AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Reims Automobiles, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 septembre 1996 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit :
1 / de M. Marc X..., demeurant rue W. C... Russel, 51170 Courville,
2 / de l'ASSEDIC de Champagne Ardennes, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 janvier 1999, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, MM. Poisot, Soury, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Reims Automobiles, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les trois moyens réunis :
Attendu que M. X... a été embauché le 17 juillet 1987 par la société Reims Automobile en qualité de vendeur ; qu'il a été nommé responsable des ventes le 1er mars 1988 ; que, par lette du 18 janvier 1991, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable pour le 21 janvier 1991, puis, par lettre du 4 février 1991, a enregistré sa démission que le salarié a contestée par lettre du 7 février 1991 ;
qu'estimant avoir été licencié sans cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 4 septembre 1996) d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de M. X... lui était imputable et de l'avoir, en conséquence, condamné à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de congés payés et d'avoir ordonné la remise à l'intéressé d'un certificat de travail précisant comme date extrême celle du 16 février 1991, alors, selon les moyens, premièrement, qu'ayant constaté que M. X... avait indiqué verbalement démissionner à la suite d'observations sur la qualité de son travail, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-4 et suivants du Code du travail l'arrêt qui considère qu'il n'en découlait pas une manifestation de volonté réfléchie devant être tenue pour définitive, parce que la situation comportait un facteur émotionnel de nature à caractériser une pression morale entachant la valeur du consentement, faute d'avoir tenu compte de la circonstance qu'il était constaté dans quatre attestations de membres du personnel invoquées par la société que M. X... avait non seulement expressément déclaré démissionner le 21 janvier 1991 mais n'avait plus exercé ses fonctions à compter de cette date, M. A... ayant déclaré : "J'atteste que M. X... a démissionné de
ses fonctions de responsable des ventes fin janvier 1991. A compter de ce jour, celui-ci ne s'est plus présenté à la salle de rapport quotidien et a cessé d'encadrer l'équipe des ventes" ;
ensuite, je n'ai plus eu aucun contact avec M. X..." ; Mme B..., comptable : "J'atteste que M. X... a démissionné de son poste de chef des ventes le 21 janvier 1991 et ce, sans préavis, contraignant M. Y... à assumer les fonctions de chef des ventes. Depuis cette date et jusqu'au jour de son expulsion par huissier, M. X... ne s'est livré à aucune activité dans les locaux de l'entreprise." ; M. D..., chef de groupe : "Le 21 janvier 1991, M. X... a démissionné de son poste de chef des ventes. Il a cessé de diriger le rapport quotidien. Je ne l'ai plus revu depuis cette date dans la salle où se déroulait notre réunion habituelle du matin" ; Mme Z..., secrétaire : "Je certifie que M. X... a donné sa démission de son poste de chef des ventes le 21 janvier 1991 et qu'à compter de cette date, celui-ci ne s'est livré à aucune activité dans les locaux de la concession, hormis celle d'imposer sa présence et de téléphoner à son avocat dans le hall des ventes devant le personnel et la clientèle..." ; alors, deuxièmement, qu'il appartient au salarié qui demande des indemnités de rupture d'établir la preuve qu'il a été licencié, que ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1315 du Code civil l'arrêt qui, sur la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive, retient l'existence d'un licenciement sans autre constatation que le fait que la démission qu'avait donnée le salarié ne pouvait être considérée comme résultant d'une manifestation de volonté devant être tenue pour définitive et sans constater que le salarié aurait apporté le moindre élément de preuve du prétendu licenciement ; alors, troisièmement, que ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail l'arrêt qui retient que la rupture du contrat de travail de M. X... serait résultée d'un licenciement sans procédure régulière et qu'il s'agirait en conséquence d'un licenciement abusif, sans s'expliquer sur les circonstances invoquées par la société dans ses conclusions d'appel que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement par lettre recommandée avec avis de réception du 18 janvier 1991 pour le 21 janvier 1991, que ledit entretien au cours duquel le salarié avait déclaré démissionner s'était effectivement déroulé à cette date du 21 janvier 1991, que la société avait ensuite constaté la rupture du contrat de travail de l'intéressé par lettre recommandée avec avis de réception du 4 février 1991 indiquant : "Par une lettre recommandée du 18 janvier 1991, je vous ai invité à vous présenter à mon bureau le 21 au matin afin d'avoir un entretien avec moi. Au cours de cet entretien nous avons évoqué de la même façon qu'au mois de décembre vos très mauvaises performances. Vous m'avez tout de suite annoncé que vous abandonnez toutes vos responsabilités au sein de notre équipe de vente que vous étiez chargé d'animer et que vous souhaitiez redevenir simple vendeur. J'ai le regret de vous annoncer que votre réponse ne saurait me satisfaire. J'enregistre votre démission à compter du 21 et vous informe ne pouvoir donner suite à votre demande d'emploi de vendeur. Aussi à réception de cette lettre je
vous invite à passer à mon bureau pour votre solde de tout compte", et que dans une lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 1991, l'employeur avait encore rappelé au salarié toute cette procédure et sa motivation ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque du salarié de démissionner et que la prise d'acte par l'employeur d'une démission du salarié qui n'est pas réelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui ne peuvent être remis en cause devant la Cour de Cassation que le salarié avait manifesté dans sa lettre de démission le désir de redevenir simple vendeur, était resté présent sur les lieux de son travail et avait immédiatement répondu à la lettre de l'employeur prenant acte de sa démission pour contester celle-ci, a pu décider que le salarié n'avait pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner et que la rupture du contrat résultant de ce que l'employeur avait pris acte de la démission du salarié devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Reims Automobiles aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf et signé par Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ayant assisté au prononcé de l'arrêt.