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26/01/1999 | FRANCE | N°97-11206

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 1999, 97-11206


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Immobilière Hispano Française, dont le siège est ...,

en cassation d'un jugement rendu le 10 décembre 1996 par le tribunal de grande instance de Paris, au profit du Directeur général des Impôts, domicilié au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés a

u présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisat...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Immobilière Hispano Française, dont le siège est ...,

en cassation d'un jugement rendu le 10 décembre 1996 par le tribunal de grande instance de Paris, au profit du Directeur général des Impôts, domicilié au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er décembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la société Immobilière Hispano Française, de Me Thouin-Palat, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 10 décembre 1996) que la société Etablissements Bourg et Cie a promis le 8 août 1990 à la société Les Fils de René X... de lui vendre au prix de 130 millions de francs la totalité de ses actions, la validité de cette promesse expirant le 20 septembre suivant ;

qu'il était stipulé que le bénéficiaire pourrait faire lever la promesse par toute personne qu'il lui plairait de se substituer et qu'au cas de levée d'option, le bénéficiaire initial ou substitué s'engageait, dans le même délai, à signer un engagement ferme et irrévocable confirmant ces conditions et le transfert des titres et le paiement du prix devant avoir lieu avant le 30 octobre suivant; que, le 23 octobre 1990, la société Les Fils de René X... a cédé, pour 24 800 000 francs, son avantage à la société Immobilière Hispano-française (société SIHF) ; que le 29 octobre suivant les mouvements de titres ont été portés sur les registres et que le bilan de fin d'année de la SIHF a porté mention du versement du prix d'achat; que l'administration des impôts a considéré que SIHF avait levé l'option d'achat et l'a invitée à payer les droits de mutation prévus par l'article 726 du Code général des impôts et que la société a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement des sommes résultant du redressement ainsi opéré ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société SIHF reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte de promesse unilatérale de vente stipulait que le bénéficiaire s'engageait "à signer au plus tard le 20 septembre 1990 un engagement ferme et irrévocable confirmant les conditions ci-dessus" à peine de caducité de la promesse "sans qu'il soit besoin pour les promettants de faire aucune mise en demeure" ; qu'ayant relevé que figurait à l'actif du bilan de la SIHF le 31 décembre 1990 des immobilisations financières pour la somme de 154 800 000 francs, que le paiement du prix de la cession de promesse indique suffisamment que dans l'esprit des parties ladite cession était efficace, que le transfert des actions s'est opéré le 29 octobre 1990 ainsi qu'il ressort du registre des mouvements de titres de la société Etablissements Bourg et Cie, soit à une date laissant présumer que les parties avaient voulu respecter la date limite du 30 octobre 1990 fixée dans la promesse, pour affirmer qu'il s'en déduit nécessairement que l'option avait été levée certes sans que l'administration puisse faire état ni d'un acte extrajudiciaire ni d'une lettre recommandée avec accusé de réception de levée de l'option par la société Les Fils de René X..., bénéficiaire d'origine, mais sans que la caducité de la promesse ne soit encourue, aucune des parties à l'acte ne s'en étant au demeurant prévalue, le Tribunal s'est prononcé par des motifs inopérants à caractériser la levée de l'option avant le 20 septembre 1990 et donc l'exigence d'un acte écrit, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 726 du Code général des impôts et 1101 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'acte de promesse unilatérale de vente stipulait que le bénéficiaire s'engageait "à signer au plus tard le 20 septembre 1990 un engagement ferme et irrévocable confirmant les conditions ci-dessus" à peine de caducité de la promesse "sans qu'il soit besoin pour les promettants de faire aucune mise en demeure" ; qu'ayant relevé que figurait à l'actif du bilan de la SIHF le 31 décembre 1990 des immobilisations financières pour la somme de 154 800 000 francs, que le paiement du prix de la cession de promesse indique suffisamment que dans l'esprit des parties ladite cession était efficace, que le transfert des actions s'est opéré le 29 octobre 1990 ainsi qu'il ressort du registre des mouvements de titres de la société Etablissements Bourg et Cie, soit à une date laissant présumer que les parties ont voulu respecter la date limite du 30 octobre 1990 fixée dans la promesse, pour affirmer qu'il s'en déduit nécessairement, que l'option avait été levée certes sans que l'Administration puisse faire état ni d'un acte extrajudiciaire ni d'une lettre recommandée avec accusé de réception de levée de l'option par la société Les Fils de René X..., bénéficiaire d'origine, mais sans que la caducité de la promesse ne soit encourue, le Tribunal qui affirme qu'aucune des parties à l'acte ne s'était prévalue de la caducité, cependant qu'il était expressément stipulé que la présente promesse serait considérée comme nulle et non avenue sans qu'il soit besoin pour les promettants de faire aucune mise en demeure si à la date du 20 septembre 1990 le bénéficiaire n'a pas manifesté sa volonté d'acquérir les actions susvisées, n'a pas constaté que l'option

