AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dont le siège est ...,
en cassation d'un jugement rendu le 4 décembre 1996 par le conseil de prud'hommes de Reims (section Encadrement), au profit de M. Patrick X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 décembre 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, M. Rouquayrol de Boisse, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., agent de la SNCF, a fait l'objet d'un détachement à compter du 18 novembre 1994 en vue de sa mutation ;
qu'il a suivi un stage de formation du 13 au 17 février 1995 ; que sa mutation a pris effet le 1er mars 1995 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement de dommages-intérêts pour violation des dispositions de l'accord-cadre Réorganisation du 12 mars 1993 et d'une indemnité de changement d'emploi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la SNCF reproche au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Reims, 4 décembre 1996) de l'avoir condamnée à verser à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'accord-cadre Réorganisation et une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors que, d'une part, aux termes de l'accord-cadre Réorganisation, titre B 1, publié dans la consigne générale Y... 1 B 1 n° 14, les détachements ne sont soumis à aucune condition de délai, seuls les changements d'affectation ne pouvant être prononcés avant un délai de deux mois ; que le conseil de prud'hommes, qui a rappelé la teneur exacte de cette disposition et a constaté que la lettre du 17 novembre 1994 confirmait à l'agent son détachement en vue d'une mutation, et qui a néanmoins considéré qu'un détachement précédant une mutation ne pouvait être prévu qu'à compter du 1er janvier 1995, n'a pas tiré les conséquences légales nécessaires s'évinçant de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, la consigne générale Y... 1 B 1 n° 14 publiant l'accord-cadre Réorganisation ; et alors que, d'autre part, le conseil de prud'hommes aurait dû, avant de faire application de l'article 47 de la loi du 20 décembre 1993 et déterminer si les dispositions de l'accord-cadre Réorganisation étaient moins favorables au salarié, procéder à une appréciation globale tenant compte des nécessités du service public ;
que, faute d'avoir effectué cette recherche, il a entaché sa décision de défaut de base légale au regard de la consigne générale Y... 1 B 1 n° 14 publiant l'accord-cadre Réorganisation et de l'article 47 de la loi du 20 décembre 1993 ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes a constaté, d'une part, que l'accord-cadre Réorganisation du 12 mars 1993 prévoit que les détachements nécessaires sont réalisés à partir de la date à laquelle les réformes de structure envisagées doivent prendre effet ;
d'autre part, que le magazine d'information de la SNCF de novembre 1994 précise, sous la signature du chef d'exploitation, que les nouvelles structures se mettront progressivement en place à compter du 1er janvier 1995 ; qu'il en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant visé par la deuxième branche du moyen, qu'en procédant au détachement du salarié avant le 1er janvier 1995, la SNCF avait violé l'accord-cadre Réorganisation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X... reproche au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité pour changement d'emploi, alors, selon le moyen, que, d'une part, les premiers juges ne pouvaient, sans se contredire, reconnaître que M. X... avait le grade de TTMV puis d'indiquer que "l'emploi de TTMV est composé des tâches suivantes..." ;
qu'en effet, la notion de TTMV correspond à un grade et non à un emploi, ainsi qu'il ressort du règlement R. Y... 20 A rappelant que les divers grades, groupés en filières, sont énumérés au règlement Y... 6 A 2 n° 1 auquel se réfèrent justement les premiers juges ; qu'ainsi, le jugement en cause est sur ce point entaché de contrariété de motifs et de défaut de réponse à conclusions puisqu'il était fait valoir par M. X... que TTMV était un grade et non un emploi ; alors, d'autre part, que les premiers juges ne pouvaient, sans rechercher si M. X... avait ou non une formation en régulation des trains, affirmer que le stage effectué par M. X... était sans rapport avec la mutation intervenue ; qu'ainsi, les premiers juges ont violé l'accord-cadre Réorganisation point 2 relatif aux "Mesures prises à l'égard des agents touchés", et plus particulièrement aux "Mesures liées au changement d'emploi", ainsi que l'annexe 2, paragraphe 2, dudit accord ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes a constaté que les tâches successivement confiées à M. X..., à savoir la direction d'une gare puis la régulation des trains, faisaient partie de l'ensemble des tâches susceptibles d'être effectuées par un agent ayant le grade de TTMV ; qu'il en a exactement déduit que M. X..., peu important le stage effectué, n'avait pas droit à une indemnité pour changement d'emploi ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.