AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société La Taverne de Chamouny, société anonyme, dont le siège est ... Mont-Blanc, prise en la personne de son représentant légal Mme Annie Y... épouse X..., président du conseil d'administration, domiciliée ès qualités audit siège,
2 / Mme Annie Y... épouse X...,
3 / M. Jean-Claude X...,
demeurant ensemble ... Mont-Blanc,
en cassation d'une ordonnance rendue le 17 décembre 1996 par le président du tribunal de grande instance de Bonneville, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ...,
défendeur à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, d'une part, deux moyens de cassation et un mémoire personnel annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 décembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, MM. Huglo, Boinot, conseillers référendaires, Mme Garnier, conseiller appelée à faire fonctions d'avocat général en remplacement de Mme Piniot, empêchée, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de la société La Taverne de Chamouny et de Mme X..., de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de Mme Garnier appelée à faire fonctions d'avocat général en remplacement de Mme Piniot, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par ordonnance du 17 décembre 1996, le président du tribunal de grande instance de Bonneville a, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des Impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux privés ou professionnels de la SA La Taverne de Chamouny ou de son représentant légal, ..., ..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de cette société ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel de M. X... :
Attendu que le directeur général des impôts soutient que ce mémoire est irrecevable au motif que M. X... ne se serait pas pourvu en cassation ;
Mais attendu qu'il résulte de la déclaration enregistrée le 23 décembre 1996 au greffe du tribunal de grande instance de Bonneville que M. Z..., avocat au barreau de Bonneville s'est pourvu en cassation au nom, notamment, de M. Jean-Claude X... ;
D'où il suit que le mémoire personnel de ce dernier est recevable ;
Sur le moyen unique des mémoires personnels de M. et Mme X... et de la société La Taverne de Chamouny et sur le second moyen du mémoire ampliatif, qui sont identiques :
Vu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que le juge, qui autorise en vertu de ce texte une visite et une saisie à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier, de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que cette Administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ;
Attendu que, pour autoriser les visite et saisie litigieuses, l'ordonnance se borne à énoncer, après avoir recensé les pièces produites par l'Administration au soutien de sa requête, "qu'il existe des présomptions selon lesquelles la SA La Taverne de Chamouny se soustrairait ainsi à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA, en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou faire passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts" ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans se référer, en les analysant, fût-ce succinctement, aux éléments d'information fournis par l'Administration dont il tirait les faits fondant son appréciation, le président du tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte précité ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du mémoire ampliatif :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 17 décembre 1996, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Bonneville ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne le directeur général des Impôts aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.