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17/03/1999 | FRANCE | N°98-80413

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mars 1999, 98-80413


CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,
- X... Léonce, Y... Yvonne épouse X..., X... Marie-Claude, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Hérault, du 10 novembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre Z... des chefs d'enlèvement de mineur de 15 ans, viols aggravés et assassinat, a constaté l'extinction de l'action publique par l'autorité de la chose jugée et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
S

ur la recevabilité du pourvoi des consorts X... ;
Attendu que la partie civile peu...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,
- X... Léonce, Y... Yvonne épouse X..., X... Marie-Claude, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Hérault, du 10 novembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre Z... des chefs d'enlèvement de mineur de 15 ans, viols aggravés et assassinat, a constaté l'extinction de l'action publique par l'autorité de la chose jugée et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi des consorts X... ;
Attendu que la partie civile peut se pourvoir contre l'arrêt de la cour d'assises rendu selon la procédure de contumace, lorsque celui-ci a déclaré l'irrecevabilité de son action ;
Que, tel étant le cas en l'espèce, il y a lieu de déclarer recevable le pourvoi des consorts X..., parties civiles ;
Vu les mémoires produits par les demandeurs ;
Sur le second moyen de cassation proposé par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier et pris de la violation des articles 28 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire franco-marocaine des 5 octobre 1957 et 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré éteinte l'action publique contre Z... par autorité de la chose jugée au motif "qu'il échet d'admettre que la condamnation prononcée à l'encontre de Z... par la cour d'appel de Rabat le 22 mai 1991", à raison des faits commis à Montpellier courant mars 1990 à l'encontre de A... revêt en droit français l'autorité négative de la chose jugée et "qu'admettre de nouvelles poursuites apparaîtrait en l'état en contradiction avec l'ensemble des dispositions de l'article 14, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits d'une personne accusée" ;
" alors, d'une part, que la dénonciation des faits criminels dans le cadre d'une convention bilatérale d'entraide judiciaire n'implique nullement, de la part de l'Etat ayant procédé à cette dénonciation, une renonciation à des poursuites devant ses juridictions nationales ;
" et, d'autre part, que l'article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques du 19 décembre 1966, ratifié par la France le 29 janvier 1981, a fait l'objet d'une recommandation du Comité des droits de l'homme restreignant au cadre interne l'application de la règle posée selon laquelle nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Maître Vuitton au nom des parties civiles et pris de la violation des articles 2 du Code civil, 6, 458, 630, 631, 632 et 593 du Code de procédure pénale et 28 de la Convention franco-marocaine d'extradition et d'aide mutuelle judiciaire du 5 octobre 1957, manque de base légale :
" en ce que la cour d'assises de l'Hérault saisie d'une procédure par contumace a dit l'action publique éteinte par l'autorité négative de la chose jugée et en conséquence a déclaré les consorts X... irrecevables en leur constitution de partie civile ;
" alors que, premièrement, aux termes des articles 630 et 631 du Code de procédure pénale, seuls les parents et amis peuvent proposer l'excuse du contumax qui, si elle est acceptée, a pour seul effet d'octroyer un sursis à statuer ; qu'en conséquence, la cour d'assises, en relevant d'office au profit du contumax une fin de non-recevoir tirée de l'extinction de l'action publique par l'autorité négative de la chose jugée a outrepassé ses pouvoirs ;
" alors que, deuxièmement, aucune défense au fond ne peut être présentée et donc retenue au profit du contumax ; qu'il appartient à la cour d'assises, après avoir déclaré régulière la procédure de contumace, de statuer sur l'accusation ; qu'à défaut d'avoir statué sur l'accusation, la cour d'assises de l'Hérault n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors que, troisièmement, lorsque l'infraction a été commise en France, la décision étrangère statuant sur cette infraction est dépourvue d'efficacité de sorte qu'une poursuite en France est toujours recevable, même si l'étranger a déjà subi la peine prononcée par le juge étranger ou a été relaxé par ce dernier ; qu'en déclarant, en l'espèce, l'action publique éteinte, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors que, quatrièmement, même en l'état d'une poursuite régulièrement exercée au Maroc en application de la convention visée au moyen, le juge français reste compétent pour en connaître si la décision est la condamnation et que l'exécution de la peine n'a pas été totale, au moins pour la peine principale, ou si cette dernière n'a pas fait l'objet d'une décision d'amnistie par l'Etat étranger ; que, dès lors, la cour d'assises qui a admis l'extinction de l'action publique en France en raison d'une condamnation prononcée au Maroc, sans constater que l'accusé avait subi sa peine principale ou que celle-ci n'avait été prescrite selon les règles de l'Etat étranger, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors que, cinquièmement, le ministère public prend, au nom de la loi, les réquisitions tant orales qu'écrites qu'il croit convenables au bien de la justice ; qu'en l'espèce lesdites réquisitions s'opposaient à ce que l'action publique soit déclarée éteinte ; qu'en conséquence la cour d'assises, sur l'action publique, n'était saisie contrairement à ses affirmations d'aucune contradiction apparente ou réelle sur "les choix de l'action publique" ; qu'en décidant le contraire, la cour d'assises a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par Maître Vuitton au nom des parties civiles et pris de la violation des articles 3 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des consorts X... ;
" aux motifs qu'il y a lieu de dire l'action publique éteinte ;
" alors que la cassation à intervenir sur le pourvoi formé par M. le procureur général près la cour d'appel de Montpellier entraînera par voie de conséquence la cassation sur les dispositions civiles de l'arrêt déféré " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 113-2 du Code pénal et 6 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, lorsqu'un étranger a commis en France un crime et a été condamné définitivement dans son pays pour cette infraction à la suite d'une dénonciation officielle des faits par les autorités judiciaires françaises, l'action publique en France n'est pas éteinte par la chose jugée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en 1990, une information des chefs d'enlèvement de mineur, viols et assassinat pour des faits commis à Montpellier, a été ouverte contre Z..., de nationalité marocaine ; que celui-ci s'étant réfugié au Maroc, une demande d'extradition a été adressée aux autorités judiciaires marocaines ; que, celle-ci ayant été rejetée, les autorités judiciaires françaises ont dénoncé, en application de l'article 28 de la Convention d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957, les faits aux fins de poursuites de Z... au Maroc ; que, statuant sur ces faits, la chambre criminelle de la cour d'appel de Rabat a, par arrêt définitif du 22 mai 1991, condamné ce dernier à la réclusion criminelle à perpétuité et à des réparations civiles ; qu'à la suite de cette condamnation, des instructions écrites ont été adressées par le Garde des Sceaux au procureur général près la cour d'appel de Montpellier aux fins de poursuivre l'information qui avait été ouverte en France contre Z... et d'obtenir la condamnation de celui-ci par contumace ; que, par arrêt de la chambre d'accusation du 29 octobre 1996, ce dernier a été renvoyé devant la cour d'assises de l'Hérault pour les mêmes faits que ceux pour lesquels il a été condamné au Maroc ;
Attendu que, pour déclarer l'action publique éteinte par la chose jugée, l'arrêt attaqué relève qu'en 1990, la dénonciation des faits reprochés à Z... aux autorités judiciaires marocaines impliquait un choix aboutissant à l'abandon des poursuites en France ; que le principe de la souveraineté judiciaire d'un Etat comporte des exceptions résultant de traités ou de conventions internationales dont la primauté est reconnue par le droit interne ; qu'ainsi, l'article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 19 décembre 1966, ratifié par la France le 29 janvier 1981, dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ; qu'en outre, les dispositions de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 selon lesquelles la partie requise s'engage, dans la mesure où elle a compétence pour les juger, à faire poursuivre ses propres ressortissants qui auront commis, sur le territoire de l'autre Etat, des infractions punies comme crime ou délit dans les 2 Etats lorsque l'autre partie adressera une demande de poursuite, conduisent à l'obligation d'une poursuite unique dès lors que la procédure de dénonciation a été engagée et suivie de manière régulière ; qu'ainsi, en présence d'une identité de personne mise en cause et d'incriminations tant en droit français qu'en droit marocain, il y a lieu de considérer que les dispositions de l'article 28 précité constituent une exception au principe de souveraineté ; que, dès lors, la condamnation prononcée au Maroc à l'encontre de Z... a acquis l'autorité négative de la chose jugée sans qu'il y ait lieu de se référer aux dispositions des articles 692 du Code de procédure pénale et 113-9 du Code pénal, lesquelles concernent un autre cadre juridique ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'assises a méconnu la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ; que, d'une part, aucune disposition de droit interne n'interdit de poursuivre, devant les juridictions françaises, un étranger condamné, dans son pays, pour un crime ou un délit commis sur le territoire de la République française ; que, d'autre part, l'article 28 de la Convention franco-marocaine précitée ne prévoit pas que la demande de poursuite constitue une renonciation à cette dernière par l'Etat requérant ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier ;
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'assises de l'Hérault en date du 10 novembre 1997 et, pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Haute-Garonne.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80413
Date de la décision : 17/03/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Pourvoi de la partie civile - Arrêt de la cour d'assises rendu par contumace - Recevabilité.

