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12/01/1999 | FRANCE | N°97-13125

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 janvier 1999, 97-13125


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 1997) que le Conseil de la concurrence a été saisi le 24 mars 1992 par le ministre de l'Economie de pratiques illicites relevées à l'encontre de la société groupe X... et de sa filiale la société X... (les sociétés X...) de pratiques relevées à l'occasion de l'exécution de conventions de franchise dans le réseau de vente au détail de vêtements pour enfants portant la marque Z ; que par décision n° 96-D-36 du 28 mai 1986 le Conseil a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces société

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Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 1997) que le Conseil de la concurrence a été saisi le 24 mars 1992 par le ministre de l'Economie de pratiques illicites relevées à l'encontre de la société groupe X... et de sa filiale la société X... (les sociétés X...) de pratiques relevées à l'occasion de l'exécution de conventions de franchise dans le réseau de vente au détail de vêtements pour enfants portant la marque Z ; que par décision n° 96-D-36 du 28 mai 1986 le Conseil a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces sociétés pour avoir notamment, entre 1990 et 1992, inséré dans leurs contrats une clause imposant aux franchisés de s'adresser à la société Z service, pour la réalisation des aménagements intérieurs et extérieurs des magasins, et une clause les obligeant, également, de se fournir auprès de la société X... ou d'entreprises agréées pour l'ensemble de leurs achats qu'il s'agisse de vêtements ou de fournitures annexes ; qu'en outre le Conseil a sanctionné ces sociétés pour avoir prévu dans les deux premiers contrats-types une obligation de respect des prix " conseillés " ; que les sociétés X... ont formé devant la cour d'appel de Paris un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours, alors, selon le pourvoi, que, selon l'article 6, alinéa 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et que, selon l'article 6, alinéa 3 a, tout accusé a droit, notamment, à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que l'instruction et la procédure devant le Conseil de la concurrence sont pleinement contradictoires ; que ces principes doivent être respectés dès la saisine du Conseil de la concurrence ; que les sociétés groupe X... SA et X... SA avaient fait valoir dans leurs écritures devant la cour d'appel qu'elles n'avaient été informées des poursuites dont elles faisaient l'objet devant le Conseil de la concurrence qu'en février 1995, 3 ans après sa saisine ; que cette circonstance avait entravé leur défense car, ayant légitimement pu croire qu'aucune suite n'avait été donnée à l'enquête réalisée en 1991, elles n'avaient pu conserver la preuve de ce que les prix conseillés en 1991 n'étaient pas imposés, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes précités ;

Mais attendu que les sociétés X... ont invoqué dans leurs écritures devant la cour d'appel une violation de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 selon lequel le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ; que la Cour ayant rejeté ce moyen et énoncé que la prescription n'était pas acquise lorsque M. X... avait été entendu par le rapporteur le 13 mars 1995 sur les faits, objet de la saisine du Conseil de la concurrence le 24 mars 1992, et cette motivation n'étant pas critiquée par le pourvoi, les sociétés X... ne sauraient faire grief à l'arrêt de ne pas avoir répondu à leur argumentation incidente aux termes de laquelle " cette léthargie trompeuse pour les exposants a entravé leur défense en particulier quant à la preuve de ce que les prix conseillés en 1991 n'étaient pas imposés " (page 32 du mémoire), ces entreprises étant responsables de la déperdition éventuelle des preuves qu'elles entendaient faire valoir tant que la prescription de trois ans n'était pas acquise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la prohibition des ententes ayant un objet anticoncurrentiel édictée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peut être relevée que si l'accord dénoncé est susceptible de porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence sur le marché pertinent considéré ; que l'existence de cette atteinte, éventuelle ou avérée, doit être appréciée en considération de la portée de l'accord litigieux sur le marché pertinent considéré, si bien qu'en se fondant seulement sur l'appartenance des parties aux accords litigieux à un groupe propriétaire de marques renommées pour en déduire que lesdits accords pouvaient porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le réseau de franchises concerné par les clauses litigieuses ne représentait que 2,7 % du marché pertinent, caractérisé par une forte concurrence, d'où il résultait que lesdites clauses ne pouvaient, à elles seules, influencer le libre jeu de la concurrence sur ce marché, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé qu'en l'absence de toute définition légale ou réglementaire d'un seuil de sensibilité, il appartient aux juridictions saisies de vérifier dans chaque cas d'espèce si l'effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné ; qu'ayant souverainement constaté que le réseau de franchise Z comportait, en 1990, 247 magasins et se trouvait de ce fait parmi les principales enseignes de vente au détail de vêtements pour enfants par le nombre des points de vente et, ayant relevé en outre, que si le réseau de franchise ne détenait à lui seul que 2,7 % du marché de référence ce marché était caractérisé " par une forte concurrence ", ce dont il découlait que le réseau des entreprises concernées par la vente au détail des vêtements pour enfants étant particulièrement dense sur le territoire national, les pratiques illicites adoptées par les uns pouvaient fausser le jeu de la libre concurrence à l'égard des autres, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-13125
Date de la décision : 12/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE (ordonnance du 1er décembre 1986) - Pratique anticoncurrentielle - Entente - Conditions - Entrave à la concurrence - Appréciation - Appréciation quantitative - Seuil de sensibilité - Vérification par les juridictions .

CONCURRENCE (ordonnance du 1er décembre 1986) - Pratique anticoncurrentielle - Entente - Conditions - Entrave à la concurrence - Appréciation - Appréciation quantitative - Seuil de sensibilité - Franchise - Seuil atteint

Pour l'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en l'absence de toute définition légale ou réglementaire d'un seuil de sensibilité, il appartient aux juridictions saisies de vérifier dans chaque cas d'espèce si l'effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné. Ayant souverainement constaté que le réseau de franchise mis en cause comportait 247 magasins et se trouvait de ce fait parmi les principales enseignes de vente au détail de vêtements pour enfants par le nombre de points de vente et ayant relevé en outre que, si le réseau de franchise ne détenait à lui seul que 2,7 % du marché de référence, ce marché était caractérisé par une forte concurrence, une cour d'appel a pu considérer que, le réseau des entreprises concernées par la vente au détail des vêtements pour enfants étant particulièrement dense sur le territoire national, les pratiques illicites adoptées par les uns pouvaient fausser le jeu de la libre concurrence à l'égard des autres.


Références :

Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986 art. 7

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jan. 1999, pourvoi n°97-13125, Bull. civ. 1999 IV N° 9 p. 9
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 9 p. 9

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.13125
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