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02/02/1999 | FRANCE | N°96-40859

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 1999, 96-40859


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l'Union patronale textile de la région de Caudry, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1995 par la cour d'appel de Douai (Chambre sociale), au profit de Mlle Thérèse X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

Mlle X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 décembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Waqu

et, conseiller doyen rapporteur, MM. Merlin, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjea...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l'Union patronale textile de la région de Caudry, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1995 par la cour d'appel de Douai (Chambre sociale), au profit de Mlle Thérèse X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

Mlle X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 décembre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Waquet, conseiller doyen rapporteur, MM. Merlin, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Poisot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Waquet, conseiller doyen, les observations de la SCP Gatineau, avocat de l'Union patronale textile de la région de Caudry, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, par contrat du 3 septembre 1987, Mlle X... a été engagée par l'Union patronale textile de la région de Caudry, en qualité de secrétaire générale, avec mission d'assumer également la gestion de la Société auxiliaire des industries de la région de Caudry (SAIRC), qui était chargée par l'Union patronale d'accomplir les opérations commerciales qu'elle ne pouvait réaliser elle-même ; que son salaire lui était versé par l'Union patronale, qui facturait à la SAIRC les prestations dont elle bénéficiait ; que, le 31 juillet 1989, Mlle X... a été chargée d'assurer, en outre, la gestion de l'association de formation continue Forminter, créée par la même Union patronale ; qu'à partir du 1er juillet 1990, la charge du salaire de Mlle X... a été transférée à la SAIRC, avec refacturation des prestations de l'intéressée aux deux filiales de l'Union ; qu'au cours du deuxième semestre 1990, des négociations ont été entreprises, tendant à proposer à Mlle X... trois contrats de travail distincts à conclure respectivement avec l'Union patronale (20 %), la SAIRC (20 %) et Forminter (60 %) ; que, par lettre du 19 février 1991, Mlle X... a fait connaître qu'elle refusait d'accepter la modification de son contrat ainsi envisagée ; qu'elle a été licenciée avec un préavis de trois mois par une lettre de la SAIRC du 27 septembre 1991 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de l'Union patronale et de la SAIRC au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappels de salaires et de congés payés pour heures supplémentaires ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mlle X... :

Attendu que Mlle X... soulève l'irrecevabilité du pourvoi formé par l'Union patronale au motif que la déclaration de pourvoi ne formule aucun moyen de cassation et n'indique aucune disposition légale susceptible d'avoir été violée ;

Mais attendu que, si la déclaration de pourvoi n'énonce aucun moyen de cassation, le mémoire ampliatif, déposé dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration prévu par l'article 989 du nouveau Code de procédure civile, contient cet énoncé ; que la fin de non-recevoir doit donc être écartée ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par l'Union patronale :

Attendu que l'Union patronale fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mlle X..., alors, selon le moyen, de première part, que les parties au litige étaient convenues que la SAIRC était à tout le moins l'un des employeurs conjoints de Mlle X... ; que celle-ci avait expressément demandé une indemnité de licenciement abusif à la SAIRC à qui elle reconnaissait la qualité d'employeur ; qu'en décidant que la SAIRC n'était pas l'employeur et qu'elle devait être mise hors de cause au détriment de l'Union patronale, quand aucune demande n'était formulée en ce sens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4, 5 et 12 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, que les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen de fait ou de droit sans inviter les parties à en débattre contradictoirement ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des conclusions des parties, ni des documents versés par elles aux débats, que le moyen pris du prétendu défaut de qualité de la SAIRC pour prononcer le licenciement de Mlle X... ait été débattu contradictoirement ; que, dans ces conditions, en retenant d'office le caractère illégitime du licenciement faute d'avoir été prononcé par le véritable employeur de Mlle X..., la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, que l'Union patronale avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que le projet de signature de trois contrats de travail distincts ne faisait que consacrer en la forme une situation de fait qui existait déjà depuis plusieurs années ; qu'en effet, Mlle X... effectuait sa prestation au service de chacune des trois entités qui avaient déjà de ce fait chacune la qualité d'employeur ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si, compte tenu des conditions d'exécution en fait de la prestation contractuelle par Mlle X..., chacune des entités n'était pas comme telle habilitée à prononcer le licenciement de cette salariée, l'arrêt, qui s'est fondé sur la seule constatation de l'embauche de cette salariée par l'Union patronale en 1987 pour en déduire que cette dernière était restée l'unique employeur, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 121-1 et L. 122-14-5 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