1° CONTUMACE - Arrêt par contumace - Pourvoi - Pourvoi de la partie civile - Recevabilité.

1° La partie civile peut se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour d'assises rendu par contumace qui a déclaré irrecevable sa constitution (1)(1).

2° CHOSE JUGEE - Décisions susceptibles - Décision d'une juridiction étrangère - Crime commis en France par un étranger.

2° LOIS ET REGLEMENTS - Application dans l'espace - Infractions commises sur le territoire de la République - Crime commis par un étranger - Condamnation prononcée à l'étranger - Nouvelles poursuites en France - Autorité de la chose jugée (non) 2° CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Crime - Condamnation prononcée à l'étranger - Nouvelles poursuites en France - Autorité de la chose jugée (non).

2° Lorsqu'un étranger a commis en France un crime et a été condamné définitivement dans son pays pour cette infraction à la suite d'une dénonciation officielle des faits par les autorités judiciaires françaises, l'action publique en France n'est pas éteinte par la chose jugée (2)(2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 6
Code de procédure pénale 636
Code pénal 113-2

Décision attaquée : Cour d'assises de l'Hérault, 10 novembre 1997

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1970-07-09, Bulletin criminel 1970, n° 234, p. 560 (irrecevabilité). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1862-03-21, Bulletin criminel 1862, n° 90, p. 132 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1873-09-11, Bulletin criminel 1873, n° 248, p. 475 (rejet) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1998-12-03, Bulletin criminel 1998, n° 331, p. 962 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 mar. 1999, pourvoi n°98-80413, Bull. crim. criminel 1999 N° 44 p. 104
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 44 p. 104

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pelletier.
Avocat(s) : Avocat : M. Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80413
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