Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... exploitait en son nom personnel une entreprise artisanale constituant un bien de la communauté entre lui-même et son épouse ; que Mme X... a travaillé dans l'entreprise de son mari ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 14 octobre 1993 ; que soutenant avoir la qualité de salariée de son mari, elle a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir notamment le paiement de rappel de salaire, d'indemnités de congés payés, ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Sur les deux premiers moyens réunis :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que Mme X... était titulaire d'un contrat de travail et d'avoir accueilli les demandes de cette dernière, alors, selon le premier moyen, que l'épouse commune en biens ne peut être salariée de l'entreprise artisanale en nom propre constituant un bien de communauté qu'elle exploite avec son mari, dès lors qu'en raison des pouvoirs d'administration concurrente que lui confère la loi sur les biens communs, aucun lien de subordination juridique n'a pu s'établir entre elle-même et l'entreprise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Mme X... a assuré depuis 1964 une fonction de comptable dans l'entreprise CDRT qui était un bien de la communauté existant entre elle et son mari ; qu'en décidant cependant que Y... Faye se trouvait dans un état de subordination lui conférant la qualité de salariée, la cour d'appel a violé les articles 1421 du Code civil, L. 121-1 et L. 122-14-3 et suivants du Code du travail ; alors, selon le deuxième moyen, qu'il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en établir la réalité ; qu'en " postulant " cependant l'existence d'un contrat de travail pour décider que M. X... n'était pas fondé à soutenir que son épouse ne se trouvait pas dans un état de subordination à l'égard de l'entreprise, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le fait que l'entreprise artisanale était un bien commun n'était pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article L. 784-1 du code du travail qui prévoit que les dispositions dudit code sont applicables au conjoint du chef d'entreprise salarié par lui et sous l'autorité duquel il est réputé exercer une activité dès lors qu'il participe effectivement à l'entreprise ou à l'activité de son époux à titre professionnel et habituel et qu'il perçoit une rémunération minimale égale au salaire minimum de croissance ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté, sans méconnaître les règles de preuve, que les conditions requises par ce texte étaient réunies en l'espèce ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts pour défaut de proposition d'une convention de conversion, alors, selon le moyen, qu'il incombe au salarié, qui se prévaut d'un défaut de proposition d'une convention de conversion à l'occasion de son licenciement pour motif économique, de rapporter la preuve de l'absence de cette formalité ; qu'en décidant cependant qu'il n'est nullement établi que M. X... ait rempli cette obligation avant le licenciement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 du Code civil, L. 321-5 et L. 321-6 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'il était établi que la mention de la lettre de licenciement, selon laquelle l'employeur aurait proposé à la salariée, au cours de l'entretien préalable, le bénéfice d'une proposition de conversion était fausse ; que, dès lors, c'est sans inverser la charge de la preuve qu'elle a retenu qu'il appartenait à l'employeur d'établir qu'il avait satisfait à cette obligation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X... fait, enfin, grief à l'arrêt d'avoir condamné au paiement de rappels de salaire pour les mois d'août, septembre et octobre 1992 et pour les mois d'avril, mai, juin, août et septembre 1993, alors, selon le moyen, qu'il appartient au salarié, qui détient les fiches de paie faisant apparaître le paiement d'un salaire, de détruire par la preuve contraire la présomption de paiement qu'il a institué en faveur de l'employeur en acceptant de les recevoir ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les fiches de paie ont été remises à Mme X... tant pour la période d'août, septembre et octobre 1992 que pour la période d'avril, mai, juin, août, septembre 1993 ; qu'il incombait ainsi à Mme X... de détruire, par la preuve contraire, la présomption de paiement qu'elle avait instituée en faveur de l'employeur en acceptant de recevoir les fiches de paie ; qu'en décidant cependant que les salaires étaient dus dès lors que M. X... ne justifiait pas les avoir versés en rémunération du travail effectué par l'intéressée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 du Code civil et R. 516-2 du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation et qu'aux termes de l'article L. 143-4 du Code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d'une convention ou accord collectif de travail ou d'un contrat ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de fiches de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir versé la rémunération correspondant au travail effectué par la salariée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.