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16/03/1999 | FRANCE | N°97-81063

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 1999, 97-81063


REJET du pourvoi formé par :
- Y... Pierre,
- la société Palais Royal impression édition publicité, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 22 janvier 1997, qui, pour usage illicite en vue de sa publication d'un titre interdit, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende avec sursis et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre Y..., directeur de publication de l'hebdomadaire " L'Action française ",

a été poursuivi pour usage illicite en vue de sa publication d'un titre interdit ...

REJET du pourvoi formé par :
- Y... Pierre,
- la société Palais Royal impression édition publicité, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 22 janvier 1997, qui, pour usage illicite en vue de sa publication d'un titre interdit, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende avec sursis et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre Y..., directeur de publication de l'hebdomadaire " L'Action française ", a été poursuivi pour usage illicite en vue de sa publication d'un titre interdit pour avoir diffusé, notamment entre novembre 1995 et février 1996, l'hebdomadaire " L'Action française ", suspendu de parution et de titre en application de l'article 1er de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 du Code de procédure pénale, 1er et 2 de l'ordonnance du 17 février 1945, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable, en qualité de directeur de publication du journal "L'Action française hebdo", d'usage illicite d'un titre paru sous l'occupation allemande et définitivement interdit par l'ordonnance du 17 février 1945 ;
" alors que, selon les constatations effectuées par l'arrêt attaqué, l'hebdomadaire "L'Action française hebdo" paraissait sous ce titre depuis le mois de février 1992 et que le délai de prescription du délit, qui a couru à partir de cette date, était expiré à la date des citations directes des 5 et 10 juin 1996 " ;
Attendu que si l'exception de prescription est d'ordre public et peut, à ce titre, être opposée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; qu'à défaut de ces constatations, qui manquent en l'espèce et qu'il appartenait aux demandeurs de provoquer, le moyen ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 2 et 3 de l'ordonnance du 30 septembre 1944, des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 45-520 du 17 février 1945, de l'ordonnance du 5 mai 1945, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable, en qualité de directeur de publication du journal "L'Action française hebdo", d'usage illicite d'un titre paru sous l'occupation allemande et définitivement interdit par l'ordonnance du 17 février 1945 ;
" aux motifs que les articles 1er, 2 et 3 de l'ordonnance du 30 septembre 1944 interdisent la publication et l'usage du titre de tous les journaux et périodiques qui ont continué de paraître plus de 15 jours après l'Armistice en zone nord et après le 11 novembre 1942, l'interdiction étant maintenue jusqu'au jugement (ce terme s'entendant de la décision d'acquittement) ou à la décision de non-lieu rendus sur les poursuites intentées à l'occasion de la publication du journal ou périodique, contre ses dirigeants ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de 6 mois après l'entrée en vigueur de l'ordonnance ; que ces dispositions visent les entreprises de presse elles-mêmes et traitent de l'incidence des poursuites intentées contre les dirigeants ; que l'ordonnance du 5 mai 1945 a précisé les modalités de ces poursuites et édicté les peines pouvant être prononcées contre les entreprises de presse à savoir celles de la dissolution et de la confiscation ; que Maurice Y... et Charles X..., codirecteurs du journal "L'Action française", fondé en 1908 et dont la parution avait été assurée jusqu'en 1944, avaient été condamnés le 27 janvier 1945 par la Cour de justice de Lyon ; que le journal "L'Action française" était resté soumis postérieurement à la condamnation intervenue, à l'interdiction provisoire de nature générale instituée par l'article 2 de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ; que, de surcroît, l'ordonnance n° 45-250 du 17 février 1945 relative à l'interdiction définitive de l'usage des journaux suspendus en application de l'ordonnance du 30 septembre 1944 mentionnait en son article 1er qu'est et demeure interdit l'usage par quiconque, sous quelque forme que ce soit ou en vue de la publication des périodiques, du titre des journaux et périodiques qui font l'objet d'une mesure de suspension en application des paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 1er de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ; qu'en conséquence, l'interdiction définitive créée par l'ordonnance du 17 février 1945, dont l'exposé des motifs déclare expressément faire abstraction de la culpabilité des dirigeants de journaux, était bien applicable à "L'Action française" compte tenu de la mesure de suspension provisoire dont cet organe de presse faisait encore l'objet lors de l'entrée en vigueur de ce texte ;
" alors que l'article 1er de l'ordonnance du 17 février 1945 ne déclare interdit que l'usage du titre des journaux et périodiques qui "font" l'objet d'une mesure de suspension en application des paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 1er de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ; que, selon l'article 2 de cette dernière ordonnance, l'interdiction, à caractère de suspension, de ces journaux n'était maintenue que jusqu'au jugement ou à la décision de non-lieu rendus sur les poursuites intentées contre les dirigeants ; que ce texte ne distingue pas selon que le jugement condamne ou acquitte l'accusé ; qu'en l'espèce, le jugement de Charles X... et Maurice Y... ayant été prononcé par un arrêt de la Cour de justice de Lyon du 27 janvier 1945, la mesure de suspension de "L'Action française", prononcée en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 30 septembre 1944, avait ainsi cessé de produire