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02/02/1999 | FRANCE | N°96-42672

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 1999, 96-42672


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société FHP-Vileda, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (21e chambre B), au profit de Mme Marie-Christine X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

Mme Marie-Christine X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 décembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M.

Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société FHP-Vileda, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (21e chambre B), au profit de Mme Marie-Christine X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

Mme Marie-Christine X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 décembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Poisot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la société FHP-Vileda, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme X... a été engagée, le 1er septembre 1972, en qualité d'attachée de direction, par la société Yom soumise à la Convention collective nationale des industries métallurgiques ; que le 1er juillet 1987, elle a été nommée président du conseil d'administration de cette société ; qu'à la suite de l'acquisition de la totalité des actions de cette société par le groupe de droit allemand Freudenberg, le mandat social de Mme X... a pris fin et elle a été engagée, à compter du 1er janvier 1991, en qualité de directeur commercial, par contrat du 8 janvier 1991 ; que la société Yom devenue la société FHP-Vileda l'a licenciée par lettre du 25 janvier 1993 ;

Sur le pourvoi principal de l'employeur :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la convention collective applicable à la salariée était celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie et non celle des commerces de gros et d'en avoir fait application pour le calcul de l'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, qu'en vertu des dispositions combinées des alinéas 3 et 7 de l'article L. 132-8 du Code du travail, lorsque l'application d'une convention est "mise en cause" dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission, ou d'un changement d'activité, ladite convention continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention qui lui est substituée ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure ; que, de plus, le droit à l'indemnité de licenciement qui ne naît qu'au moment de la rupture du contrat de travail ne peut faire l'objet d'un avantage acquis avant cette rupture ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la cession de l'ensemble des parts sociales de la société Yom au groupe Freudenberg au 1er janvier 1991 a constitué la mise en cause au sens de l'article susvisé qui a fait courir les délais successifs de trois mois et douze mois à titre de préavis, de dénonciation et de délai de négociation du nouveau statut collectif applicable dans l'entreprise, à l'issue duquel, soit le 31 mars 1992, le contrat de travail de Mme X... se trouvait désormais régi par la Convention collective nationale des commerces de gros ; d'où il suit que le licenciement de Mme X..., intervenu le 25 janvier 1993, devait être régi par la nouvelle convention collective applicable, le droit à l'indemnité de licenciement ne naissant qu'au moment de la rupture du contrat de travail, celle-ci ne pouvant faire l'objet d'un avantage acquis avant cette rupture ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du Code du travail ; alors, en outre, que la succession d'un employeur à un autre soumis à une convention collective différente de celle à laquelle était soumis le premier, les salariés ne peuvent, à défaut de nouvelle convention d'adaptation de la convention nouvellement applicable, prétendre au maintien des avantages précédemment acquis au delà de la durée d'un an et trois mois prévue par l'article L. 132-8 du Code du travail ; qu'en l'espèce, si les parties au contrat de travail se sont référées, en janvier 1991, à la Convention collective de la métallurgie, celle-ci étant seule applicable à l'époque, la mise en cause de cette convention ne justifie plus son application au delà du délai fixé par la loi ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8, alinéa 7 du Code du travail ; alors, enfin, qu'aux termes du contrat de travail du 8 janvier 1991, la société Yom avait engagé Mme X... à compter du 1er janvier 1991 ; qu'il était indiqué qu'aucune ancienneté ne serait reprise pour la période antérieure au 1er janvier 1991 ; qu'en outre Mme X... n'avait pas entendu figurer sur la liste des salariés repris et annexée à la garantie de passif qu'elle a souscrite ; qu'ainsi, l'ancienneté de Mme X... court donc du 1er janvier 1991 au 27 juillet 1993, date de l'expiration du préavis ; que, par

suite, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître la loi des parties et violer par refus d'application, l'article L. 132-8, alinéa 7 du Code du travail, faire application de l'article 28 de la Convention collective de la métallurgie puisque cette convention avait cessé d'être applicable entre les parties ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, par un motif non critiqué, a relevé que les parties avaient prévu dans le contrat de travail l'application de la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie et que, d'autre part, elle a exactement décidé que le contrat de travail ne pouvait déroger à la convention collective applicable dans un sens défavorable à la salariée ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une somme en contrepartie de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, que, d'une part, lorsque la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail prévoit que l'employeur pourra en libérer le salarié à condition de l'en avertir par écrit dans un délai de huit jours à compter de la notification de la rupture, la renonciation produit son effet, dès lors que les conditions prévues par le contrat ont été respectées, peu important que la lettre ait été adressée à l'intéressée au siège de l'entreprise, la salariée n'établissant pas ne pas avoir reçu la lettre ; qu'en refusant de tenir compte de la dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil ; alors que, d'autre part, et en tout état de cause, l'employeur faisait valoir dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse que la convention collective applicable au jour du licenciement de la salariée n'était plus la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, mais la Convention collective des commerces de gros ; que celle-ci ne prévoit aucune contrepartie pécuniaire à une clause de non-concurrence ; que, si le contrat de travail de la salariée prévoit une contrepartie pécuniaire, c'est par référence à la Convention collective de la métallurgie qui régissait les relations des parties lors de la conclusion du contrat ; qu'il ne s'agissait pas d'un avantage contractuel particulier, mais de l'application d'une convention collective devenue inapplicable aux parties ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la réponse faite au premier moyen rend inopérante la seconde branche du second moyen ;

