AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société MR Internet, dont le siège est ...,
en cassation d'un jugement rendu le 23 novembre 1995 par le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce), au profit de Mme Adelia X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 novembre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de Me Vuitton, avocat de la société MR Internet, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société MR Internet, dont l'activité est le nettoyage des locaux industriels et commerciaux, a engagé Mme X... en qualité d'ouvrière de nettoyage à compter du 4 novembre 1991 ; que la salariée travaillait sur un chantier situé à Nanterre ; que la société utilisatrice a résilié son contrat de nettoyage à effet au 31 janvier 1994 ;
que soutenant que son contrat de travail avait été rompu, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de licenciement, de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les trois moyens, réunis :
Attendu que la société MR Internet fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Nanterre, 23 novembre 1995) de l'avoir condamnée à payer à la salariée diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le premier moyen, d'une part, qu'en application de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, il incombe au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et de donner ou restituer une exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ; qu'en relevant uniquement à l'encontre de la société un comportement d'une légèreté blâmable sans qualifier la rupture du contrat de travail pour l'imputer à l'une ou l'autre des parties, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que la société devait verser une indemnité "identique à celle d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse" sans qualifier expressément le mode de rupture du contrat, le conseil de prud'hommes a laissé incertain le fondement de sa condamnation, violant derechef l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même code et alors, selon le deuxième moyen, que l'article 455 du nouveau Code de procédure civile fait obligation aux juges du fond de répondre aux conclusions qui leur sont soumises par les parties ;
que le conseil de prud'hommes a qualifié de léger le comportement de l'employeur ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, la salariée avait fait l'objet d'une sollicitation plus intéressante de la part d'une autre entreprise de nettoyage et avait trouvé un autre emploi dès le mois de février 1994, le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et alors, selon le troisième moyen, d'une part, que le refus pour un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue en principe une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement, qu'à défaut d'un tel licenciement, le contrat n'a pas été rompu de sorte que la salariée ne pouvait réclamer aucune indemnité ;
qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 122-14-4 du Code du travail, ensemble l'article L. 122-6 du même Code et alors, d'autre part, que la salariée, qui avait refusé de reprendre son service et quitté l'entreprise, bien que son contrat de travail n'ait subi aucune modification substantielle, devait être considérée comme démissionnaire ; que les juges du fond, qui n'ont pas relevé cet état de fait mais ont jugé que l'employeur avait eu un comportement d'une légèreté blâmable, ont entaché leur décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes, en relevant que l'employeur avait manqué à son obligation de fournir du travail à la salariée, a exactement décidé que ce comportement fautif s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement n'encourt pas les griefs des moyens ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MR Internet aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.