ses effets à cette date en vertu de l'article 2 de la même ordonnance ; qu'en conséquence, l'article 1er de l'ordonnance du 17 février 1945 qui interdit l'usage du titre des journaux et périodiques qui "font" l'objet d'une mesure de suspension à la date de son entrée en vigueur ne pouvait s'appliquer à "L'Action française" dont la suspension avait cessé par l'effet du jugement précité ; qu'enfin, les dispositions postérieures de l'ordonnance du 5 mai 1945 instituant la responsabilité pénale des entreprises de presse coupables de collaboration avec l'ennemi, dont il n'a pas été constaté qu'elle eût été mise en oeuvre à l'encontre du journal "L'Action française", ne peuvent faire obstacle à cette solution " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit retenu à la prévention, les juges du fond se prononcent par les motifs partiellement reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir le grief allégué dès lors qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 30 septembre 1944, lorsque les dirigeants faisaient l'objet de poursuites en raison de la publication, cette suspension ne cessait qu'en cas de décision d'acquittement ou de non-lieu intervenue en faveur de ces derniers ; qu'en l'espèce, les dirigeants du journal, Charles X... et Maurice Y..., ayant été condamnés par une décision devenue définitive le 1er février 1945, la suspension édictée par le texte précité était toujours en cours lorsque l'ordonnance du 17 février 1945 a commué cette mesure provisoire en interdiction définitive ; qu'en conséquence, " L'Action française " n'ayant à aucun moment retrouvé le droit de paraître et d'user de ce titre, elle ne saurait échapper à une législation toujours en vigueur ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens, des articles 10.1 et 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1er, 2 et 3 de l'ordonnance du 30 septembre 1944, des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 45-520 du 17 février 1945, de l'ordonnance du 5 mai 1945, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable, en qualité de directeur de publication du journal "L'Action française hebdo", d'usage illicite d'un titre paru sous l'occupation allemande et définitivement interdit par l'ordonnance du 17 février 1945 ;
" alors, d'une part, qu'il résulte des termes de l'arrêt que le titre dont l'usage avait été interdit était "L'Action française" et que le titre "L'Action française hebdo" est donc un titre différent ;
" alors, d'autre part, que l'interdiction édictée par l'ordonnance du 17 février 1945 ne peut être étendue à un journal nouveau et distinct de celui dont le titre a été interdit ;
" alors, enfin, que l'application de l'interdiction édictée par l'ordonnance du 17 février 1945 à un journal nouveau qui n'a pas paru sous l'occupation et qui a été publié 50 ans plus tard ne peut être considérée comme une mesure nécessaire à la protection des intérêts visés par l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les stipulations des articles 10.1 et 10.2 de cette Convention " ;
Attendu qu'il n'importe que la mention "hebdo" figure sur la première page du journal, celle-ci n'étant qu'indicative de la périodicité de la publication sans aucune incidence sur le titre lui-même qu'il ne modifie pas ; que cette adjonction ne saurait entraîner la création d'un journal différent de la publication initiale ;
D'où il suit que le moyen, qui est inopérant dans sa dernière branche, doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 2 de l'ordonnance du 17 février 1945, de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable, en qualité de directeur de publication du journal "L'Action française hebdo", d'usage illicite d'un titre paru sous l'occupation allemande et définitivement interdit par l'ordonnance du 17 février 1945 ;
" aux motifs qu'il ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité, invoquer le fait qu'il avait suivi des "avis juridiques autorisés" ou qu'il avait été conforté dans ses agissements par l'inaction du ministère public à la suite de la déclaration du changement de titre faite par ses soins, ces circonstances n'étant pas de nature à enlever le caractère délibéré aux agissements poursuivis et à supprimer chez leur auteur toute intention au sens de l'article 121-3 du Code pénal ;
" alors, d'une part, que l'erreur de droit, appuyée sur des avis juridiques autorisés et confortée par l'inaction du ministère public, était de nature à exclure l'intention délictuelle ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a constaté aucun fait révélant une telle intention " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction et rejeté l'erreur de droit alléguée par le prévenu ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81063
Date de la décision : 16/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Publication - Interdiction - Usage d'un titre de journal définitivement interdit par l'ordonnance du 17 février 1945 - Portée.

Lorsque les dirigeants d'un journal suspendu en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ont fait l'objet de poursuites en raison de la publication, cette suspension n'a cessé qu'en cas de décision d'acquittement ou de non-lieu intervenue en leur faveur. Lorsque les dirigeants du journal ont été condamnés par une décision définitive intervenue le 1er février 1945, la suspension édictée par le texte précité était toujours en cours lorsque l'ordonnance du 17 février 1945 a commué cette mesure provisoire en interdiction définitive ; en conséquence le journal n'ayant à aucun moment recouvré le droit de paraître et d'user de son titre, ses dirigeants ne sauraient échapper à la législation toujours en vigueur.


Références :

Ordonnance du 30 septembre 1944 art. 1
Ordonnance du 17 février 1945

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 1999, pourvoi n°97-81063, Bull. crim. criminel 1999 N° 42 p. 95
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 42 p. 95

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Le Griel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.81063
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