avait été levée dans les termes de l'acte, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 726 du Code général des impôts et 110I et suivants du Code civile; et alors, enfin, qu'il était stipulé que la levée d'option, au plus tard le 20 septembre 1990, devait être réalisé "soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" ; qu'ayant constaté que figurait à l'actif du bilan de la SIHF le 31 décembre 1990 des immobilisations financières pour la somme de 154 800 000 francs, que le paiement du prix de la cession de promesse indique suffisamment que dans l'esprit des parties ladite cession était efficace, que le transfert des actions s'est opéré le 29 octobre 1990 ainsi qu'il ressort du registre des mouvements de titres de la société Etablissements Bourg et Cie, soit à une date laissant présumer que les parties ont voulu respecter la date limite du 30 octobre 1990 fixée dans la promesse, pour affirmer qu'il s'en déduit nécessairement que l'option avait été levée, certes sans que l'Administration puisse faire état ni d'un acte extrajudiciaire ni d'une lettre recommandée avec accusé de réception de levée de l'option par la société Les Fils de René X..., bénéficiaire d'origine, mais sans que la caducité de la promesse ne soit encourue, aucune des parties à l'acte ne s'en état au demeurant prévalue, le Tribunal qui décide que l'option a été nécessairement levée, tout en relevant que l'Administration ne rapportait pas la preuve d'un acte extrajudiciaire ni d'une lettre recommandée avec accusé de réception, forme exigée par la promesse, a par là-même méconnu les clauses claires et précises de la promesse et violé l'article 1134 du Code civil et subséquemment l'article 726 du Code général des impôts ;

Mais attendu que ce texte soumet aux droits de mutation les cessions de parts sociales ; qu'ayant constaté que la société SIHF avait acquis de la société Etablissements Bourg et Cie les titres composant le capital de cette dernière, avant la date limite prévue et au prix stipulé par la promesse faite par cette société au bénéficiaire primitif de la promesse, qui disposait d'une faculté de substitution, le Tribunal a pu en déduire la réalité de la cession, bien que les formes prévues de la levée d'option n'aient pas été observées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SIHF reproche aussi au jugement d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans le cas d'une cession de promesse de vente le cédant cède le droit d'option que lui a accordé le promettant ; qu'en l'absence d'un tel droit l'acquisition de l'objet de la promesse ne repose pas sur l'acte de promesse ; qu'en affirmant que l'option avait été levée par le bénéficiaire, qu'elle avait fait l'acquisition de cette promesse, qu'en acceptant d'être subrogée dans les droits du bénéficiaire elle a donné son accord sur la chose et sur le prix, pour décider que le redressement est justifié, le Tribunal n'a pas constaté l'existence d'un acte écrit manifestant l'accord des parties sur la chose et sur le prix et a violé les articles 1101 et suivants du Code civile et 726 du Code général des impôts; et alors, d'autre part, qu'il était stipulé à la promesse unilatérales de vente que le bénéficiaire acceptait la promesse en tant que telle, se réservant le droit de l'accepter ou d'y renoncer, le bénéficiaire pouvant lever lui-même ou faire lever la promesse par toute personne puisque ou morale française ou étrangère qu'il lui plaira de se substituer; qu'elle avait fait valoir que l'acte de cession de promesse unilatérale de cession d'action avait été établi le 23 octobre 1990, soit postérieurement à la durée de validité de la promesse unilatérale de vente, et invitait le Tribunal à constater que le bénéficiaire de la promesse n'avait pu lui céder un droit qu'il n'avait pas du fait de la caducité de la promesse et dés lors la subroger dans les droits qu'il tenait de cet acte caduc ; qu'ayant constaté qu'à l'acte de cession intervenu le 23 octobre 1990 il était stipulé qu'elle avait eu communication dés avant ce jour de l'original de l'acte de promesse de cession ; que la société Les Fils de René X... lui a cédé le bénéfice de ladite promesse et l'a subrogée, sans autre garantie que l'existence de cette promesse, dans tous ses droits et actions contre les promettants (les associés de la société Bourg et Cie) le prix de la cession étant fixé à 24 800 000 francs, le Tribunal qui, répondant au moyen par lequel elle l'invitait à constater que, la promesse étant caduque, la cession n'avait pu opérer aucun transfert de droit, considère que le paiement du prix de cession de la promesse indique suffisamment que, dans l'esprit des parties, ladite cession était efficace, qu'elle ne soutint d'ailleurs pas que son paiement était sans cause, qu'acceptant d'être subrogée dans les droits de la société Les Fils de René X..., elle a donné son accord sur la chose et sur le prix ainsi que sur les modalités de paiement, sans constater que dans l'acte de cession de la promesse le prix de cession des actions était précisé, le Tribunal n'a pas caractériser l'existence d'un écrit rapportant son accord sur la chose et sur le prix et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 726 du Code général des impôts et 1101 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause les appréciations souveraines des juges du fond qui ont constaté le versement du prix d'achat des titres par la SIHF, l'inscription de l'opération à son bilan à la date prévue pour la réalisation du transfert de propriété, ainsi que son inscription au registre des mouvements de titres de la société émettrice ; qu'il est sans fondement ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SIHF fait enfin grief au jugement d'avoir ainsi rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de l'article 726-1 du Code général des impôts les actes portant cession d'actions sont soumis à un droit d'enregistrement proportionnel ;

