La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/1999 | FRANCE | N°98-86263

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 1999, 98-86263


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 septembre 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa requête en annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 5 février 1999 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 40, 80 et 81 et 593 du Code de procédure

pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a ...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 septembre 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa requête en annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 5 février 1999 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 40, 80 et 81 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le réquisitoire introductif du 10 avril 1997 ;
" aux motifs que, les faits visés dans le procès-verbal de renseignement D 1, visé par ce réquisitoire, permettaient une saisine régulière du juge d'instruction ; que le procureur n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 40 du Code de procédure pénale, en donnant à ce procès-verbal la suite qu'il a estimé opportune ; que ce choix a permis d'éviter d'alourdir la procédure d'origine, de limiter la détention de divers mis en examen, et de ne traiter que les faits propres aux nouveaux mis en cause, pour des infractions, certes connexes, mais non indivisibles des procédures alors en cours ;
" alors, d'une part, que le mis en examen faisait valoir que l'ouverture d'une nouvelle procédure, par réquisitoire introductif, plutôt que la prise d'un réquisitoire supplétif pour faits nouveaux, avait eu pour objectif de permettre l'ouverture d'une procédure criminelle, et non correctionnelle, comme l'était la procédure d'origine, terminée entre-temps par un jugement correctionnel définitif ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la violation des droits de la défense ainsi invoquée, la chambre d'accusation a privé sa décision de toute base légale ;
" alors, d'autre part, que, dès lors que la chambre d'accusation reconnaît que les faits dénoncés dans le procès-verbal D 1 sont connexes à ceux faisant l'objet de la procédure en cours, elle ne pouvait justifier le choix de l'ouverture d'une nouvelle procédure sans s'expliquer sur les raisons justifiant l'examen parallèle de faits étroitement connexes, dans 2 procédures différentes ; qu'en attribuant au Parquet un pouvoir discrétionnaire à cet égard, la chambre d'accusation a méconnu l'étendue exacte des pouvoirs de celui-ci " ;
Attendu que, pour refuser d'annuler le réquisitoire introductif, la chambre d'accusation énonce qu'en donnant la suite qu'il a estimé opportune au procès-verbal de renseignements judiciaires que lui ont régulièrement adressé les enquêteurs, le procureur de la République n'a fait qu'user des pouvoirs qui lui sont donnés par l'article 40 du Code de procédure pénale, lequel laisse à la seule appréciation de ce magistrat la suite à donner aux plaintes et dénonciations reçues ;
Attendu que les juges ajoutent que l'ouverture d'une information judiciaire distincte sur des faits connexes mais non indivisibles d'autres procédures en cours, évite d'alourdir ces dernières, limite la durée de la détention des divers mis en examen et permet de ne traiter que les faits propres aux nouveaux mis en cause éventuels ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le réquisitoire introductif satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, la chambre d'accusation, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale, 593 du même code, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les actes relatifs à la garde à vue de X... ;
" aux motifs que, interpellé à 20 h 30 sur la voie publique, X... a été "immédiatement" avisé des motifs de cette interpellation et de son placement en garde à vue ; que la notification de ses droits de gardé à vue a eu lieu avant 21 h 15 ; que cette notification ne pouvait "décemment" se faire sur la voie publique ;
" alors que la notification des droits du gardé à vue doit être faite dès le début de sa garde à vue, et que tout retard injustifié à cette notification doit entraîner la nullité de la mesure de garde à vue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que la notification des droits n'a eu lieu qu'au mieux 3/4 d'heure après le début de la mesure, qu'elle n'a ainsi pas été immédiate ; qu'aucune justification n'est alléguée ni donnée de ce retard, le seul fait que la garde à vue soit notifiée sur la voie publique n'excluant nullement la notification concomitante, au besoin verbale, des droits qui l'accompagnent ; qu'ainsi, la nullité de la garde à vue était encourue et aurait dû être prononcée " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... a été interpellé le 19 août 1997 à 20 h 30 ; qu'il a immédiatement été avisé des motifs de cette interpellation et de son placement en garde à vue ; que la notification de ses droits a eu lieu avant 21 h 15, une fois effectuée la fouille à laquelle il a été soumis à son arrivée dans les locaux de la gendarmerie ; qu'il a aussitôt fait usage du droit prévu par l'article 63-4 du Code de procédure pénale en précisant le nom de son avocat ;
Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de X... invoquant une notification tardive de ces droits, l'arrêt retient que la mise en oeuvre de cette obligation ne pouvait se faire sur la voie publique et qu'elle a été réalisée et suivie d'effet dès son arrivée dans les locaux de la gendarmerie dans les minutes qui ont suivi l'interpellation ; qu'il en déduit que les dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ont été respectées ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de l'article précité ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 105 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'audition de X... en qualité de témoin par les enquêteurs ;
