AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Société générale, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 octobre 1995 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit de Mme Françoise X..., demeurant : 76210 Saint-Jean-La-Neuville,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Girard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, Chagny, Bouret, conseillers, M. Frouin, Mmes Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, MM. Rouquayrol de Boisse, Poisot, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Girard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société générale, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X..., engagée en qualité de guichetier payeur en décembre 1971 par la Société générale, a été licenciée le 2 décembre 1993 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en présence des termes de la lettre de licenciement et des conclusions de la société qui se prévalait de la disparition "des sommes litigieuses", la cour d'appel ne pouvait se déterminer par la considération "qu'aucune ne lui avait profité" et que les reproches de l'employeur se réduisaient donc à de simples erreurs de caisses "régularisées" sans s'expliquer sur les circonstances de fait d'où résulterait la certitude qu'aucun détournement n'avait eu lieu ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, et de toute façon, que ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui, retenant qu'une inspection du bureau de Mme
X...
avait mis en lumière diverses erreurs de caisse "régularisées" par l'intéressée sans avertir sa hiérarchie et constatant que Mme X... ne contestait pas les erreurs qui lui étaient attribuées, considère que le licenciement de l'intéressée constituait une sanction disproportionnée, faute d'avoir pris en considération le fait que les erreurs de l'intéressée avaient entraîné la disparition de fonds de la banque, que le rapport de l'inspecteur avait fait apparaître que l'une des "régularisations" de Mme X... avait consisté en la falsification d'une pièce comptable et que la salariée avait tenté de dissimuler ses erreurs qui n'avaient pu être découvertes qu'au terme d'une enquête détaillée, ensemble de comportements inadmissibles au sein d'un établissement bancaire à un poste de guichetier payeur ; qu'en outre, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,
l'arrêt attaqué qui retient que les fiches de notation de 1991 et 1992 de Mme X... étaient élogieuses, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société faisant valoir que ces fiches avaient été établies avant la découverte du comportement de la salariée grâce à l'enquête ; que viole encore l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui retient en faveur de la salariée les témoignages de satisfaction de nombreux clients, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de la société faisant valoir que ces éléments étaient sans portée, lesdites attestations en question ne concernant pas les victimes des erreurs constatées ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant fait ressortir que les faits isolés reprochés étaient en partie liés à des conditions de travail difficiles, a pu décider que ce comportement de la salariée ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que, par une décision motivée dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L 122-14-3 du Code du travail, elle a ensuite décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 58 et 48 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée un complément d'indemnité de licenciement, la cour d'appel a retenu qu'il n'apparaissait pas que l'article 58 de la convention collective susvisée ne s'applique pas aux licenciements abusifs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que selon les dispositions des articles 58 et 48 de la convention collective nationale de travail du personnel des banques, l'indemnité de licenciement prévue par ces textes n'est versée qu'en cas de licenciement pour insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle ou pour suppression d'emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société générale au paiement d'une indemnité complémentaire conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 31 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.