alors, de quatrième part, qu'en toute hypothèse, a qualité pour licencier un salarié l'employeur qui a signé le contrat de travail et verse la rémunération au salarié qui l'a toujours acceptée, peu important que le travail soit accompli au profit d'un tiers ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer nul le licenciement par la SAIRC de Mlle X... qui n'aurait travaillé que pour l'Union patronale, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-5 du Code du travail ; alors, de cinquième part, que l'employeur véritable, qui "avalise le licenciement" prononcé par l'employeur apparent, ratifie nécessairement celui-ci et se substitue à l'employeur apparent dans la procédure de licenciement, notamment en s'appropriant les motifs invoqués dans la lettre de licenciement adressée à la salariée ; qu'en refusant de prendre en considération la lettre de licenciement adressée à Mlle X..., la cour d'appal a violé les articles 1338 du Code civil et L. 122-14-1 du Code du travail ; et alors, de sixième et dernière part, que la cour d'appel aurait dû à tout le moins rechercher si la SAIRC n'avait pas reçu mandat de l'Union patronale de licencier Mlle X... ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 du Code civil et L. 122-14-1 du Code du travail ;

Mais attendu que, sans dénaturer les termes du débat ni violer le principe de la contradiction, la cour d'appel, qui a relevé que l'accord intervenu le 1er juillet 1990 et aux termes duquel la SAIRC avait pris la charge du salaire de Mlle X..., n'avait pour but que de frauder la loi fiscale, a pu décider que la SAIRC était un employeur fictif et que l'employeur réel était resté l'Union patronale ;

Et attendu que l'Union patronale n'ayant pas motivé le licenciement de la salariée, la cour d'appel a retenu à bon droit que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit qu'aucun des griefs du moyen n'est fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la salariée :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6 de l'annexe 4 "ingénieurs et cadres" de la Convention collective nationale des industries textiles ;

Attendu qu'aux termes du premier alinéa de ce texte : "Les appointements des cadres sont des appointements forfaitaires qui ne varient pas en fonction de leur horaire personnel ; ils incluent notamment les variations dues à des heures supplémentaires occasionnelles ou à des heures de récupération effectuées par l'établissement..." ; que, selon les trois derniers alinéas du même texte, "lorsqu'un cadre est responsable d'une double ou d'une triple équipe dont il assume la direction en répartissant son horaire personnel sur l'ensemble des postes de travail pour lesquelles il demeure effectivement disponible, ses appointements effectifs seront au moins égaux à la rémunération minimum garantie de son poste majorée de 25 % en cas de responsabilité sur deux équipes et de 35 % en cas de responsabilité sur trois équipes..." ;

Attendu que, pour débouter Mlle X... de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt énonce que, s'il n'est pas interdit à un cadre de bénéficier d'une majoration pour heures supplémentaires, un tel bénéfice est exclu lorsque l'importance de la rémunération laisse supposer que le salaire a été calculé et majoré pour tenir compte de l'accomplissement éventuel d'heures supplémentaires ou lorsque l'importance des fonctions et la liberté d'action témoignent de l'autorité et des responsabilités dont le salarié est investi ; qu'en l'espèce, Mlle X... a été engagée comme secrétaire générale avec une mission vaste, et qu'elle disposait d'une grande liberté d'action dans son travail et dans son horaire ; que l'exercice de sa fonction impliquait normalement des dépassements d'horaires ; qu'elle percevait une rémunération forfaitaire incluant les variations d'heures supplémentaires occasionnelles ou des heures de récupération effectuées par l'établissement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mlle X... faisait valoir dans ses écritures, d'une part, que les heures supplémentaires dont elle réclamait le paiement n'étaient nullement occasionnelles, puisqu'il s'agissait d'horaires constants, non contestés par l'employeur et dus à une surcharge de travail qui n'avait pas été prise en compte par le contrat de travail initial, d'autre part, qu'exerçant ses responsabilités au sein de deux sociétés et d'une association, elle était en droit de prétendre à une majoration de rémunération de 35 %, la cour d'appel, qui a, sur ces deux points, omis de répondre aux conclusions dont elle était saisie, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions relatives à la demande en paiement de rappels de salaires pour heures supplémentaires et aux demandes s'y rattachant, l'arrêt rendu le 15 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne l'Union patronale textile de la région de Caudry aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40859
Date de la décision : 02/02/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Industries textiles - Salaire - Heures supplémentaires d'un cadre.

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Détermination - Employeur fictif pour raison de fraude fiscale.


Références :

Annexe 4 "ingénieurs et cadres" art. 6
Code civil 1134
Convention collective nationale des industries textiles

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (Chambre sociale), 15 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 1999, pourvoi n°96-40859


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.40859
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