Attendu, ensuite, qu'il appartenait à l'employeur qui entendait se dispenser du paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence de rapporter la preuve qu'il avait libéré la salariée de son obligation de non-concurrence ;

Et attendu que la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que cette preuve n'était pas rapportée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le pourvoi incident de la salariée :

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le contrat s'exécute de bonne foi ; qu'en se fondant, pour dire les reproches d'inadaptation fondés, sur le seul questionnaire d'auto-évaluation destiné à être utilisé comme base de discussion avec le président directeur général pour revoir les réalisations de l'année et définir les buts de l'année à venir, la cour d'appel a méconnu la portée du principe susvisé et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, surtout, que dans le formulaire d'auto-évaluation, la salariée s'attribuait la note 4 qui, selon l'échelle annexée au questionnaire, correspondait à un collaborateur répondant aux exigences fixées pour sa position sur presque tous les points ; qu'en ne précisant pas en quoi ce questionnaire qui définissait pour la salariée les objectifs à atteindre en 1993 témoignait d'une inadaptation telle quelle justifiait le licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale à l'égard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, de surcroît, qu'en affirmant que l'insuffisance de résultats était invoquée comme motif de rupture dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a dénaturé le document susvisé et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, en toute hypothèse, que la cour d'appel, qui n'a constaté ni les objectifs fixés à la salariée, ni les résultats obtenus, ne pouvait, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait, affirmer que l'insuffisance de résultats était établie par rapport aux objectifs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la salariée soutenait que, dans la lettre de licenciement, l'employeur avait unilatéralement défini les objectifs qui lui avaient été impartis pour en conclure qu'ils n'avaient pas été atteints ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire dont il résultait qu'il ne pouvait être reproché à la salariée de ne pas avoir atteint des objectifs dont elle n'avait pas été informée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si la cour d'appel ne pouvait utiliser, pour justifier le licenciement, un bilan dit "d'auto-évaluation" détourné de l'objet pour lequel il avait été établi, elle a constaté, par motifs propres et adoptés, que les résultats de la salariée étaient très inférieurs aux objectifs fixés et à ceux obtenus par son successeur ; que, sans encourir les griefs du moyen, elle a, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, décidé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1134 du Code civil, L. 122-12 du Code du travail, 10 de la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

Attendu que pour limiter à une certaine somme le montant de l'indemnité de licenciement réclamée par la salariée, la cour d'appel énonce qu'il résulte du rapprochement des mentions du contrat de travail, selon lesquelles la salariée est engagée à compter du 1er janvier 1991 et que son ancienneté ne sera pas reprise avec les indications de la liste du personnel devant être repris par le cessionnaire, que la salariée, chef d'entreprise depuis le 1er juillet 1987 à titre de mandataire social, avait volontairement admis la rupture de son contrat de travail et non la seule suspension de ce contrat et que dès lors elle ne peut se prévaloir, pour le calcul de son ancienneté, de la prise en compte de la durée des périodes de suspension prévues par l'article 28 de la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

Attendu, cependant, qu'au moment où la salariée est devenue président du conseil d'administration de la société le 1er juillet 1987, son contrat de travail a été seulement suspendu et a été de plein droit transmis à la société FHP-Vileda en application de l'article L. 122-12 du Code du travail nonobstant la suspension du contrat ; que, de la sorte, la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec renonciation à son ancienneté était sans effet ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant la prise en compte, pour l'ancienneté de la salariée et le calcul de son indemnité conventionnelle de licenciement, de la période de suspension de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 8 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société FHP-Vileda à payer à Mme X... la somme de 12 000 francs ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-42672
Date de la décision : 02/02/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Métallurgie - Licenciement - Suspension du contrat pour exercice d'un montant social - Ancienneté - Cession de l'entreprise.


Références :

Code du travail L122-12
Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, art. 10

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (21e chambre B), 08 mars 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 1999, pourvoi n°96-42672


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.42672
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