Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été engagé par l'association Olympique lyonnais (OL) le 8 juin 1989 en qualité de joueur professionnel pour une durée de 4 saisons à compter du 1er juillet 1989 jusqu'à l'expiration de la saison 1992-1993 ; que le 6 décembre 1989, au cours d'un match de football, il a été victime d'une luxation de la rotule ; qu'il a repris le travail le 7 novembre 1991 mais a subi une rechute le 25 février 1992 ; qu'il a repris son activité le 15 juin 1992 après un examen du centre médico-sportif de la ville de Lyon ayant conclu à son aptitude physique ; que le 22 juin 1992, l'association OL lui a adressé une lettre lui indiquant que, le 16 juin 1992, elle avait saisi la Ligue nationale de football d'une demande tendant à faire constater la résiliation de son contrat pour inaptitude physique ; qu'elle précisait, dans cette même lettre :
" En conséquence, nous vous confirmons que vous ne faites plus partie de l'effectif professionnel de l'OL " ; que, par lettre du 23 juin 1992, M. X... a contesté cette décision en faisant valoir qu'il était en mesure de reprendre les entraînements et qu'il considérait que cette mesure unilatérale et prématurée s'analysait en une rupture abusive de son contrat ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande dirigée contre l'association OL et contre la société à objet sportif (SAOS) Olympique de Lyon et du Rhône à laquelle cette association avait apporté sa branche d'activité sportive et tendant à la réparation du préjudice causé par la rupture de son contrat avant le terme fixé ;
Attendu que l'association OL fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 10 novembre 1995) de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 122-32-9 du Code du travail, alors, selon le moyen, d'une part, que la rupture du contrat de travail ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté de son auteur ; qu'en l'espèce, la lettre du 22 juin 1992 se bornait à informer M. X... que la mise en oeuvre d'une procédure de rupture avait été sollicitée auprès des instances fédérales ; qu'il n'était, par ailleurs, pas contesté que M. X... avait continué à percevoir son salaire jusqu'au 18 setpembre 1992 et à recevoir des instructions de son employeur, qui l'avait enjoint à diverses reprises de se présenter auprès des services de la médecine du Travail ; qu'en jugeant que, nonobstant ces circonstances, la lettre du 22 juin 1992, en ce qu'elle indiquait que M. X... ne faisait plus partie de l'effectif professionnel du club, révélait suffisamment la volonté de l'employeur de mettre un terme immédiat au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1 et suivants du Code du travail ; alors, d'autre part, que les normes édictées par les fédérations sportives investies de prérogatives de puissance publique s'imposent au juge judiciaire, qui ne peut refuser d'en faire application, sauf à renvoyer au juge administratif l'appréciation de leur légalité ; que l'article 12 de la Charte du football professionnel, disposition à caractère spécial dérogeant aux règles du droit commun relatives à la rupture du contrat de travail à durée déterminée, prévoit que la Ligue nationale est seule compétente pour constater la résiliation de plein droit du contrat de joueur de football professionnel en cas d'inaptitude physique de l'intéressé dûment reconnue et constatée suivant une procédure qu'il réglemente ; que cette charte, signée et approuvée par la Fédération française de football et la Ligue nationale de football, et dont les dispositions constituent la mise en oeuvre de normes que ces groupements ont légalement le pouvoir d'édicter, s'imposait au juge judiciaire ; qu'en refusant d'en faire application, aux motifs que de telles dispositions violaient les règles générales du Code du travail relatives à la rupture des contrats à durée déterminée, la cour d'appel a violé les dispositions de la loi des 16 et 24 août 1790 et le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives ; alors, de plus, qu'en tout état de cause, l'inaptitude physique définitive, même consécutive à un accident du travail, constitue un cas de force majeure autorisant la rupture de plein droit du contrat à durée déterminée d'un joueur engagé pour exercer un sport de haut niveau, sans qu'il y ait lieu de saisir le juge d'une demande de résiliation judiciaire du contrat ; qu'en jugeant que la décision de la commission de la Ligue, reposant sur des certificats médicaux qui concluaient à l'inaptitude définitive de M. X... à la pratique du football professionnel, n'autorisait pas l'employeur à rompre le contrat de travail du joueur, dont il n'était pas allégué qu'il pût être reclassé dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 122-3-8, L. 122-32-2 et L. 122-32-9 du Code du travail ;
et alors, enfin, qu'en laissant sans réponse le moyen des écritures de l'association qui faisait valoir que M. X..., en refusant délibérément de se soumettre à la visite médicale de reprise, avait commis une faute qui, outre qu'elle légitimait la décision de l'employeur de s'en remettre aux conclusions de l'expert médical désigné par les instances nationales, constituait, en soi, une cause de rupture immédiate du contrat de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que l'employeur avait manifesté sans équivoque la volonté de rompre le contrat de travail du salarié, en lui notifiant, par lettre du 22 juin 1992, sa radiation de l'effectif du club à compter du 16 juin 1992, mesure immédiatement suivie d'effet par son exclusion des entraînements et des compétitions ;
Attendu, ensuite, que la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective, ne peut déroger aux dispositions d'ordre public des articles L. 122-3-8, L. 122-32-2 et L. 122-32-9 du Code du travail que dans ses dispositions plus favorables au salarié ;
Et attendu, encore, que l'inaptitude du salarié, consécutive à un accident du travail, qui ne peut être constatée que par le médecin du Travail, dans les conditions prévues aux articles R. 241-51 et R. 241-51-1 du Code du travail, ne constitue pas un cas de force majeure justifiant la rupture immédiate du contrat à durée déterminée, mais autorise seulement l'employeur à en demander la résiliation judiciaire, dans les conditions prévues à l'article L. 122-32-9 du Code du travail ;
D'où il suit que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.