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 avril 1999, 96-17332


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société ACBS a, en vue du règlement d'une vente de matériel, tiré quatre lettres de change sur M. X..., qui les a acceptées ; qu'elle a ensuite cédé, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981, sa créance contre M. X... à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan, puis a endossé au profit de cet établissement les lettres de change ; qu'assigné en paiement de ces effets par la banque, M. X... a prétendu pouvoir lui opposer l'exception résultant de la résiliation amiable de la vente, convenue avec la société ACBS,

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société ACBS a, en vue du règlement d'une vente de matériel, tiré quatre lettres de change sur M. X..., qui les a acceptées ; qu'elle a ensuite cédé, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981, sa créance contre M. X... à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan, puis a endossé au profit de cet établissement les lettres de change ; qu'assigné en paiement de ces effets par la banque, M. X... a prétendu pouvoir lui opposer l'exception résultant de la résiliation amiable de la vente, convenue avec la société ACBS, en invoquant la nullité de l'endossement des lettres de change pour être intervenu alors que la société les ayant émises avait perdu la qualité de créancière par la cession de créance antérieure ; qu'il a, subsidairement, soutenu que la banque était de mauvaise foi lors de cet endossement, dès lors qu'elle disposait déjà d'un titre de cession pour la même créance ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'endossement d'une lettre de change n'est valable qu'autant que le tireur est toujours propriétaire de la provision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'endossement des quatre traites émises par M. X... au profit de la société ACBS en paiement du prix d'un matériel agricole que lui avait vendu cette société avait eu lieu postérieurement à la cession de la créance de la société ACBS dans les termes de loi dite Dailly au Crédit agricole, donc à un moment où cette société n'était plus propriétaire de la provision ; que l'endossement des traites par la société ACBS au profit du Crédit agricole était donc nul ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du Code de commerce ; alors, d'autre part, que le tiers porteur de mauvaise foi ne peut se prévaloir du principe de l'inopposabilité des exceptions ; qu'il en est ainsi lorsque celui-ci accepte deux titres successifs pour une créance unique ; qu'en l'espèce le Crédit agricole savait ou devait savoir, au moment de l'endossement des quatre lettres de change, que la provision de ces traites lui avait déjà été transmise par bordereau Dailly de sorte que cette banque ne pouvait ignorer qu'elle n'avait pas le droit de se donner un second titre ; que le Crédit agricole était donc un tiers porteur de mauvaise foi à l'encontre duquel M. X... pouvait opposer les exceptions qu'il pouvait opposer au tireur, notamment l'exception de résolution de la vente ; qu'en ne recherchant pas si, indépendamment du refus de M. X... d'accepter la cession de créance, le Crédit agricole n'avait pas agi de mauvaise foi en acceptant deux titres successifs pour une même créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ;

Et alors, enfin, qu'en toute hypothèse la cour d'appel a constaté que M. X... s'était refusé à signer l'acte d'acceptation de la cession de créance entre la société ACBS et le Crédit agricole ; que, du fait de ce refus de M. X... d'accepter la cession, le Crédit agricole ne pouvait donc plus ignorer dès ce moment qu'il existait un risque d'exception ; qu'ainsi en ne recherchant pas si, lors de l'endossement des lettres de change, le Crédit agricole n'avait pas connaissance de ce que le matériel agricole livré par la société ACBS ne donnait pas satisfaction à M. X... et qu'il en résultait un risque de résolution de la convention de sorte que cette banque était un porteur de mauvaise foi à l'encontre de laquelle l'exception de résolution de la vente pouvait être opposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que dès lors qu'au jour de la création des effets litigieux la société émettrice était encore titulaire de sa créance sur le tiré, qu'elle n'avait pas encore cédée, et qu'ils ont été acceptés par le tiré, l'endossement de ces effets à l'ordre de la banque permet à celle-ci de bénéficier de l'inopposabilité cambiaire des exceptions, bien que ce transfert ait été postérieur à une cession de la même créance, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981, au profit de la même banque ; que la cour d'appel a jugé, à bon droit, en ce sens ;

Attendu, en second lieu, que dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. X... s'est borné, à l'appui de sa prétention de la mauvaise foi de la banque lors de l'endossement, à soutenir que celle-ci résultait de la seule antériorité de la cession de créance au profit du même établissement ; que faute par lui d'avoir proposé d'établir que, lors de l'endossement, la banque savait que la provision des effets ne serait pas constituée à leurs échéances et qu'ainsi elle avait conscience, à ce moment, de l'empêcher de se prévaloir des exceptions tirées de ses rapports personnels avec son fournisseur, il ne peut utilement faire grief à l'arrêt d'avoir écarté sa prétention ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt condamne M. X..., pour résistance abusive, à payer des dommages-intérêts pour un montant de 3 000 francs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute de M. X... dans son droit d'ester en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer la somme de 3 000 francs pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 26 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société CRCAM de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-17332
Date de la décision : 06/04/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Endossement - Effets - Bénéfice de l'inopposabilité des exceptions - Transfert à l'endossataire - Cession de la créance antérieure à l'endossement - Portée .

Dès lors qu'au jour de la création d'effets, la société qui les a émis est encore titulaire, sur le tiré, de sa créance qu'elle n'a pas encore cédée, et dès lors qu'ils ont été acceptés par le tiré, l'endossement de ces effets à l'ordre de la banque permet à celle-ci de bénéficier de l'inopposabilité cambiaire des exceptions, bien que ce transfert ait été postérieur à une cession de la même créance, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981, au profit de la même banque.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 26 mars 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 avr. 1999, pourvoi n°96-17332, Bull. civ. 1999 IV N° 80 p. 65
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 80 p. 65

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Leclercq, conseiller le plus ancien faisant fonction et rapporteur.
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Président : M. Leclercq, conseiller le plus ancien faisant fonction et rapporteur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gatineau, M. Copper-Royer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.17332
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