" aux motifs que, les éléments alors réunis, constitués par le contenu d'écoutes téléphoniques et le résultat de surveillances, n'étaient pas en l'état suffisamment certains pour pouvoir alors être définitivement retenus à son encontre sans une explication de sa part ; que ses protestations d'innocence et ses dénégations confirment qu'il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'une part, que la violation des droits de la défense constituée par la méconnaissance de l'article 105 du Code de procédure pénale n'est pas fonction du contenu des déclarations effectuées par l'intéressé lors de son audition irrégulière en qualité de témoin ; que l'interdiction d'une telle audition est une disposition impérative qui résulte de l'état de la procédure et qui s'impose aux acteurs de celle-ci (juge d'instruction et officiers de police judiciaire), au regard des présomptions pesant sur l'intéressé, indépendamment des réponses faites durant l'interrogatoire qui est irrégulier en son principe et dès l'origine ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a violé l'article 105 du Code de procédure pénale et les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que la violation de l'article 105 n'est pas davantage fonction du point de savoir si tel ou tel élément peut être "définitivement" retenu contre l'intéressé, le caractère "définitif" des indices retenus contre lui ne pouvant être constaté que par la juridiction de jugement ; que la chambre d'accusation a encore violé l'article 105 du Code de procédure pénale ;
" alors, de surcroît, que la chambre d'accusation, en se dispensant, à la faveur de motifs doublement erronés, de vérifier si, au moment de l'interrogatoire de X..., il pesait sur lui des "indices graves et concordants d'avoir participé aux faits", objet de la saisine, n'a pas légalement fondé sa décision au regard de l'article 105 du Code de procédure pénale, dont elle n'a ainsi pas véritablement vérifié si les conditions d'application étaient remplies en l'espèce ;
" alors, enfin, que la chambre d'accusation ne pouvait, sans contradiction, écarter le moyen tiré de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, et relever, par ailleurs, que dans le cadre de plusieurs dossiers d'instruction, relatifs à des trafics de drogue, "le milieu corse" apparaît être un dénominateur commun au travers des noms de (notamment) X..., que les faits étaient connexes à ceux ayant abouti à une condamnation correctionnelle définitive, et qu'ils caractérisaient un important réseau de trafic de stupéfiants, toutes circonstances révélant le caractère précis et concordant des indices pesant sur X..., et imposant l'interdiction de l'entendre comme témoin, nonobstant l'ouverture de la procédure contre personne non dénommée ; que cette contradiction doit entraîner la nullité de l'arrêt " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité prise de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation énonce que les éléments réunis à l'encontre de X..., résultant d'écoutes téléphoniques et de surveillances, n'étaient pas suffisants pour être retenus à son encontre sans une explication de sa part ; qu'elle ajoute qu'il a, au surplus, nié toute participation aux faits incriminés lors de son audition comme témoin par les enquêteurs ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le magistrat instructeur a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la chambre d'accusation, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 100, 100-5, 114, 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :
" en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler le procès-verbal de première comparution de X... du 22 août 1997, ainsi que la procédure subséquente ;
" aux motifs qu'il a été interrogé à propos d'une écoute téléphonique du 28 juin 1997, dont la teneur était rapportée par les enquêteurs et figurait au dossier sous cote D 134 ; que les questions posées par le juge ne dépassant pas le cadre des termes rapportés par les enquêteurs, il n'y a pas eu atteinte aux droits de la défense ;
" alors, d'une part, que, avant tout interrogatoire et notamment avant l'interrogatoire de première comparution, l'intégralité du dossier doit être mis à la disposition du conseil de l'accusé ; qu'il résulte du propre aveu de la chambre d'accusation que tel n'a pas été le cas, le conseil n'ayant pas eu communication d'une pièce sur laquelle le mis en examen a été interrogé, et qui aurait dû figurer au dossier ; qu'ainsi, les droits de la défense ont été violés ;
" alors, d'autre part, que constitue une violation des droits de la défense le fait d'interroger le mis en examen au vu de la "teneur" d'écoutes téléphoniques, telle que rapportée par les enquêteurs, sans accès direct à la transcription même et au contenu de ces écoutes, dont la défense est ainsi privée de la possibilité de vérifier le contenu et l'éventuelle interprétation par les enquêteurs, lors de l'analyse qu'ils en ont faite ; que le procédé ainsi utilisé, revenant à empêcher l'accès direct de l'intéressé aux moyens de preuve figurant au dossier au moment où il a été entendu, est contraire aux droits de la défense " ;
Attendu que, pour refuser d'annuler le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution, la chambre d'accusation énonce que le demandeur a été interrogé sur le contenu d'une écoute téléphonique dont la transcription n'avait pas encore été effectuée mais dont la teneur était rapportée par un procès-verbal versé au dossier ; qu'ils relèvent que cet acte a eu lieu en présence de l'avocat choisi par X..., lequel s'est préalablement entretenu avec son client, a pu consulter le dossier et n'a émis aucune réserve ; que l'arrêt retient enfin que les questions ne portant que sur ce qui était relaté dans ce procès-verbal, il n'y a pas eu atteinte aux droits de la défense ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Qu'en effet, la nullité ne peut être prononcée, aux termes de l'article 171 du Code de procédure pénale, que si la méconnaissance d'une formalité substantielle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-86263
Date de la décision : 23/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° INSTRUCTION - Réquisitoire - Réquisitoire introductif - Validité - Conditions - Connexité.

