CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le syndicat national des employés de casinos et cercles de jeux Force ouvrière, l'union départementale Force ouvrière des Alpes-Maritimes, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 26 janvier 1998, qui, dans la procédure suivie contre X..., Y... et la société Z..., pour entrave à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel, a constaté l'extinction partielle de l'action publique par l'effet de l'amnistie et s'est déclarée incompétente sur l'action civile à cet égard.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 431-1-1, L. 424-2 et suivants, L. 425-1 et L. 480-1 du Code du travail, de l'article 2.1° de la loi n° 95-884 du 3 août 1995, ensemble des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du 8 décembre 1995, lequel avait déclaré l'action publique éteinte pour les faits commis les 6 et 7 septembre 1993 ;
" aux motifs que, pour déclarer amnistiés les faits des 6 et 7 septembre 1993, le tribunal énonce que, selon les dispositions de l'article 2 de la loi d'amnistie du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsqu'ils ont été commis avant le 18 mai 1995, "les délits commis à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales revendicatives de salariés et d'agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics" ; qu'à la suite de la modification des horaires, la majorité des employés de la Z... s'est mise en grève le 5 août 1993 et que c'est dans le cadre d'une demande d'autorisation de licenciement des délégués ayant participé au mouvement que l'inspecteur du Travail a relevé que la direction avait refusé de permettre aux délégués du personnel de consulter le registre ; qu'ainsi, l'infraction commise s'inscrit avec évidence dans un conflit du travail ; que les parties civiles se prévalant de la circulaire du 21 août 1995 relative à l'application de l'article 15 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie soutiennent que les faits des 6 et 7 septembre 1993 ne sont pas amnistiés faute d'être en relation directe avec le conflit collectif en cause ; que l'article 2 susvisé de la loi d'amnistie du 3 août 1995 vise tous les délits commis aussi bien par l'employeur que par l'employé à l'occasion de conflits (collectifs ou individuels) du travail ; qu'il n'exige nullement que le délit soit directement en relation avec le conflit ; que la Cour adopte les motifs pertinents par lesquels le tribunal a déclaré amnistiés les faits des 6 et 7 septembre 1993 ; qu'en effet, il ne peut être sérieusement contesté que les faits reprochés s'inscrivent dans le cadre d'un conflit collectif du travail initialement provoqué par la modification du tableau de service ayant eu pour effet d'entraîner des relations tendues entre la direction et le personnel des jeux, comme l'établit le procès-verbal de l'inspection du Travail ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur l'amnistie concernant les faits des 6 et 7 septembre 1993 ;
" alors que l'article 2.1° de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ne s'applique qu'aux faits ayant un lien direct avec un conflit du travail ; que les juges du fond ont seulement relevé que les faits commis les 6 et 7 septembre 1993 s'inscrivaient dans le cadre d'un conflit collectif du travail initialement provoqué par la modification du tableau de service ayant eu pour effet d'entraîner des relations tendues entre la direction et le personnel des jeux ; qu'en se bornant à cette seule constatation sans relever d'autres circonstances propres à caractériser un lien direct avec le conflit du travail intervenu le 5 août 1993, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu l'article 2, alinéa 2.1°, de la loi du 3 août 1995 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, sont amnistiés les délits passibles de moins de 10 ans d'emprisonnement, antérieurs au 18 mai 1995, lorsqu'ils sont commis à l'occasion de conflits du travail ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action publique partiellement éteinte en application de l'article 2, alinéa 2.1°, de la loi du 3 août 1995, la cour d'appel énonce qu'à compter du 5 août 1993, la majorité des employés s'est mise en grève pour protester contre une modification d'horaires de travail ; que, selon l'inspecteur du Travail, intervenu dans le cadre d'une demande d'autorisation de licenciement des délégués ayant participé au mouvement, la direction avait refusé, les 6 et 7 septembre suivants, de permettre à un délégué du personnel de consulter le registre prévu par l'article L. 424-5 du Code du travail ; qu'elle en déduit que les faits s'inscrivent dans le cadre d'un conflit collectif du travail " ayant eu pour effet d'entraîner des relations tendues entre la direction et le personnel des jeux " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il ne résulte pas que le refus de consultation du registre spécial prévu par l'article L. 424-5 du Code du travail a été commis à l'occasion du conflit collectif du travail, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 janvier 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.