AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Z..., domicilié clinique de Chevreuse, route de Choisel, 78460 Chevreuse,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 janvier 1997 par la cour d'appel de Rennes (1e chambre, section A), au profit :
1 / de Mme Nicole X... épouse Z..., demeurant ...,
2 / de M. Bernard Y..., demeurant 218, place de la République, 44150 Ancenis,
défendeurs à la cassation ;
M. Y... a formé, par un mémoire déposé au greffe le 20 novembre 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 février 1999, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Boulanger, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Villien, Cachelot, Martin, Mlle Lardet, conseillers, M. Nivôse, conseiller référendaire, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Boulanger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. Z..., de la SCP Peignot et Garreau, avocat de Mme X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 janvier 1997), que le 15 avril 1991, le groupement foncier agricole "Les Essarts" a vendu diverses parcelles de vignes ; que le 14 mai 1991, le Groupement forestier des Essarts (le GF) a vendu une parcelle de bois et que, le 27 mai 1992, la société civile immobilière les Essarts (la SCI) a vendu une maison d'habitation ; que les trois actes ont été passés par M. Z..., agissant en qualité de gérant de chacun des groupements et de la SCI, par devant M. Y..., notaire ; que Mme X..., épouse Z..., titulaire de parts dans les deux groupements et dans la SCI, a assigné M. Z... et M. Y... en dommages-intérêts en invoquant l'irrégularité des ventes ;
Attendu que M. Z... et M. Y... font grief à l'arrêt de déclarer les deux ventes consenties le 14 mai 1991 et le 27 mai 1992 irrégulières et de les condamner à payer à Mme X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, "1 que le gérant d'un groupement forestier qui peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société, est en droit, sauf stipulation contraire des statuts, de procéder à des aliénations immobilières ; qu'en décidant, néanmoins, que M. Z... n'était pas en droit, en sa qualité de gérant du GF des Essarts, de procéder à des aliénations immobilières, sans constater que les statuts auraient limité ses pouvoirs sur ce point, la cour d'appel a violé les articles L. 241-2 du Code forestier et 1848 du Code civil ; 2 ) qu'aux termes de l'article 16 des statuts de la société civile particulière GF des Essarts, le gérant a tout pouvoir pour accomplir les actes de gestion intéressant le groupement ; que ces actes de gestion incluent les actes de disposition ; que d'ailleurs, l'article 17 des statuts ne requiert l'autorisation de l'assemblée générale que pour les seules ventes excédant le prix de 200 000 francs ; qu'en considérant que le gérant avait consenti les ventes du 14 mai 1991 et du 27 mai 1990 (sic) sans pouvoir, et que le notaire avait commis une faute en dressant de telles ventes, la cour d'appel a violé les articles 16 et 17 des statuts susvisés et l'article 1382 du Code civil ; 3 ) que le gérant d'une société civile immobilière, qui peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société, est en droit, sauf stipulation contraire des statuts, de procéder à des aliénations immobilières ; qu'en décidant néanmoins que M. Z... n'était pas en droit, en sa qualité de gérant de la SCI des Essarts, de procéder à des aliénations immobilières, sans constater que les statuts auraient limité ses pouvoirs sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 1848 du Code civil ; 4 ) que le gérant d'une SCI a tout pouvoir pour consentir les actes de disposition d'immeubles, réserve faite d'une clause des statuts qui en disposerait autrement ; qu'en énonçant que le gérant de la SCI des Essarts avait dépassé ses pouvoirs en consentant la vente d'un immeuble d'habitation appartenant à la SCI, et que le notaire avait commis une faute en instrumentant une telle vente, sans relever une clause des statuts de la SCI des Essarts établissant une telle prohibition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1848 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les statuts du groupement forestier autorisaient le gérant à procéder seul à la vente de produits des terres ainsi qu'à des acquisitions et échanges d'immeubles à destination foncière et que les statuts de la SCI donnaient au gérant dans les rapports entre associés le pouvoir d'accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société et relevé que la vente du 14 mai 1991, qui n'était pas assimilable aux opérations auxquelles le gérant du groupement forestier peut procéder seul ne participait pas à la constitution d'un massif forestier comme le prévoyait l'objet de la société mais au contraire à la diminution du patrimoine forestier appartenant au groupement et qu'il ne pouvait être déduit de la formule générale des statuts de la SCI le pouvoir du gérant d'aliéner les biens de celle-ci, dès lors que l'objet social ne prévoit que la propriété, la gestion, l'exploitation par bail location ou autrement d'immeubles ou étangs, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ces ventes étaient irrégulières ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que M. Z... et M. Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à Mme X... à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen "1 ) qu'en allouant des dommages-intérêts à Mme Z..., après avoir constaté qu'il n'était pas démontré que les ventes seraient intervenues dans de mauvaises conditions financières, ce dont il résultait que celle-ci n'avait subi aucun préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ; 2 ) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. Z..., qui soutenait que l'indemnisation accordée à son épouse devait être réduite à due concurrence du profit que celle-ci avait retiré des aliénations critiquées, dès lors que le produit des ventes litigieuses avait servi à régler un important passif commun des époux, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3 ) que la responsabilité du notaire ne peut être retenue que si la faute qui lui est reprochée a causé un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que les ventes litigieuses n'ont pu être consenties dans de mauvaises conditions financières ; qu'en se bornant à énoncer que Mme Z... avait subi un préjudice en ce qu'elle n'avait pu apprécier l'opportunité des ventes, sans relever la perte patrimoniale qui en serait résultée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que si Mme X... ne démontrait pas que les actes de vente avaient été faits dans de mauvaises conditions financières elle aurait pu, en sa qualité de porteur de parts, si elle avait été informée de ces projets, apprécier l'opportunité des opérations en fonction éventuellement de la plus ou moins grande proximité des parcelles, objet des ventes, avec celles conservées par certains membres de la famille et faire valoir son avis auprès des autres associés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que la perte de l'exercice de ses droits par Mme X... était la conséquence des agissements fautifs de M. Z... et de M. Y... et lui avait causé un préjudice dont elle a souverainement apprécié le montant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z... et M. Y..., ensemble, à payer à Mme X... la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.