1° MINISTERE PUBLIC - Réquisitions - Réquisitoire introductif - Validité - Conditions - Connexité.

1° L'article 40 du Code de procédure pénale, laissant à la seule appréciation du procureur de la République la suite à donner aux plaintes et dénonciations reçues, le réquisitoire introductif qui saisit le magistrat instructeur de faits connexes mais non indivisibles d'autres procédures en cours, ne peut être annulé s'il satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.

2° GARDE A VUE - Droits de la personne placée en garde à vue - Notification - Moment - Placement en garde à vue dès l'interpellation - Notification effectuée ultérieurement.

2° DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Moment - Placement en garde à vue dès l'interpellation - Notification effectuée ultérieurement.

2° Fait l'exacte application des dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation qui constate que la personne placée en garde à vue dès son interpellation a reçu notification de ses droits dans les minutes qui ont suivi cette interpellation.

3° INSTRUCTION - Commission rogatoire - Exécution - Audition de témoin - Audition en qualité de témoin d'un individu soupçonné - Régularité - Condition.

3° DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Commission rogatoire - Exécution - Témoin - Audition - Audition dans le dessein de faire échec aux droits de la défense.

3° Justifie sa décision, la chambre d'accusation qui, pour écarter un grief tiré de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, retient que le juge d'instruction était fondé à faire vérifier par l'audition d'une personne la vraisemblance des indices la concernant, sa mise en cause ne résultant que d'écoutes téléphoniques et de surveillances. En effet, le magistrat instructeur a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale.

4° INSTRUCTION - Droits de la défense - Ecoutes téléphoniques - Interrogation - Procès-verbal de retranscription non versé au dossier - Violation (non).

4° DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Ecoutes téléphoniques - Interrogatoire - Procès-verbal de retranscription non versé au dossier - Violation (non) 4° INSTRUCTION - Droits de la défense - Interrogatoire - Ecoutes téléphoniques - Procès-verbal de retranscription non versé au dossier - Violation (non).

4° Fait l'exacte application des articles 100-5, 114 et 171 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation qui, pour refuser d'annuler un procès-verbal d'interrogatoire portant sur le contenu d'une écoute téléphonique dont la transcription n'avait pas encore été effectuée mais dont la teneur était rapportée par un procès-verbal versé au dossier, relève que l'acte a eu lieu en présence de l'avocat qui a consulté le dossier et n'a émis aucune réserve, que les questions n'ont pas dépassé ce qui était rapporté au procès-verbal et qu'il n'y a pas eu atteinte aux droits de la défense.


Références :

1° :
2° :
3° :
4° :
Code de procédure pénale 10
Code de procédure pénale 100-5, 114, 171
Code de procédure pénale 105
Code de procédure pénale 63-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre d'accusation), 16 septembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 1999, pourvoi n°98-86263, Bull. crim. criminel 1999 N° 51 p. 119
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 51 p. 119

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Agostini.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.86263
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award