AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Thomas répartition pharmaceutique, société en nom collectif, venant aux droits de la société Thomas répartition, dont le siège est ...,
2 / la société Erpi, société anonyme, anciennement dénommée société Maison Georges Thomas, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 septembre 1995 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section A), au profit de M. Jean-Paul Fieschi, demeurant Les Jardins de Carmino, Le Bizance, ...,
défendeur à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 décembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Balat, avocat des sociétés Thomas répartition pharmaceutique et Erpi, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Fieschi, président du directoire de la société ORPEC, filiale de la société Maison Georges Thomas (la société) dont il était membre du directoire, et aux droits de laquelle se trouvent les sociétés ERPI et Thomas répartition pharmaceutique, a assigné la société à qui il réclamait le paiement d'une certaine somme en rémunération du travail accompli pour la création et la direction d'une succursale, en invoquant l'existence d'un contrat d'entreprise ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche ::
Attendu que, les sociétés ERPI et Thomas répartition pharmaceutique reprochent à l'arrêt d'avoir qualifié le travail accompli par M. Fieschi de contrat d'entreprise et de les avoir condamnées à lui verser une provision alors, selon le pourvoi, que le contrat d'entreprise est une convention par laquelle une personne charge un entrepreneur d'exécuter en toute indépendance, de simples actes matériels, exclusifs de tout pouvoir de représentation ; qu'il était constant que M. Fieschi avait été chargé par la société, notamment de recruter le personnel de la future succursale et de démarcher la clientèle pour cette société ; qu'après avoir ainsi constaté que le travail de M. Fieschi avait été effectué pour le compte d'un tiers et sur ses initiatives, ce dont il résultait que l'intéressé avait été chargé d'accomplir des actes juridiques pour le compte de la société, la cour d'appel ne pouvait qualifier sa mission de contrat d'entreprise et a ainsi violé les articles 1787 et 1984 du Code civil ;
Mais attendu que dans ses conclusions d'appel, la société avait soutenu que M. Fieschi ne concluait jamais les opérations qu'il avait été chargé de préparer, ce qui était notamment le cas des contrats de travail qui avaient été conclus par le chef du personnel de la société, après examen des candidatures retenues par M. Fieschi ; qu'elle n'est pas recevable à présenter devant la Cour de Cassation, un moyen contraire à ses propres écritures ;
Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu qu'il est encore fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de mandat est exclusif de subordination de la part du mandataire à l'égard du mandant ; que pour écarter la qualification de mandat à la mission confié à M. Fieschi et revendiquée par la société, la cour d'appel, en retenant que les relations entre cette société et M. Fieschi était exempte de toute subordination, a déduit un motif inopérant entachant sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ; alors, d'autre part, que le contrat de mandat, qu'il soit ou non salarié, demeure distinct du contrat de travail ; que la société demandait que les relations contractuelles qu'elle entretenait avec M. Fieschi soient qualifiées de contrat de mandat ; qu'en estimant que sa demande tendait à voir conférer à M. Fieschi la qualité de salarié, en sorte que le contrat soit qualifié contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la société et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, en outre, que l'acceptation du mandat par le mandataire peut n'être que tacite et résulter de l'exécution de la mission par ce dernier ; qu'en constatant que M. Fieschi avait exécuté la mission qui lui avait été confiée pendant deux années, d'où résultait son acceptation, tout en estimant, pour juger que cette mission ne pouvait s'inscrire dans le cadre de son mandat social, que M. Fieschi n'avait pas formellement donné son acceptation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1985 alinéa 2 du Code civil ;
Mais attendu que la société ayant soutenu dans ses conclusions d'appel que le travail fourni par M. Fieschi, l'avait été dans le cadre de son mandat social de membre du directoire de la société et, non pas en exécution d'un contrat de mandat conclu avec celle-ci, ne peut proposer maintenant un moyen incompatible avec ses prétentions dans l'instance d'appel ; d'où il suit que le moyen est irrecevable en ses troisième, quatrième et cinquième branches ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1787 du Code civil ;
Attendu que pour décider que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise, l'arrêt se borne à retenir que M. Fieschi avait effectué son travail en toute indépendance, ce qui serait résulté d'un courrier adressé par la société à un tiers dans lequel elle indiquait que M. Fieschi avait été investi d'une mission de crééer une agence de la société à Vallauris et que les moyens financiers avaient été mis à sa disposition pour le faire ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme il était soutenu par la société, dans ses conclusions d'appel, il ne résultait pas des correspondances adressées à M. Fieschi par le président du directoire de la société, régulièrement versées aux débats, que M. Fieschi, loin d'avoir agi en toute indépendance, obéissait à des instructions précises de la part de la société pour les besoins de l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Fieschi aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SNC Thomas répartition pharmaceutique et la société Erpi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.