que, pour que ce droit puisse être perçu, l'accord réalisant la cession d'actions doit avoir donné lieu à la rédaction d'un écrit formant titre à l'égard de chacune des deux parties ; qu'en visant la promesse unilatérale de vente du 8 août 1990 au profit de la société Les Fils de René X..., l'acte de cession de cette promesse au profit d'elle-même, lequel stipulait seulement le prix de cession de cette promesse, soit 24 800 000 francs, puis en relevant que le transfert d'actions s'est opéré le 29 octobre 1990 ainsi qu'il ressort des mouvements de titres de la société Etablissements Bourg et Cie, pour en déduire qu'en acceptant d'être subrogée dans les droits de la société Les Fils de René X..., elle a donné son accord sur la chose et sur le prix, ainsi que sur les modalités de paiement, le Tribunal, qui n'a pas constaté l'existence d'un accord écrit formant titre à l'égard de chacune des parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 726 susvisé; et alors, d'autre part, que les actes portant cession d'actions ait donné lieu à la rédaction d'un écrit formant titre à l'égard de chacune des deux parties à l'acte; qu'en l'espèce, le Tribunal, qui ne vise aucun document contenant son accord écrit autre que la cession de promesse d'actions, pour un prix de 24 800 000 francs, ne contenant aucun prix de cession des actions litigieuses, qui cependant décide qu'en acceptant d'être subrogée dans les droits de la société Les Fils de René X..., elle a donné son accord sur la chose et sur le prix, ainsi que sur les modalités de paiement, cependant que ladite cession est absolument muette sur le prix de cession des actions, le Tribunal a violé l'article 726 du Code général des impôts ;

Mais attendu, d'une part, que la société SIHF ne prétend pas ne pas avoir acquis la propriété des titres litigieux et ne fait pas état d'une aucune autre cause de cette acquisition qu'une substitution à son profit du bénéfice de la promesse, de la part du bénéficiaire primitif ;

Attendu, d'autre part, que le jugement relève l'existence de la promesse du 8 août 1990, suivie de trois actes passés le 23 octobre suivant, le premier portant cession du bénéfice de la promesse, le second dans lequel les promettants indiquaient avoir transféré à la société SIHF les actions litigieuses, moyennant le paiement immédiat du prix et promettaient d'accorder au cessionnaire une garantie d'actif et de passif, le troisième concrétisant cette promesse ; qu'en en déduisant que l'ensemble de ces actes constituaient le titre complet, constatant l'accord du cédant et du cessionnaire sur la chose cédée, sur son prix et sur les modalités de paiement, le Tribunal a légalement justifié sa décision au regard du moyen ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Immobilière Hispano Française aux dépens ;

Condamne la société Immobilière Hispano Française à une amende civile de 20 000 francs envers le Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-11206
Date de la décision : 26/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux de meubles - Cession de droits sociaux - Promesse avec faculté de substitution.

SOCIETE (règles générales) - Parts sociales - Cession - Promesse de cession - Cession de son bénéfice - Réalisation.


Références :

CGI 726
Code civil 1134

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 10 décembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jan. 1999, pourvoi n°97-11206


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.11206
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