AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'association Union nationale de prévoyance de l'enseignement catholique (UNPEC), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 juillet 1996 par la cour d'appel de Paris (21e chambre C), au profit de M. Patrick X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 novembre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, M. Soury, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de l'association UNPEC, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 1996), que M. X..., engagé le 1er septembre 1985 suivant contrat écrit à durée indéterminée assorti d'une période d'essai de 3 mois en qualité de directeur administratif, financier et social par le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP), a été nommé secrétaire général de la FFNEAP et directeur des associations, de la gestion et des affaires sociales à compter du 1er septembre 1986, et le 2 septembre 1991 aux termes d'un contrat à durée indéterminée en date du 16 juillet 1991 à l'Union nationale de prévoyance de l'enseignement catholique (UNPEC) en qualité de secrétaire général, avec une période d'essai d'un an ; qu'il a été informé par lettre du 25 février 1992, qu'il était mis fin à sa période d'essai en raison d'une inadéquation professionnelle à la mission confiée par l'Association ; qu'en invoquant l'unité des fonctions exercées dans l'une et l'autre des associations et en contestant la légitimité de la rupture, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnités de rupture ;
Attendu que l'UNPEC fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... les indemnités demandées, alors, selon le moyen, qu'en premier lieu, il incombait à M. X..., demandeur à l'action, qui a été engagé au service de l'UNPEC, de rapporter la preuve qu'il n'avait pas démissionné de ses précédentes fonctions au sein du CNEAP ; qu'en mettant à la charge de l'UNPEC la preuve que le salarié avait démissionné de son précédent emploi, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; et alors que la cour d'appel ne pouvait pas se borner à affirmer que la démission de M. Y... n'était pas établie ; qu'il lui appartenait de rechercher si le salarié qui avait quitté ce premier employeur pour s'engager au service de l'UNPEC et qui avait signé un reçu pour solde de tout compte qu'il avait lui-même établi, sans jamais le contester, n'avait pas ainsi manifesté de façon non équivoque sa volonté de mettre fin à son premier emploi ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ; alors qu'en deuxième lieu, le contrat de travail est un contrat synallagmatique par lequel l'employeur et le salarié s'obligent réciproquement, que la cour d'appel qui a reconnu que l'UNPEC et le CNEAP constituaient des personnes juridiques distinctes et n'a nullement caractérisé la fictivité de l'un ou de l'autre de ces organismes ne pouvait considérer l'engagement du salarié par l'UNPEC comme étant "le prolongement" du contrat de travail conclu précédemment avec le CNEAP ; qu'elle a violé les articles L. 121-1 et suivants du Code du travail ; et alors qu'en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que les fonctions de M. X... au sein de l'UNPEC étaient similaires à celles exercées au sein du CNEAP et à se référer à un communiqué du CNEAP pour décider que le second contrat était le prolongement du premier ; que le communiqué dont elle cite par ailleurs les termes ne fait nullement état d'un quelconque prolongement du contrat ni même d'un détachement ; et qu'il appartenait à la cour d'appel de préciser sur quel autre élément elle se fondait, et de répondre aux conclusions de l'UNPEC soulignant les différences de fonction entre les deux emplois successifs et d'analyser les deux contrats dont le second ne comportait aucune mention d'une quelconque reprise d'ancienneté ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et suivants du Code du travail ;
alors, en troisième lieu et à titre subsidiaire, que les parties au contrat de travail peuvent en cas de novation non équivoque de leurs obligations contractuelles, convenir d'une nouvelle période d'essai ; qu'en jugeant illicite la période d'essai incluse dans le contrat intervenu entre l'UNPEC et M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 122-4 du Code du travail ; et alors, enfin, et à titre infiniment subsidiaire, que la cour d'appel pour condamner l'UNPEC à payer à M. X... des indemnités pour licenciement abusif s'est contentée de relever que l'employeur ne pouvait mettre fin à la période d'essai sans examiner le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement ; qu'elle a ainsi violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen inopérant tiré de la similitude des fonctions successivement exercées par le salarié pour le CNEAP et l'UNPEC a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que ces deux organismes avaient des services et des dirigeants communs et une adresse commune, que c'était avec l'accord du premier que le salarié était passé au service du second et que l'engagement de M. X... par l'UNPEC, sans qu'il soit prouvé qu'il ait démissionné du CNEAP, n'était que le prolongement de son contrat initial ; qu'au vu de ces constatations d'où il résultait que les deux organismes avaient la qualité de co-employeurs, elle a pu décider qu'aucune période d'essai ne pouvait être imposée au salarié ;
Et attendu, ensuite, qu'elle a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, par une décision motivée, que le licenciement qui n'était justifié que par la décision de mettre fin à la période d'essai ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association UNPEC aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'association UNPEC à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.